Les mesures prises par le gouvernement français pour recruter
des informateurs dans la fonction publique afin d’aider à la chasse aux
sans-papiers, mesures qui obligent ces fonctionnaires à devenir des
« auxiliaires de la police » provoquent chez eux l’inquiétude
et la résistance. Simultanément, la criminalisation de ceux qui fournissent
aide et assistance aux sans-papiers progresse rapidement.
Le gouvernement français a intensifié ses attaques sur les
immigrés après que le ministre de l’Immigration et de l’Identité
nationale, Brice Hortefeux, ait pris du retard par rapport aux objectifs de
déportations prévus. Jusque fin novembre, 18 600 personnes
« seulement » ont été déportées, au lieu des 25 000 prévus pour
l’année. Le total définitif pour 2007 est officiellement de 23 186
expulsions et l’objectif a de nouveau été fixé à 25 000 pour 2008.
Un décret antérieur, passé le 11 mai 2007, appliquant une loi
sur l’immigration votée en juillet 2006, exige du personnel de
l’ANPE (Agence nationale pour l’emploi) et de l’UNEDIC (Union
nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce)
d’envoyer systématiquement, chaque jour, à la préfecture la photocopie du
permis de séjour des immigrés demandeurs d’emploi et de prestations
sociales.
Avant, c’était du ressort de l’employeur et non du
personnel de l’ANPE de vérifier le statut juridique des salariés. A
présent, le personnel qui s’occupe des prestations sociales ne peut
donner d’allocations aux immigrés au chômage sans l’autorisation de
la préfecture.
Exiger du personnel qui s’occupe des demandeurs
d’emploi, de mettre en place des pratiques discriminatoires, telles la constitution
de fichiers parallèles pour travailleurs étrangers et des photocopies de leurs
papiers, enfreint la Convention 97 de l’Organisation internationale du
travail (OIT).
Les syndicats de l’inspection du travail ont lancé un
appel à la grève illimité pour le personnel qui travaille pour « les services d’inspection du travail de tous les départements de
métropole et d’outre-mer, dès lors qu’ils seraient enjoints de
participer à des actions de contrôle de travail illégal des étrangers. » Le but de cette action serait de protester contre les tâches
qui leur sont imposées par le gouvernement et qui ont pour objectif de déporter
les sans-papiers.
Mais les syndicats en France se sont montrés incapables de
défendre les intérêts des travailleurs quels qu’ils soient. En novembre
dernier, les syndicats ont joué un rôle essentiel dans la trahison de la grève
des cheminots qui a été immédiatement suivie d’une révolte
d’immigrés en banlieue parisienne. Les syndicats n’ont rien fait
pour prendre la défense des jeunes immigrés qui avaient pris part à des émeutes
suite à la mort de deux adolescents dans une collision avec une voiture de
police.
La révolte des jeunes immigrés avait été suivie d’une
vague de répression et d’arrestations. L’unique réponse de
l’Etat français face aux conditions sociales déplorables confrontant les
travailleurs immigrés est le recours accru à la police et c’est dans ce
contexte qu’il faut voir ces nouvelles mesures répressives.
Le manque de toute action déterminée ou concertée de la part
des syndicats, dont aucun ne soutient le droit de tous les immigrés à
bénéficier de la citoyenneté à part entière, contre la politique
d’immigration toujours plus restrictive et discriminatoire des
gouvernements successifs (de droite comme de « gauche ») depuis la
fin de la guerre, élimine toute crédibilité à l’efficacité de leurs
protestations. Aucun syndicat n’avait dénoncé ni organisé de mobilisation
contre la politique anti-immigrés du Parti socialiste et du gouvernement de la
gauche plurielle de Lionel Jospin (1997-2002), coalition formée par le Parti
socialiste, le Parti communiste et les Verts.
Réseaux de surveillance anti-immigrés
Un des éléments les plus sinistres des mesures anti-immigrés
est la mise en place, dans la fonction publique et les services sociaux, de
groupes de référents qui rendent des comptes à la PAF (Police de l’air et
des frontières). Ces groupes de référents impliqueront effectivement la
surveillance secrète des immigrés, des fonctionnaires et agents des services
publics, des groupes de soutien humanitaires et par extension, de la population
toute entière. Il y a aussi un projet de loi permettant à la police
d’introduire des logiciels-espions dans les ordinateurs utilisés par les
associations d’aide aux sans-papiers.
L’année dernière, le département de Haute-Garonne, dans
le sud-ouest, a mis en place, pour son personnel et dans les services sociaux, un
groupe de référents en matière de fraude de papiers d’identité. Le
personnel des différentes agences, dont celui qui gère les prestations de
sécurité sociale et de santé, devra « participer à une formation organisée
par la PAF », d’après une note provenant de la préfecture.
Il est prévu aussi d’étendre ceci aux entreprises
publiques et aux services publics (éducation, santé, collectivités
territoriales.) Une note de la préfecture de Haute-Garonne dit clairement que
le but est de mettre en place un réseau sous prétexte de « lutte contre les fraudes commises par les
étrangers. »
Les fonctionnaires qui n’ont jamais considéré que leur travail
consistait à participer à la surveillance policière et à la répression des
immigrés, sont censés contribuer à l’identification des sans-papiers. Parmi
les immigrés ciblés, on compte ceux qui font l’objet d’un ordre de
reconduction à la frontière, ceux suspectés de fraude au logement et ceux
engagés à « cacher » les situations illégales.
La « lutte contre la fraude » en Haute-Garonne est
un prétexte à la surveillance secrète,laquelle enfreint les lois de la
confidentialité. Elle met en place un système d’échange
d’informations entre tous les services administratifs. La police recevra
des informations en provenance de tous les employés de la fonction publique et
des services publics du département.
Dans une note datée du 10 octobre 2007, la Direction de la
réglementation et des libertés publiques, sous prétexte d’efficacité, forme le vœu
d’une extension des fichiers au niveau national.
Une pétition que font circuler les syndicats des personnels
des services sociaux et municipaux note que la procédure « bafoue… le secret professionnel
auquel sont soumis les fonctionnaires, qui protège l’usager du service
public contre la divulgation d’informations à caractère secret. »
Ces évolutions font suite à une série de mesures législatives
qui augmentent massivement les pouvoirs répressifs de l’Etat: la loi
Perben II, la loi contre le terrorisme et la loi sur la prévention de la
délinquance, la loi de l’égalité des chances et plusieurs lois sur
l’immigration, qui toutes accordent, aux élus locaux des pouvoirs toujours
plus importants et des obligations de surveillance sur leurs administrés.
Un article affiché le 22 décembre sur le site Rue 89
fait état d’un projet de loi qui sera présenté devant le parlement en
janvier et qui donne des pouvoirs fortement accrus de surveillance électronique
à la police : la Loi d’orientation et de programmation de la
sécurité intérieure.
Contacté par des journalistes, le ministère de l’Intérieur
ne s’est pas montré très loquace. Mais il y a eu des fuites révélant que
« Les policiers seraient autorisés à avoir recours à ces "clés de connexion"
non seulement pour de la grande délinquance "dès lors que les faits sont
commis en bande", mais aussi pour "l'aide à l'entrée et au séjour
d'un étranger en situation irrégulière" » rapporte Rue 89. Ces
espions électroniques sont capables de surveiller les courriels et les
conversations sur Skype et autres communications par ordinateur.
L’article avertit que cette législation n’est pas
seulement dirigée contre « les passeurs », mais menace aussi « des
associations comme RESF, par le biais de laquelle des particuliers s'organisent
notamment pour assister, et parfois cacher, des parents d'enfants scolarisés
qui sont en situation irrégulière ».
Le vice-président du GISTI (Groupe d’information et de
soutien aux immigrés) Stéphane Maugendre fait remarquer, « Il y a une
tendance à la criminalisation générale de l'aide aux sans-papiers. » Il
ajoute : « Cette disposition serait un pas de plus mais, dès à
présent, la loi sur l'aide au séjour irrégulier est tellement vaste qu'elle
concerne aussi bien l'oncle qui accueille son neveu quelques jours, le petit
passeur, les associations qui aident les sans-papiers, que les gros réseaux de
trafic. »
Il insiste aussi pour dire que si jusqu’à présent, aucun
parent associé à RESF n’a été poursuivi, la pression est en train de
monter.
L’objectif de cette offensive obsessionnelle contre les
immigrés est de créer un climat de terreur qui dissuade tous les immigrés, mis
à part les immigrés « choisis » dont les qualifications seront utiles
au capitalisme français, d’essayer de venir en France. Cela crée aussi
une couche de citoyens de deuxième ordre, ayant des droits de séjour précaires,
qui peuvent être utilisés comme boucs émissaires pour tous les problèmes
sociaux crées par la politique droitière du président Nicolas Sarkozy.
Ce qui ressort le plus clairement, c’est que toute
attaque sur les sections les plus vulnérables de la classe ouvrière et des
jeunes est une atteinte aux droits de tous et doit être combattue par la classe
ouvrière dans son ensemble.