Sur ordre direct du président droitier Nicolas Sarkozy, les
services de renseignement ont été refondus de façon significative afin de
donner à la police les pleins pouvoirs pour poursuivre tout individu ou
organisation politique ou sociale dont l’activité risquerait de perturber
l’ordre public. Des enfants de treize ans peuvent à présent être
poursuivis sous cette législation.
Pour justifier que l’on étende l’existence du
casier judiciaire à des jeunes de treize ans, la ministre de l’Intérieur
Michèle Alliot-Marie a dit, « Nous avons constaté une recrudescence de la
délinquance des mineurs. »
Ces évolutions représentent une attaque majeure sur la liberté
d’expression et une menace sur les droits démocratiques. L’intensification
de la crise sociale provoquée par le programme d’austérité de Sarkozy a
conduit à des protestations répétées de millions de travailleurs et jeunes
français. Ces changements ont pour but de contenir la résistance de masse et
l’opposition politique.
Un décret publié le 1er juillet 2008 dans le Journal officiel
met en place une nouvelle base de données appelée EDVIGE (Exploitation
documentaire et valorisation de l’information générale.)
EDVIGE organise le fichage généralisé et systématique de « toutes
personnes âgée de 13 ans et plus …ayant sollicité, exercé ou exerçant un
mandat politique, syndical ou économique ou qui joue un rôle institutionnel,
économique, social ou religieux significatif. » Sa mission est « [d]e
centraliser et d’analyser les informations relatives aux individus,
groupes, organisations …qui, en raison de leur activité individuelle ou
collective, sont susceptibles de porter atteinte à l’ordre public. »
EDVIGE va jusqu’à ficher des détails sans
importance : « informations ayant trait à l’état civil et à la
profession ; adresses physiques, numéros de téléphone et adresses
électroniques ; signes physiques particuliers et objectifs, photographies
et comportement ; titres d’identité ; immatriculation des
véhicules ; informations fiscales et patrimoniales ; déplacements et
antécédents judiciaires ; motif de l’enregistrement des
données ; données relatives à l’environnement de la personne,
notamment à celles entretenant ou ayant entretenu des relations directes et non
fortuites avec elle. »
Ceci donne des pouvoirs à la police pour surveiller toutes les
allées et venues ainsi que les relations privées des gens. Ce décret a été
critiqué par les organisations de défense des droits civiques, notamment en ce qui
concerne les poursuites judiciaires de suspects qui sont encore mineurs.
Voir le gouvernement entreprendre une telle action montre à
quel point les adolescents se sont politisés. Les lycéens ont été le fer de
lance de manifestations de masse au printemps de cette année contre les
réductions de postes d’enseignants. A l’automne 2005, les sections
les plus opprimées de la jeunesse s’étaient révoltées, ce qui
s’était traduit par des heurts violents avec la police dans toute la
France, une poursuite policière avait provoqué la mort de deux jeunes. Le
gouvernement avait imposé un état d’urgence et arrêté des milliers de
jeunes et menacé d’expulser des jeunes immigrés. Des échauffourées
sporadiques entre jeunes et policiers sont endémiques.
La ministre de la Justice Rachida Dati, dans une interview au Journal
du Dimanche a annoncé la création d’un « fichier sur les bandes
organisées » suite à un incident au Champs de Mars près de la Tour Eiffel
en juin dernier où des heurts s’étaient produits entre des jeunes et la
police.
Un éditorial du Monde daté du 30 juin posait la
question suivante, « Qui serait susceptible d'entrer dans ce fichier des
bandes ? Des personnes déjà condamnées – mais cela n'existe-t-il pas déjà
? Ou des personnes présumées coupables de délits qu'elles pourraient commettre
en fonction de leur profil ou de leurs fréquentations ? Un Etat de droit ne
peut tolérer la pénalisation de supposées intentions. »
La Ligue des droits de l’Homme (LDH) a condamné « une
redoutable extension du fichage politico-policier des citoyens…Il ne
s'agit plus de ficher les auteurs d'infractions constatées, mais, comme pour la
rétention de sûreté, de cibler ceux que l'on étiquette d'avance comme de futurs
délinquants hypothétiques. Le soupçon préventif suffit à justifier le
fichage. »
Le syndicat de la magistrature appelle à s’opposer à ce
dossier « d'inspiration antidémocratique…Il s'agit aujourd'hui
d'informer le gouvernement sur des individus engagés et non plus de lui
permettre d'apprécier une situation politique, économique ou sociale. »
Réorganisation des services de renseignement
Un corollaire essentiel de cette législation répressive est la
création de moyens permettant de l’imposer. Et ceci est fourni par
l’actualisation de la Loi d’orientation et de programmation pour la
sécurité intérieure (LOPSI 2) qui sera présentée au parlement à
l’automne. LOPSI 2 a pour but de renforcer la surveillance et
l’espionnage au moyen d’Internet et la collecte de données à partir
d’ordinateurs personnels et de courriels.
L’éditorial du Monde du 24 juin intitulé « Sécurité
contre liberté » déclare, «De même, le projet de
fichier informatique Périclès, préconisé par cet avant-projet de loi,
permettrait d'étendre de manière extrêmement large les pouvoirs d'investigation
des forces de police. Si un tel fichier voyait le jour, il permettrait de
croiser de nombreuses données sur la vie privée des citoyens (numéro de carte
grise, de permis de conduire, de puce de téléphone portable ou factures...) »
Craignant le discrédit de l’Etat français, Le Monde
insiste pour dire à propos des inquiétudes concernant la sécurité : « Cela
ne suffit pas à justifier que l'on veuille introduire dans le droit commun des
dispositions d'exception, ni que l'on porte atteinte, peu ou prou, aux libertés
publiques et à la vie privée. En République, la fin ne justifie pas tous les
moyens. »
On trouve dans un reportage du Monde du 24 juin une
autre indication de la ruée vers des pouvoirs répressifs arbitraires de la part
de l’Etat, libéré de tout contrôle judiciaire. Ce reportage déclare que
« Le secrétaire général de la défense
nationale (SGDN), Francis Delon, milite pour limiter l'accès des juges
d'instruction aux lieux de pouvoir tels que les ministères ou les services
secrets. »
Le service de renseignement a été complètement réorganisé. Appelé
à présent Direction centrale du
renseignement intérieur (DCRI),
il est le résultat d’une fusion de la DST (Direction de la surveillance
du territoire) et des RG (Renseignements généraux). Six mille employés sont
affectés au terrorisme et aux menaces sur la sécurité. Le budget 2008 alloué à
la DCRI s’élève à 41 millions d’euros. Un ami proche du président
Nicolas Sarkozy et fils de policier, Bernard Squarcini, a été nommé à la tête
de ce service de renseignement.
Selon le site Internet du ministère de l’Intérieur, le
DCRI a pour but de devenir un FBI à la française. Pour les autres missions
– comptage des manifestants, violences urbaines, conflits
sociaux –, une sous-direction de l’information générale (SDIG)
de mille policiers est créée à la direction de la sécurité publique (DCSP).
Il y a aussi plusieurs autres mesures à venir permettant à
l’Etat de censurer Internet.
La ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie a
déclaré le 10 juin 2008 que l’Etat s’était mis d’accord avec
les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) pour bloquer les sites
affichant des contenus entretenant des liens avec le terrorisme, la pédophilie,
la haine raciale ainsi que d’autres sites illégaux. Alliot-Marie a
annoncé : « Depuis mon intervention du 14 février, nous avons
travaillé avec les Fournisseurs d'accès à Internet sur la protection des plus
faibles – Ce dispositif sera simple : la plateforme, par le biais
d'une liste noire, transmettra aux FAI la liste des sites à bloquer. »
ZDNet.fr a cité le 11 juin dernier Daniel Fava de l’AFA
(Association des fournisseurs d’accès). Affirmant qu’aucun accord
n’avait encore été signé il a dit : « Nous ne voulons pas
devenir des big brothers, ni que les internautes se sentent espionnés
par leur FAI. »