Une contamination par la bactérie Listeria
d’une usine de transformation de viande de Toronto en Ontario a causé la
mort d’au moins douze personnes de par le Canada. Des douzaines
d’autres ont été rendues malades par l’infection.
Parce que la période d’incubation de
la listériose est longue, les experts prédisent que plusieurs autres infections
pourraient survenir au cours des prochaines semaines. Les personnes âgées, les
jeunes enfants et les personnes connaissant un problème avec leur système
immunitaire sont particulièrement vulnérables à la bactérie.
Après que l’éclosion de listériose se
soit étendue, Maple Leaf Foods, propriété du milliardaire Wallace McCain et une
des principales compagnies alimentaires au Canada, a retiré 220 produits de la
viande manufacturés à son usine de Toronto des tablettes des épiciers. Un
premier rappel, celui du 17 août, n’avait rappelé que 2 produits
prêts-à-manger. La liste des viandes suspectes a ensuite allongé pour contenir
23 produits avant que la compagnie ne décide de retirer l’ensemble de ses
produits plus tôt cette semaine.
McCain, avec l’aide du fonds de
retraite des enseignants de l’Ontario, a acheté Maple Leaf Foods en 1995
et a immédiatement entrepris de la rationaliser, achetant ses concurrents et
coupant les salaires et les emplois dans les usines d’empaquetage et de
traitement de la viande. Une grève acerbe de 12 mois en 1997-98 a résulté en un
accord intervenu entre le syndicat United Food and
Commercial Workers et la compagnie où les salaires ont été coupés de 40 pour
cent, des emplois éliminés et l’usine d’Edmonton fermée.
Les commentaires éditoriaux des grands médias
ont tous louangé la façon « active » avec laquelle Maple Leaf a
répondu aux événements. La compagnie a prédit qu’elle perdrait au moins
20 millions de dollars à cause du rappel.
Le ministre fédéral de la Santé, le
conservateur Tony Clement, du congrès national du Parti démocrate à Denver où
il se trouvait lorsque la crise a éclaté, a louangé la réponse du gouvernement
à l’éclosion de la maladie. « Notre système de surveillance a
identifié le problème et nous a permis de répondre d’une façon efficace
au développement d’un problème de santé publique. C’est un bon
exemple de la façon dont notre système de surveillance fonctionne. »
Une douzaine de personnes décédées, des
douzaines d’autres gravement malades et combien d’autres dans les
semaines à venir, on se demande ce que le ministre qualifierait d’échec.
L’analyse des circonstances entourant
l’incident soulève plusieurs questions importantes sur l’efficacité
du système de sécurité alimentaire au Canada. Les responsables de la santé au
niveau fédéral ont commencé à soupçonner dès la mi-juillet qu’une
dangereuse infection bactérienne se développait dans une maison de retraite à
Toronto. A la fin juillet, les autorités avaient déterminé que les infections
de Toronto faisaient partie d’une éclosion beaucoup plus importante à
l’échelle de la province. Et Maple Leaf Foods a été avertie par l’Agence
canadienne d’inspectiondes aliments (ACIA) qu’au moins certains de ses produits étaient
soupçonnés d’être responsables de la contamination au moins quatre jours
entiers avant le premier avertissement public par la compagnie.
Seulement 2 pour cent des produits
alimentaires au Canada sont vérifiés par des inspecteurs avant leur
distribution à la population. Michèle Demers, présidente du syndicat
représentant les inspecteurs alimentaires fédéraux, a blâmé le manque de
personnel pour la croissance des contaminations alimentaires.
« L’inspection des aliments avant qu’ils arrivent sur les
tablettes, avant que les gens puissent les acheter, voilà le genre
d’inspection qui n’est pas faite. Ce type d’inspection ne
peut pas être fait parce qu’il manque de personnel. »
Le mois dernier, un document secret du
cabinet des ministres a été obtenu par la presse indiquant que le gouvernement
conservateur du premier ministre Stephen Harper considérait donner la
responsabilité de l’inspection des aliments directement aux entreprises
alimentaires, retirant les inspecteurs alimentaires de la chaîne de production
et réduisant leur rôle à celui de « superviseur ». Le plan aurait
aussi coupé des millions de dollars dans le financement de tests pour déterminer
si les bovins souffrent de la maladie de la vache folle.
Les responsables gouvernementaux étaient
clairement inquiets de la réaction de la population aux propositions
draconiennes du ministre de l’Agriculture, Gerry Ritz. Le secrétaire du
Trésor Wayne Wouters a ainsi expliqué le long délai avant l’implantation
des mesures : « l’annonce de ces réallocations a été
repoussée à cause d’importants risques de communication et pour permettre
la complétion d’autres travaux de communications et de politique. »
Mais selon un article paru dans le Globe
and Mail de mercredi passé, il semble maintenant que des portions
importantes de la nouvelle politique gouvernementale aient déjà été implantées
aussi tôt que l’an dernier ! Selon Richard Arsenault, un
gestionnaire de l’ACIA, et Bob Kingston, un ancien inspecteur de l’ACIA
et président actuel du syndicat de l’agriculture au sein de
l’Alliance de la fonction publique du Canada, les inspecteurs fédéraux
n’avaient pas effectué d’inspections à temps plein à l’usine
de Toronto depuis un bon moment.
Au lieu de cela, un seul inspecteur, qui
était aussi responsable de six autres usines, en était réduit à réviser des
documents de la compagnie qui détaillaient ses pratiques sécuritaires.
« Nous ne surveillons plus la Listeria. L’industrie
s’en occupe elle-même, a dit Kingston. Ils documentent ce qu’ils
font. Nous lisons leurs rapports. Si leurs rapports spécifient que tout est
bien, alors tout est bien. » Kingston a noté que dans le nouveau système,
les inspecteurs ne surveillent plus si les ouvriers de l’usine désinfectent
correctement l’équipement ou ne passent plus beaucoup de temps sur le
plancher de l’usine. « Une fois le travail de paperasse terminé, ils
leur restent en fait très peu de temps pour voir quoi que ce soit et cela les inquiète. »
Des microbiologistes spécialisés dans
l’alimentation ont suggéré que la contamination par la Listeria
chez Maple Leaf n’est possible qu’avec une grande quantité de
bactéries sur l’équipement de l’usine. Il faut plus d’un
milliard de bactéries dans la viande pour que la maladie se développe. La
pasteurisation du produit final de la viande, une mesure que l’on sait
efficace pour contrer la Listeria, n’a jamais été adoptée par les
compagnies au Canada et les gouvernements canadiens n’ont jamais demandé
qu’elle soit implémentée.
Le scandale d’inspection alimentaire
survient tout juste après la gigantesque explosion de propane plus tôt ce
mois-ci à Toronto. Dans cet incident, on a aussi découvert que les mesures de
privatisation entourant les inspections de sécurité mises de l’avant par
le gouvernement provincial conservateur durant la dernière décennie et
poursuivies par l’actuelle administration libérale ont mené à une
négligence systématique face aux manquements industriels sur une longue
période. Cette même philosophie de privatisation des procédures d’inspection
a directement entraîné en 2000 le scandale de l’eau contaminée au E. Coli
de la petite ville ontarienne de Walkerton lors duquel sept personnes ont perdu
la vie et des centaines d’autres ont été gravement malades. Trois ministres
fédéraux actuellement en poste, y compris Clement, faisaient partie du
gouvernement ontarien de Mike Harris au moment de la tragédie.