Le Congrès irlandais des syndicats (Irish
Congress of Trade Unions, ICTU) a été à l’origine d’une défaite honteuse. Un
mois seulement après que plus de 120 000 salariés aient défilé à Dublin
pour protester contre les coupes et les mesures d’austérité du gouvernement,
l’ICTU a annulé la grève nationale qu’il avait prévue pour le 30 mars.
Cinq jours avant que la grève ne démarre,
l’ICTU avait annoncé qu’il avait accepté l’invitation du gouvernement à
négocier. Il affirma qu’un accord non spécifique pour le réexamen de l’emprunt
gouvernemental (l’ICTU préconisant une augmentation de 1,5 pour cent de
l’objectif de 9,5 pour cent avancé par le gouvernement) promettait une
répartition « plus équitable » du fardeau économique causé par la
récession globale.
Les syndicats ont dit que ceci serait une base
de négociation pour convaincre le gouvernement de coalition Fianna Fail/Verts,
emmené par le premier ministre Brian Cowan, à adopter le « plan de relance
nationale en 10 points » de l’ICTU, une liste de vœux ne valant pas le
papier sur lequel ils sont écrits.
L’action de l’ICTU est vue, de façon juste, comme une trahison
et des appels à la démission de son secrétaire national, David Begg, se sont
fait entendre parce qu’il avait invalidé de nombreux mandats de grève. Mais,
une indignation aussi justifiée soit-elle ne peut cacher le fait qu’on ne
pouvait s’attendre, de la part de Begg et Cie, à rien d’autre.
L’ICTU n’est pas une organisation qui, même au sens le plus
large, défend les intérêts de classe ouvrière. C’est une partie intégrante de
la machine du régime capitaliste en Irlande. Depuis plus de deux décennies, il
siège dans divers organes tripartites et signe des accords avec les employeurs
et les gouvernements successifs. Son rôle de « partenaire social »
est d’aider à l’application de la politique et des accords salariaux dans le
but de garantir l’attrait de l’économie du « tigre celtique » pour
les investissements des trusts mondiaux.
Ce qui a conduit à rompre la manière confortable dont
fonctionnaient les choses fut la plongée de l’économie mondiale dans la
récession et l’impact dévastateur qu’elle eut pour l’Irlande. Fianna Fail a
expliqué que la précondition d’une poursuite du partenariat social était que
l’ICTU accepte d’imposer des coupes de plusieurs milliards d’euros dans les
dépenses publiques et les salaires, à commencer par l’application du
« prélèvement retraite », une hausse des impôts.
La colère grondant chez les travailleurs, notamment en raison
des subventions gouvernementales massives accordées aux banques irlandaises,
l’ICTU a plaidé en faveur de l’adoption de quelques mesures cosmétiques telles
la suppression des paradis fiscaux. L’objectif était de fournir à l’ICTU une
raison justifiant sa collaboration avec le gouvernement et basée sur
l’affirmation fausse que tout le monde « partagerait la douleur ».
Le gouvernement et la Confédération irlandaise des entreprises
et des employeurs (IBEC) ont rejeté les supplications de l’ICTU. Leur projet
est de s’assurer que les victimes de la crise grandissante soient dépouillées
de leurs moyens d’existence pour que les hyper riches puissent maintenir leur
fastueux mode de vie.
Le gouvernement a promis un montant de 5,5 milliards d’euros
pour recapitaliser les banques irlandaises, en recourant en grande partie au
fonds de réserve pour les retraites. Cependant, alors que les travailleurs
doivent payer pour les plans de sauvetage par une augmentation de leurs
cotisations de retraite, Michael Fingleton, le président de la société de
crédit immobilier Nationwide, un autre bénéficiaire de fonds publics, reçoit un
bonus d’un million d’euros et le versement d’une pension de 27 millions
d’euros.
L’ICTU s’est trouvé temporairement exclu des allées du pouvoir
et s’est senti obligé d’organiser quelques protestations contre le
gouvernement. Il était en partie contraint de le faire afin de fournir une
issue qui ne représentait aucun danger à la colère sociale montante. Mais son
but était essentiellement de faire une démonstration de force pour convaincre
le gouvernement et les employeurs qu’ils avaient encore besoin de ses services.
La dernière chose que l’ICTU était prêt à tolérer était le
développement d’un quelconque mouvement qui représenterait une menace véritable
pour les intérêts du capitalisme irlandais. En fait, certains articles de
presse ont suggéré que c’était l’ICTU qui avait initialement proposé le
« prélèvement retraite » afin d’aider à financier le sauvetage des
banques.
Dès le début, l’ICTU avait proposé que la journée d’action
soit limitée aux lieux de travail qui n’avaient pas appliqué le précédent
accord salarial national, récompensant ainsi les employeurs qui continuaient de
reconnaître les avantages du « partenariat social ». Tous les
salariés du service public ne furent pas appelés à voter sur la proposition de
grève, et des salariés de certains secteurs privés choisis votèrent séparément.
Les médias irlandais abondèrent en critiques concernant le
projet de grève de l’ICTU, l’accusant de saper l’« intérêt
national. » L’ensemble des partis d’opposition s’associèrent au
gouvernement pour réclamer que la grève soit annulée. Finalement, il n’aura pas
trop fallu de persuasion à l’ICT. Lorsque le principal syndicat des
travailleurs du secteur public IMPACT vota à 65 pour cent en faveur de la
grève, juste un pour cent en dessous des deux-tiers de la majorité requise par
sa constitution, l’ICTU s’empressa d’annuler la grève.
Quelques jours auparavant, les syndicats avaient également
scellé le sort de l’occupation de l’usine organisée par les travailleurs de
Waterford Crystal. L’occupation qui avait duré huit semaines fut terminée le 22
mars. Malgré l’attitude de principe adoptée par les travailleurs et leur
détermination, le syndicat Unite finit par accepter l’offre initiale de
l’entreprise qui ne garantissait pas la retraite des travailleurs et ne
promettait de garder que 176 emplois sur 450 et ce, pour six mois à peine.
Quelles que soient les assertions concernant une reprise du
« partenariat social », le fait est que la bureaucratie syndicale
collaborera avec les employeurs et le gouvernement pour imposer en avril un
budget d’urgence prévoyant des attaques massives et continues contre la population
laborieuse.
Le degré d’intensité de ces attaques est indiqué dans l’Irish
Times. Le journal a noté que la reprise de négociations était prétendument
basée sur un accord conclu en janvier entre le gouvernement, les employeurs et
l’ICTU et prévoyant des coupes à hauteur de 2 milliards d’euros. Cependant,
écrit ce journal, « l’objectif à atteindre pour la réduction des dépenses budgétaires
pour le mois prochain pourrait à présent s’élever à 6 milliards d’euros. »
Des coupes supplémentaires pourraient bien être effectuées dans les dépenses
sociales également, pouvait-on lire encore.
L’ICTU a aussi officiellement accepté ce que l’IBEC décrit
comme un « gel de salaire prolongé ». La précision de l’IBEC qu’elle
n’empêchait pas les employeurs qui le souhaitaient d’augmenter volontairement
les salaires est simplement insultante.
En ce qui concerne l’élite irlandaise fortunée et ses
représentants politiques, leur politique de l’emploi, des salaires et des
services sociaux est celle de la terre brûlée. Et l’arme principale qu’ils
brandissent contre la classe ouvrière est l’ICTU.
Dans les semaines et les mois à venir, les travailleurs
irlandais s’entendront dire sans relâche que tout a changé en raison de
l’ampleur et de la gravité de la crise économique mondiale. Les syndicats leur
demanderont d’accepter de faire un sacrifice après l’autre de façon à ce que
l’Irlande survive à la tempête.
En réalité, les différentes recettes proposées par le
gouvernement, les employeurs et les syndicats ne feront rien pour résoudre la
crise. Le capitalisme mondial se trouve au milieu d’un effondrement systémique.
Le fait qu’il continue d’exister menace d’entraîner le marasme, le chômage de
masse et des dangers pour la société rappelant ceux de la dernière Grande
Dépression des années 1930.
Les travailleurs ne peuvent pas se défendre sans rompre
définitivement avec leurs vieilles organisations qui sont basées sur le
maintien du système de profit. Un nouveau parti est nécessaire qui avance un
programme socialiste et internationaliste pour l’abolition du capitalisme. Il
faut rien moins que cela.
Tous ceux qui sont d’accord avec cette perspective doivent
contacter le Comité international de la Quatrième Internationale et le World
Socialist Web Site pour se joindre à
la lutte pour construire un tel parti.