La police sri lankaise a finalement libéré le
membre du Parti de l’égalité socialiste (Socialist Equality Party, SEP)
Velummailum Kamalthasan et son beau-frère Santhiralingam Ilancheliyan. La
libération eut lieu mardi dans le bureau du juge de la région de Negombo.
Les deux hommes avaient été détenus
illégalement dans une cellule du poste de police de Megombo depuis leur
arrestation le 15 septembre. Leur libération s’est faite à la suite d’une
campagne décisive menée par le SEP et de lettres de protestation adressées aux
autorités sri lankaises par les lecteurs du World Socialist Web Site. Le
SEP et l’International Students for Social Equality (Internationale étudiante
pour l’égalité sociale, ISSE) tiennent à remercier nos sympathisants au Sri
Lanka et dans le monde entier pour leur aide dans la libération des deux
hommes.
Kamalthasan et Ilancheliyan ont été présentés
devant le juge lundi à seize heures, une semaine après leur interpellation. La
police a dit au juge qu’ils seraient libérés tous les deux étant donné que l’enquête
n’avait pas révélé la moindre preuve d’« activités suspectes ». Par
« activités suspectes », la police entend des liens avec les Tigres
de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) ou une implication dans des activités
« terroristes ».
La police n’a fourni aucune explication sur
l’emprisonnement prolongé des deux hommes et sur les raisons pour lesquelles
les autorités ont à maintes reprises ignoré les représentants juridiques du SEP
agissant pour le compte des détenus. Kamalthasan est un membre de longue date
du SEP et est bien connu non seulement pour son opposition à la guerre du
gouvernement sri lankais, mais aussi au programme nationaliste bourgeois du
LTTE.
Kamalthasan et Ilancheliyan avaient été arrêtés
par une équipe de la police de Negombo alors qu’ils s’apprêtaient à se rendre à
Colombo en bus. La police leur avait demandé de quitter le bus pour les emmener
au commissariat de police en dépit du fait que les deux hommes étaient en
possession de documents justifiants de leur identité. Ils ont été détenus sans
chef d’inculpation pendant neuf jours en attendant « l’obtention de plus
amples renseignements. »
Leur détention prolongée n’est pas seulement un
abus flagrant des droits démocratiques, mais est aussi illégale. Même sous les
mesures d’urgence draconiennes en vigueur dans le pays et qui attribuent de vastes
pouvoirs de détention sans chef d’inculpation aux forces de sécurité, les
détenus sont censés avoir un certain nombre de droits. La police a finalement
affirmé être en possession d’un mandat d’arrêt mais a manqué de le présenter à Kamalthasan
et à Ilancheliyan, comme la loi l’y oblige et elle n’a pas non plus été en
mesure de le produire sur demande du SEP et de l’avocat du parti.
Depuis que le président Mahinda Rajapakse a
replongé le pays dans la guerre au milieu de l’année 2006, les forces de sécurité
ont intensifié leur répression contre la minorité tamoule du pays. Des
contrôles d’identité et des ratissages de police dans les régions à
prédominance tamoule sont chose courante. Des centaines de Tamouls ont été
arbitrairement détenus sans inculpation des semaines, des mois et même des
années durant, conformément à l’état d’urgence et à la loi contre le
terrorisme.
Kamalthasan et d’Ilancheliyan ont été détenus dans
une cellule avec deux autres Tamouls, Sinnaih Gopalan et Jesuthasan Ampalahan
qui avaient été arrêtés le même jour à Negombo et qui ont également été libérés
mardi après que la police n’ait pas trouvé la moindre preuve d’« activités
suspectes ».
La reconnaissance tardive de la police qu’elle
ne disposait d’aucune preuve contre Kamalthasan et d’Ilancheliyan souligne tout
simplement le caractère arbitraire de ces détentions. Profondément imprégnées
de préjugés communautaristes, les forces de sécurité qui proviennent en grande
partie de la majorité cinghalaise de l’île, considèrent les Tamouls comme des
ennemis. En répondant aux exigences du SEP pour la libération du membre de son
parti et de son beau-frère, l’inspecteur en chef (HQI) du commissariat de
police de Negombo, Somasiri Liyanage, a laissé échapper : « Comment
pouvons-nous dire clairement qui est et qui n’est pas un terroriste dans ce
contexte ?... Nous devons traiter les Tamouls avec méfiance. »
De plus en plus souvent le gouvernement et les
forces de sécurité agissent en dehors de la loi. Les organisations de défense
des droits de l’homme ont enregistré des centaines de cas d’enlèvements, de
« disparitions » et d’assassinats et dont les preuves indiquent
l’implication d’escadrons de la mort opérant sous les ordres ou avec la
complicité des forces de sécurité.
Les médias ont également été ciblés. Un nombre
croissant de journalistes critiques du gouvernement a été détenu, enlevé ou
tué. Dans pratiquement aucun de ces cas un membre de la police ou de l’armée n’a
été inculpé et encore moins condamné.
La détermination de la police de Negombo de maintenir
Kamalthasan en détention tout en sachant qu’il est un membre du SEP est un
avertissement que la répression policière est en train de s’intensifier. Le SEP
dispose d’un bilan d’années d’opposition non seulement au gouvernement, à sa
guerre communautariste et à la discrimination systématique des Tamouls, mais
aussi d’opposition au programme séparatiste du LTTE et de ses attaques
terroristes perpétrées contre des Cinghalais innocents. Du fait de la position
de principe adoptée par le SEP, celui-ci a dû affronter la répression à la fois
de l’Etat sri lankais et du LTTE.
En 1998, le LTTE avait détenu quatre membres
du SEP à Kilinochchi pour avoir participé à une campagne menée pour le programme
du parti. Ils étaient restés incarcérés pendant plus de sept semaines avant que
le LTTE cède finalement à une campagne internationale intensive menée par le
SEP et le WSWS pour leur libération. En 2003, peu de temps après le
cessez-le-feu et le début des pourparlers de paix, les dirigeants du LTTE sur
l’île de Kayts, au large de la péninsule de Jaffna (dans le nord de Sri Lanka),
avaient émis des menaces de mort contre des membres du SEP. Le LTTE avait
cherché à évincer le SEP en tant que direction élue de la coopérative locale de
pêcheurs. Un membre du SEP avait été physiquement attaqué et sérieusement
blessé.
L’arrestation de Kamalthasan et d’Ilancheliyan fait
certainement partie d’une vaste répression policière contre les Tamouls,
notamment ceux qui ont été obligés de fuir les combats intensifs dans le nord
de l’île. Le gouvernement Rajapakse a dernièrement annoncé vouloir organiser un
recensement de tous les Tamouls qui ont quitté la province du nord pour venir
vivre dans la province de l’ouest qui inclut Colombo. Le secrétaire d’Etat à la
Défense, Gotabhaya Rajapakse, frère du président, avait précédemment appelé
tous les Tamouls nouvellement arrivés à retourner chez eux parce que « le
LTTE se mêle à ces gens pour infiltrer ces régions. »
Le gouvernement Rajapakse fait face à une crise politique grandissante.
Malgré sa propagande communautariste intense, la guerre est profondément
impopulaire. De vastes couches de la population sont touchées non seulement par
la mort imminente et la destruction, mais aussi par l’impact économique du
conflit. Des dépenses militaires considérables liées aux augmentations
internationales des prix du pétrole et des denrées alimentaires ont conduit à
une inflation galopante tournant autour de 30 pour cent.
Le gouvernement a réagi aux grèves et aux manifestations des
travailleurs, des fermiers et des étudiants de la même manière qu’il traite les
Tamouls. Rajapakse a traité ceux qui luttent pour des augmentations de salaire,
pour davantage d’assistance du gouvernement ou pour une amélioration des
services comme des traîtres, les accusant de saper l’effort de guerre. La
détention du membre du SEP Kamalthasan est un sérieux avertissement que les
mesures d’un Etat policier peuvent être et seront étendues de la minorité
tamoule à l’ensemble de la classe ouvrière.
Nous invitons tous nos lecteurs et nos sympathisants à
sérieusement étudier la perspective et le programme du SEP. Nous sommes le seul
parti au Sri Lanka à nous opposer à toute forme de racisme et de
communautarisme et à faire campagne pour une lutte unifiée pour le socialisme
des travailleurs, indépendamment de leur ethnicité et de leur langue. Nous
appelons à la libération immédiate de tous les détenus emprisonnés en raison
des mesures d’urgence et à l’abolition de toutes les mesures
anti-démocratiques. Afin de mettre fin à la guerre, nous exigeons le retrait
immédiat et inconditionnel de toutes les forces de sécurité du nord et de l’est
comme composante de la lutte pour l’unification de la classe ouvrière sur la
perspective d’une République socialiste du Sri Lanka et de l’Eelam dans la
lutte pour le socialisme de par l’Asie du sud et le monde entier.