La perte de dizaines de milliers
d’emplois ainsi que la hausse des coûts de l’alimentation et du
pétrole ont récemment causé une importante baisse des réserves des banques
alimentaires canadiennes. Devant les pressions économiques qui
s’accentuent sur les travailleurs, les banques alimentaires, qui
dépendent en grande partie des dons de la population, reçoivent moins et ont
plus de difficultés à satisfaire la demande croissante.
En juillet 2008, l’économie canadienne a
encaissé une perte de 55 000 emplois. Cela se rajoute aux plus de 350 000
emplois perdus dans le secteur manufacturier depuis novembre 2002, un secteur
où les salaires sont relativement élevés.
Quant à l’inflation, elle s’est accru
de 3,4 pour cent de juillet 2007 à juillet 2008. Parmi les biens de
consommation qui ont contribué à cette hausse, l’essence et la nourriture
figurent parmi les plus importants. Les prix du pétrole à la pompe ont augmenté
de 28,6 pour cent et les prix des aliments achetés en magasin ont grimpé de 4,3
pour cent, les produits de boulangerie enregistrant quant à eux une hausse de
13,2 pour cent.
Ces hausses de prix, combinées à de nombreuses
pertes d’emploi, ont causé une pression accrue sur les dépenses des
travailleurs et une baisse en approvisionnement pour les banques alimentaires. Selon
Lisa Martella, la directrice-adjointe de la Banque alimentaire du Grand
Vancouver, la troisième plus grande agglomération au pays, « les coûts plus
élevés de l'essence et de la nourriture pourraient affecter le revenu
disponible, et les gens ont moins d'argent pour faire des dons ». Mme Martella
a vu les dons pour son organisme chuter de 19 pour cent par rapport à
l’année dernière.
En Nouvelle-Écosse, l’organisme sans but
lucratif nommé Feed Nova Scotia, qui s’occupe de distribuer de la
nourriture à environ 150 banques alimentaires de cette province, manque de
nourriture. Habituellement, l’organisme a de la nourriture en réserve
pour au moins deux semaines, mais elle en a maintenant pour seulement deux
jours, son plus bas niveau depuis plusieurs années.
Les banques alimentaires au Canada ont connu
une hausse fulgurante lors des vingt dernières années. En 1989, le nombre de
personnes qui avaient fréquenté une banque alimentaire au cours d’une
période d’un mois était de 378 000. En 2004-2005, la fréquentation
des banques alimentaires avait atteint un sommet, alors que, sur une période
d’un mois, plus de 800 000 personnes avaient eu recours à une banque
alimentaire pour se nourrir. Cela représente une hausse de plus de 100 pour
cent alors que, pendant la même période, la population a augmenté à un taux
légèrement inférieur à 20 pour cent. De plus, ces chiffres, qui sont
calculés par l’Association des banques alimentaires canadiennes,
sous-estiment le nombre de personnes qui ont recours aux banques alimentaires
puisque leurs calculs s’échelonnent sur une période de seulement un mois.
Cette hausse marquée du nombre de personnes
ayant recours à l’aide alimentaire est directement due aux décennies de
mesures réactionnaires implantées par les politiciens de tous les partis au
niveau fédéral comme au niveau provincial. Au milieu des années 1990, par
exemple, le gouvernement fédéral du Parti libéral de Jean Chrétien avait changé
de façon drastique les conditions d’accès à l’assurance-emploi et réduit
les montants des prestations.
Au niveau provincial, les sauvages coupures du
gouvernement conservateur de Mike Harris en Ontario, dans les années 1990, ont
contribué à une hausse notable de la pauvreté. Harris s’en était
notamment pris aux assistés sociaux et aux travailleurs à faibles revenus. Il
avait gelé le salaire minimum et arrêté la construction de logements sociaux. Il
avait aussi compressé les taux de prestation d’aide sociale de 22 pour
cent et modifié les lois afin de couper dans les allocations. De 1996 à 2002,
le parti conservateur de l’Ontario a refusé d’augmenter les
prestations d’aide sociale, ce qui a amené une baisse réelle de celles-ci
de 40 pour cent.
Aussi, le recours à la sous-traitance et les
réductions de main-d’œuvre dans les entreprises, toutes des mesures
prônées par le patronat canadien, ont contribué à la précarité croissante des
conditions sur le marché du travail. De 1980 à 2005, les 20 pour cent des
travailleurs à temps plein les plus pauvres ont vu leurs salaires réels
diminuer de 20,6 pour cent tandis que ceux du quintile du milieu ont vu leurs
salaires stagner.
Ces changements profonds dans les conditions
de la classe ouvrière se reflètent dans le type d’individus qui
fréquentent les banques alimentaires. En effet, de plus en plus de travailleurs
pauvres et de chômeurs fréquentent les banques alimentaires. Selon
l’Association canadienne des banques alimentaires, 2,6 pour cent des gens
qui avaient recours à l’aide alimentaire en 2001 étaient des gens sur
l’assurance-emploi. En 2007, ce pourcentage avait grimpé à 5,3 pour cent.
Aussi, le nombre croissant de travailleurs pauvres se reflète dans le fait que
12 pour cent des gens qui avaient eu recours à l’aide alimentaire en 1999
étaient des gens en emploi. En 2007, ce pourcentage avait augmenté à 13,5 pour
cent.
En Alberta, le centre de l’industrie
pétrolière canadienne qui a bénéficié d’une hausse massive
d’investissements suite à l’augmentation des prix du pétrole, 27
pour cent des gens qui fréquentent les banques alimentaires avaient un emploi.
Cela est dû au fait que malgré les salaires supérieurs à la moyenne nationale,
les Albertains font face à une hausse importante du coût de la vie et
l’inflation peut être jusqu’à trois fois supérieure à la moyenne
nationale.
Malgré une légère baisse dans le nombre total
de Canadiens qui fréquentent les banques alimentaires, qui est passé à 720 000
en 2007, une nouvelle hausse marquée en 2008 est fort probable. De plus, 8,8
pour cent des Canadiens, même s’ils ne fréquentent pas nécessairement des
banques alimentaires, sont, selon un rapport de Santé Canada publié en 2004,
dans une situation d’insécurité alimentaire, c’est-à-dire
qu’ils n’ont pas les capacités financières pour se procurer une
alimentation adéquate.