Ce week-end, le candidat
démocrate à la présidence, Barack Obama, a réitéré son appui à une présence
militaire américaine illimitée en Irak, réduisant ainsi davantage ses
prétendues divergences avec l’administration Bush et le candidat
présidentiel républicain John McCain.
Dans une entrevue avec
le correspondant de Newsweek Richard Wolffe, publiée samedi sur le site
Internet du magazine, Obama a insisté sur le fait que sa politique en Irak
était celle d’un « retrait graduel » dans lequel les troupes
américaines pourraient demeurer en Irak en grand nombre pour plusieurs années.
« Ils auront besoin de notre aide durant un certain temps », a-t-il
affirmé.
« Nous devrons les
aider logistiquement et leur fournir des services de renseignement », a
ajouté Obama. « Nous devrons avoir une puissante force de
contre-terrorisme. Nous devrons continuer à former leur armée et leur police et
les rendre plus efficaces. »
Lorsqu’on lui
demanda quelle devait être l’ampleur de la force nécessaire pour mener
ces missions, Obama répondit : « Je crois que cela dépend entièrement
de la situation. Il est difficile de prévoir quelle sera cette situation dans
six mois, dans un an, ou dans un an et demi. »
La campagne de McCain a
aussitôt souligné le commentaire d’Obama selon lequel les décisions de
retrait des troupes allaient « dépendre de la situation », déclarant
ainsi qu’il admettait la justesse de la politique menée par
l’administration Bush et défendue par McCain, rejetant tout échéancier
« artificiel » pour le retrait des soldats américains.
« Barack Obama
exprime finalement la position d’un niveau soutenu de soldats américains
en Irak en fonction des conditions sur le terrain et de la sécurité du
pays », a déclaré le porte-parole de McCain, Tucker Bounds.
« C’est exactement la position que défend McCain depuis
longtemps. »
La poussée marquée
d’Obama vers la droite sur la politique étrangère a été remarquée
ailleurs : en Israël, où des politiciens comme le dirigeant droitier du
Likoud Benjamin Netanyahu, le premier ministre Ehoud Olmert et son rival du
Parti travailliste Ehoud Barak ont tous accueilli la position du candidat
démocrate sur l’Iran. Ecrivant dans le journal le plus distribué
d’Israël, Yediot Aharanot, l’éditorialiste Itamar Eichner a
déclaré : « Pour chaque crainte, interrogation ou question, Obama a
tout de suite offert une réponse sioniste adéquate. »
Walter Russell Mead, un
analyste conservateur de la politique étrangère, a commenté la convergence sur
la politique étrangère d’Obama, de Bush et de McCain dans un éditorial
publié dimanche dans le Los Angeles Times. « Le pèlerinage
d’Obama à l’étranger semble indiquer un fait important : en
pleine année politique acerbe, un vague consensus sur le Moyen-Orient
semblerait émerger », a-t-il écrit.
Selon lui, les quatre
principales questions de politique sur lesquelles les deux candidats et
l’administration Bush sont essentiellement d’accord sont les
suivantes : une implication militaire américaine accrue en Afghanistan et
en Asie centrale; l’usage de la force jugée nécessaire pour empêcher
l’effondrement de l’actuel régime irakien; une allieance avec
Israël contre les Palestiniens; et le maintien des pressions sur l’Iran,
en employant la diplomatie, les sanctions et finalement la force, si
nécessaire, pour empêcher Téhéran de développer des armes nucléaires.
Jubilant presque devant la gifle donnée à
la vaste opposition populaire à la guerre en Irak, Mead ajouta :
« Et, l’ironie des ironies, le consensus, apparemment adopté par
Obama, semble être plus près des positions de Bush que de celles des activistes
anti-guerre qui ont propulsé le sénateur de l’Illinois à la
nomination. »
Le chroniqueur de droite mettait en
évidence la plus importante caractéristique de la campagne présidentielle de
2008 : une fois de plus, comme lors des trois dernières élections, le
parti démocrate sert de tombeau politique pour l’opposition au
militarisme américain.
Des centaines de milliers de personnes,
plusieurs d’entre eux des jeunes et des étudiants, ont appuyé la campagne
d’Obama en espérant que son élection mènerait à la fin de la guerre en
Irak. Obama a fait appel aux sentiments anti-guerre lors de la campagne pour les
élections primaires contre Hillary Clinton, déclarant que la guerre
« n’aurait jamais dû être autorisée et n’aurait jamais dû être
lancée ».
Mais, alors qu’il passe le dernier
obstacle du concours présidentiel – rassurer les sections les puissantes
de l’élite dirigeante américaine qu’il va défendre leurs intérêts
économiques et stratégiques, au Moyen-orient et partout dans le monde –
Obama a abandonné son discours anti-guerre et a parlé ouvertement en tant que
futur commandant en chef de l’impérialisme américain.
Le candidat présidentiel démocrate avait
ce ton lors d’une entrevue accordée à « Meet the Press » et
télédiffusée dimanche matin. A Tom Brokaw, de NBC, lui demandant pourquoi il ne
voulait pas admettre que l’ « escalade » de Bush en Irak avait
été succès, il répondit ainsi :
SÉNATEUR OBAMA :
« d’essayer de choisir un facteur dans une situation compliquée
n’est tout simplement pas exact et ça ne tient pas compte des
questions stratégiques plus larges qui ont été en jeu pendant ce processus. Ecoutez,
nous avons une capacité finie de ressources. Nous avons un nombre fini de
troupes. Notre armée est poussée à la limite de manière exceptionnelle parce
qu’on essaie de combattre deux guerres en même temps. Alors, mon boulot
en tant que prochain commandant en chef sera de prendre la décision à savoir
quelle guerre doit être menée et comment devons nous la combattre ? Et je
pense que nous aurions dû nous concentrer sur l’Afghanistan depuis le
début. Nous aurions dû finir ce travail. »
Notez la phrase : « Mon boulot
en tant que prochain commandant en chef sera de prendre la décision à savoir
quelle guerre doit être menée ».
Ainsi, le peuple américain aura le choix
le 4 novembre entre voter pour la guerre #1 ou la guerre #2, l’Irak ou
l’Afghanistan. En fait, ils se feront imposer les deux guerres, avec
seulement de légères différences entre les Démocrates et les Républicains à
propos de quelle guerre devrait recevoir la plus large proportion des
ressources militaires américaines. Ceux qui s’opposent au militarisme
américain, qui veulent mettre fin à l’oppression et à la violence causées
par l’agression impérialiste à travers le Moyen-Orient et l’Asie
centrale, ont été privés de leur droit de représentation par les deux partis de
la grande entreprise.
Au cours de l’entrevue à « Meet the
Press », Brokaw a fait référence aux intérêts matériels en jeu dans le
Moyen-Orient lorsqu’il a demandé à Obama si les troupes retirées d'Irak
« qui n’iraient pas en Afghanistan resteraient dans la région pour
protéger les gisements de pétrole saoudiens ? »Obama a répondu
que des troupes resteraient déployées dans le golfe Persique, sans préciser
combien ni où.
Il y a une discussion de plus en plus
ouverte dans la presse américaine au sujet des intérêts pétroliers qui ont
motivé l'intervention américaine en Irak, une discussion sans doute encouragée
par la perspective que les compagnies pétrolières américaines peuvent être sur
le point de bénéficier concrètement du rôle dominant des Etats-Unis dans le
pays conquis.
Le Washington Post, par exemple, a
récemment publié deux éditoriaux affirmant que les réserves pétrolières de
l'Irak étaient un intérêt vital des Etats-Unis.Le 16 juillet,
le journal a attaqué le discours d'Obama sur l'Irak prononcé la veille dans
lequel ce dernier réaffirmait son soutien pour un calendrier de retrait des
troupes de combat américaines sur une période de 16 mois. Critiquant Obama pour
avoir soutenu que l'Irak détournait l'attention d'intérêts
stratégiques plus larges, le Post a écrit :« C'est une
manière irrationnelle et ahistorique de regarder un pays situé au centre
stratégique du Moyen-Orient et possédant certaines des plus grandes réserves de
pétrole au monde.Peu importe que la guerre ait été une
erreur ou non, l'avenir de l'Irak est un facteur essentiel de la sécurité des
États-Unis.S'il est élu président, M. Obama devra tôt ou tard
aligner sa stratégie en Irak sur cette réalité. »
Un deuxième éditorial en date du 23
juillet a félicité Obama pour avoir pris une position plus flexible sur l'Irak,
mais a critiqué son affirmation que l'Afghanistan devrait être le vrai
« front central » des opérations militaires américaines. Il a onclu
sur un ton remarquablement direct :« Bien que les
Etats-Unis aient intérêt à empêcher la réapparition des talibans afghans,
l'importance stratégique du pays n'est rien comparée à celle de l'Irak, qui se
trouve au centre géopolitique du Moyen-Orient et contient certaines des plus
grandes réserves de pétrole au monde. »
Ainsi parle l'impérialisme américain
quand il ne cherche pas à masquer ses intentions. Le message du Post est
le suivant : mettons de côté les belles phrases sur la lutte au terrorisme
et les attaques du 11 septembre à venger ; c'est bon pour embobiner le peuple
américain, mais aucun président ne peut prendre cela au sérieux ; la vraie
question est de garantir le contrôle d'un pays « qui se trouve au centre
géopolitique du Moyen-Orient et contient certaines des plus grandes réserves de
pétrole au monde. »
Ceux qui veulent sincèrement mener une
lutte contre la guerre impérialiste doivent réaliser qu'il est impossible de
séparer les atrocités militaires commises par le Pentagone des intérêts
socio-économiques de la classe dirigeante qui envoie l'armée sur le front.La
lutte contre la guerre impérialiste exige une lutte politique contre le système
de profit en son ensemble.Ceci signifie mobiliser
la classe ouvrière comme force politique indépendante, sur la base d'un
programme internationaliste et socialiste.