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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Paulson annonce des changements dans le plan de sauvetage de Wall Street

Par Bill Van Auken
14 novembre 2008

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Dans une brusque volte-face reflétant le caractère désespéré de la crise du système financier américain et mondial, le secrétaire du Trésor américain Henry Paulson a annoncé mercredi qu’il avait laissé tomber le plan qu’il avait fait passer au Congrès voilà à peine un mois dans le but de racheter les soi-disant « actifs toxiques » des bilans bancaires. Il a déclaré plutôt que le renflouement allait maintenant être concentré entièrement sur l’injection directe de fonds publics dans un large réseau d’institutions financières.

La modification du plan, qui avait été officiellement présenté comme le seul moyen d’empêcher un krach financier, a entraîné une autre chute marquée sur les marchés boursiers, qui ont vu dans ce changement un signe de débandade. Le marché avait déjà été précédemment frappé par des rapports indiquant une chute marquée de la consommation, une diminution des profits dans une variété de secteurs économiques ainsi que de nombreuses mises à pied à venir. Le Dow Jones a chuté pour la troisième journée consécutive, terminant la session avec une perte de 411,3 points, soit un total de 9 pour cent depuis le début de la semaine.

En expliquant pourquoi le plan de sauvetage de 700 milliards $ avait été si drastiquement modifiée que même son nom, le Troubled Asset Relief Program (programme de sauvetage des actifs à risque, ou TARP), avait été rendu obsolète, Paulson a commenté que la proposition consistant à racheter des titres adossés à des créances hypothécaires « avait semblé être la bonne solution », mais « alors que la situation s’aggravait, les faits ont changé ».

Le secrétaire au Trésor a indiqué que dans le mois qui a suivi la promulgation du programme, la crise qui avait eu raison d’importantes institutions financières et menacé l’existence même des plus grandes banques du pays s’était répandue davantage, menaçant maintenant les marchés critiques du crédit au consommateur. La crainte qui se développe est que l’effondrement de ce secteur puisse mener au gel du crédit pour les consommateurs et précipiter ainsi une chute vers la dépression.

Bien que Paulson ait soutenu que l’économie avait déjà montré des « signes d’amélioration » en raison du sauvetage de Wall Street et d’autres mesures semblables prises internationalement, il lança un avertissement qui semblait justement contredire cette assertion : « Notre système financier demeure fragile face à un ralentissement économique, ici et à l’étranger, et les bilans des institutions financières comportent encore d’importantes quantités d’actifs non liquides ; les troubles du marché ne se calmeront que lorsque la majeure partie de la correction dans le secteur immobilier sera derrière nous. »

 « Heureusement, nous, ainsi que le Congrès, avons été suffisamment prescients et avons obtenu un large éventail de pouvoirs et d’outils sous cette loi », a ajouté Paulson. « Et je ne vais jamais m’excuser d’avoir modifié une approche ou une stratégie si les faits changent. »

Effectivement, la loi passée au Congrès le 3 octobre accordait à Paulson, l’ancien directeur général de Goldman Sachs, des pouvoirs pratiquement illimités pour distribuer les fonds publics à ses anciens acolytes.

Paulson a indiqué que le gouvernement étendrait son investissement direct autant aux banques qu’à d’autres institutions financières, qui fut entrepris le 14 octobre avec le plan consistant à injecter 250 milliards de dollars dans les principales banques du pays. Les nouveaux investissements iront aussi à des compagnies non bancaires et qui s’occupent de cartes de crédit, de prêts étudiants, de prêts automobiles et d’autres formes de dettes du consommateur.

Il a aussi affirmé que le gouvernement considérait un plan dans lequel il injecterait des montants comparables aux investissements faits par des institutions financières privées, bien qu’il ne soit pas clair dans les conditions actuelles qui chercherait à faire de tels investissements.

Bien que Paulson et les médias de la grande entreprise aient tenté de présenter cet élargissement du programme comme une aubaine pour les étudiants et les consommateurs et un stimulant à la création d’emplois, l’argent servira non pas à renflouer les travailleurs qui peinent à maintenir leur tête hors de l’eau, mais plutôt à sauver les compagnies financières qui avaient jusqu’à tout récemment profité énormément de la spéculation financière (en accordant du crédit et en revendant, sous une autre forme, ces dettes à des investisseurs).  

La crise du marché du crédit lié à la consommation s’est fait sentir cette semaine lorsqu’American Express a entrepris sa conversion en une société de portefeuille bancaire, dans le but d’être éligible au plan de sauvetage. Cette compagnie majeure de carte de crédit a vu ses défauts de paiement doubler au cours de la dernière année.

Paulson a rapporté que le Trésor avait déjà injecté 115 milliards de dollars en argent des contribuables dans huit grandes institutions financières et qu’il avait approuvé des « dizaines d’autres demandes » provenant d’autres banques qui cherchent à obtenir une part des 250 milliards $ alloués à l’achat d’actions privilégiées de ces institutions par le gouvernement.

Selon ce plan, le gouvernement s’est engagé explicitement à ne pas exercer ses droits de vote sur les actions qu’il a achetées, n’exerçant ainsi aucun pouvoir sur la façon dont les banques vont utiliser ces centaines de milliards de dollars du trésor public.

Les preuves ne manquent pas pour montrer que les banques, plutôt que de prêter l’argent provenant du Trésor américain, l’accumulent et se préparent à l’utiliser pour payer des dividendes aux actionnaires et des bonus aux hauts dirigeants ainsi que pour acquérir des concurrents plus faibles.

Il a été estimé que les neuf plus grandes banques américaines, qui reçoivent un total de 125 milliards en fonds publics, payeront 25 milliards, soit 20 pour cent de l’aide, en dividendes pour les riches actionnaires d’ici une année.

Selon Bloomberg News, Goldman Sachs et Morgan Stanley, qui ont reçu à eux deux 20 milliards d’aide, ont mis de côté 11 milliards en bonus qui seront payés aux hauts dirigeants, aux courtiers et aux banquiers dans le secteur de l’investissement, dont le salaire médian avant ces bonus est de 400 000 $, soit près de 10 fois le salaire moyen du travailleur américain.

Le département du Trésor a refusé de répondre aux questions portant sur le prochain magot aux frais des contribuables et la loi qui approuve le plan d’aide n’imposait aucun empêchement à de tels bonus. Il a aussi probablement rejeté les demandes pour obliger les banques à prêter l’argent qu’elles ont reçu des coffres publics. Le représentant du département du Trésor responsable pour le plan d’aide, Neel Kashkari, a insisté la semaine dernière qu’il ne « gérerait pas les détails » des décisions que font les banques sur leurs prêts.

Un autre aspect peu discuté de la loi sur le plan d’aide, qui n’a reçu un peu d’attention médiatique que tout récemment, est le geste extra-légal qu’a posé le département du Trésor en septembre pour changer les règlements fiscaux afin d’encourager les fusions bancaires et permettre en même temps aux grandes banques d’économiser 140 milliards de dollars (voir l’article « Illegal tax scheme gives $140 billion to biggest US banks » pour plus de détails).

L’abandon des modalités initialement prévues d’utiliser un type d’enchère pour acheter les « actifs toxiques » reflète la difficulté à établir un prix pour ces titres de placement garantis par des hypothèques. Si elles étaient achetées à leur valeur actuelle, alors les banques seraient forcées d’inscrire de gigantesques pertes à leur bilan financier, ce qui augmenterait le risque de faillite.

Ayant déjà engagé 250 milliards de dollars en fonds public pour injection directe de capital dans les banques, en plus de 40 milliards supplémentaires qui ont été approuvé cette semaine en augmentation d’aide à la compagnie d’assurance géante AIG, le Trésor américain n’a plus que 60 milliards à dépenser dans le premier tour de sauvetage. Après cela, il devra se présenter devant le Congrès pour obtenir 350 milliards de dollars supplémentaires, ce qui ne pourrait avoir lieu seulement après que le président désigné Barack Obama eut pris les rênes du pouvoir en janvier.

Tout en insistant que des centaines de milliards de dollars doivent être donnés sans conditions aux banques et aux spéculateurs financiers, Paulson a adopté une attitude bien différente envers les demandes pour que les 700 milliards de dollars du plan d’aide soient utilisés afin de soutenir l’industrie de l’auto en faillite ou aider les propriétaires qui voient leur maison saisie.

« Nous sommes préoccupés de notre industrie de l’auto, quand vous considérez l’automobile et sa place dans la chaîne alimentaire, c’est crucial, a dit Paulson. Nous avons besoin d’une solution, mais cette solution doit mener à la viabilité… l’intention du TARP était de régler les problèmes de l’industrie financière. »

En d’autres mots, alors que des ressources illimitées sont disponibles pour les banques et les grandes firmes financières, l’avenir de l’industrie de l’auto doit être basé sur sa « viabilité », c’est-à-dire le retour à la profitabilité par la destruction des emplois, les réductions de salaire et l’élimination des avantages sociaux pour les travailleurs qui restent.

Le même principe a été invoqué pour les propriétaires de maison. Deux millions de ceux-ci ont déjà perdu leur maison et des millions d’autres font face à la possibilité de se faire évincer de leur foyer. « Je ne peux tout simplement pas vous dire combien de propositions j’ai étudiées pour modifier les hypothèques et permettre aux gens de garder leur maison », a dit le secrétaire au Trésor, affirmant que le problème était « très complexe » et insistant qu’il n’y avait « pas de réponses simples ».

« Nous devons être prudents de distinguer ce genre d’aide, qui implique essentiellement une dépense directe, du genre d’investissements qui vise à promouvoir la stabilité financière, à protéger le contribuable et à être récupérés plus tard », a ajouté Paulson.

C’est une affirmation mensongère. L’argent pour les travailleurs et les propriétaires de maison en difficultés est de « l’aide » et des « dépenses » alors que les milliards qui sont avancés pour payer les bonus et les dividendes aux multimillionnaires sont des « investissements » dont le but est de « protéger les contribuables ».

Rien ne pourrait mieux clarifier ce qui sous-tend le plan « d’aide financière » déployé par Washington avec le soutien des deux partis. Ce plan est en fait le pillage systématique de la richesse sociale au profit d’une petite aristocratie financière qui sera payé au moyen d’un assaut massif sur les conditions de vie des larges masses des travailleurs.

(Article original anglais paru le 13 novembre 2008)


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