Le président Nicolas Sarkozy a annoncé le 17 septembre la
création d'une commission, composée principalement d'élus et de représentants
syndicaux, pour discuter de la privatisation de la Poste française. Elle devra
rendre un rapport le 30 novembre.
Selon le quotidien financier français Les Échos du 7
juillet, le scénario le plus probable serait une introduction de 20 pour cent
du capital en bourse. Le capital total est estimé à 10 milliards d'euros.
La Poste, une entreprise publique, est en charge du service du
courrier classique. Étant l'opérateur historique et disposant d'un réseau
important, c'est également un acteur important des marchés du courrier
prioritaire et de colis. Elle emploie 300 000 travailleurs dont 54 pour
cent ont un statut de fonctionnaire.
C'est également une banque importante, utilisée par de
nombreux petits épargnants. Avec l'assouplissement des réglementations
financières de l'Union européenne ces dernières années, elle a aussi étendu ses
activités aux crédits et aux assurances, et investi dans des activités au
Royaume-Uni, en Turquie, en Afrique du Sud, en Espagne et ailleurs.
C'était également la même entité qui gérait le réseau
téléphonique jusqu'à ce que les règlements de l'UE imposent graduellement une
libéralisation complète des activités de télécommunications de 1980 à
1997.
Elle reste une entreprise bénéficiaire, avec un bénéfice net
de 943 millions d'euros en 2007, en hausse de 16 pour cent par rapport à 2006.
Quinze pour cent de ces bénéfices vont à l'Etat, le reste étant
réinvesti.
Le vendredi 5 septembre, la compagnie a annoncé qu'elle « envisageait
les possibilités de changement de statut », c'est-à-dire adopter le statut
de société anonyme qui est le statut normal des entreprises privées et
nécessaires pour que l'Etat puisse en vendre des parts.
Ce changement est présenté comme une préparation à la
libéralisation complète du marché postal dans l'UE, prévue pour 2011. Une autre
raison invoquée tient au fait que les activités bancaires et postales devront
être séparées pour se conformer aux règlements sur les positions dominantes. La
nouvelle « Banque postale » sera donc une fiction juridique à laquelle
La Poste va louer ses bureaux et les services de son personnel — et ce,
au prix du marché pour de tels services dont les coûts seront en fin de compte
supportés par la classe ouvrière par l'intermédiaire de crédits plus chers
comme de salaires plus bas.
La banque postale détiendra 40 milliards d'euros d'épargne
placée sur différents comptes prévus spécifiquement pour les petits épargnants.
Le nouveau statut éliminera en grande partie les garanties étatiques en cas de
faillite, créant un risque pour les épargnants, mais aussi augmentant le prix
de l'argent que la Banque Postale empruntera aux institutions financières. Cela
finira par affecter les taux de crédit des gens ordinaires. Il est également
probable que la banque se concentrera sur les clients les plus rentables.
Ce qui attend les Français peut s'observer dans les pays qui
sont déjà allés plus loin dans le processus de libéralisation. La Deutsche
Post a transféré 25 000 emplois à des sous-traitants qui paient de
faibles salaires, et 30 000 à 40 000 autres emplois sont passés de
temps plein à temps partiel. Lorsque les travailleurs de la Royal Mail
britannique ont accepté un « accord sur l'efficacité » en 2003, ce
fut le feu vert donné à l'élimination de 33 000 emplois à plein temps et
de 25 000 à temps partiel. Le niveau général des services s'est détérioré
et ces entreprises s'intéressent surtout aux marchés pour les professionnels
comme l'envoi en masse de publicités, plus rentables.
Depuis des années déjà, La Poste utilise la tendance générale
à la libéralisation pour accroître ses profits. 40 pour cent de ses effectifs
sont embauchés sur des contrats de droit privé qui peuvent être rompus plus
facilement que les contrats publics. L'utilisation du travail temporaire
pendant les périodes de vacances a augmenté et les employés doivent maintenant
atteindre des objectifs de ventes, non seulement dans l'activité bancaire, mais
aussi pour les enveloppes et les timbres.
En dépit des garanties accordées par l'UE en 1996, selon
lesquelles un certain nombre d'obligations peuvent être imposées par l'Etat
pour garantir un « service public de qualité », les consommateurs ont
été confrontés à des périodes d'ouverture plus courtes des bureaux de poste, et
à de nombreuses fermetures en zones rurales. Avec la séparation des activités
bancaires et postales, il y a un risque que les bureaux de certaines petites
villes et villages soient fermés simplement parce que la Banque Postale
refuserait de les louer, laissant le service postal à l'abandon. Jusqu'à maintenant,
5000 fermetures ont pu être évitées en faisant financer les bureaux de poste
par les communes ou en les faisant sous-traiter par des commerçants.
Les nouvelles avancées vers la privatisation ne vont faire
qu'aggraver la situation. Les objectifs en ont été clairement exprimés dans un
rapport du Sénat établi en 2003. Agressivement intitulé « La Poste :
le temps de la dernière chance », ce rapport s'inspirait des exemples
étrangers, mentionnant qu'au Royaume-Uni, 97 pour cent des bureaux de poste
était sous franchise, « pour les petits établissements comme pour les gros »,
et qualifiant la fermeture d'un quart des bureaux allemands « une
rationalisation et une suppression de certains établissements sous-utilisés ».
Il demandait également à ce que les services bancaires fonctionnent comme ceux
des banques privées, y compris avec un « ajustement automatique des taux
d'intérêt ».
Cinq syndicats de la Poste (la CGT, SUD, la CFDT, FO et la
CFTC) appellent à « une journée d'action nationale » pour
aujourd'hui, afin de protester contre la privatisation du service public
postal. On ne peut accorder aucune confiance à des organisations qui ont un
long passé de collaboration avec la privatisation des services et des biens
publics. La journée de protestation sert simplement à laisser retomber la
pression, c'est le meilleur moyen de contrôler et dissiper la colère qui monte
de la classe ouvrière contre le saccage de son niveau de vie et de ses droits
par le gouvernement.