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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : Des mesures d’Etat policier contre les immigrés provoquent la résistance

Par Ajay Prakash et Antoine Lerougetel
18 janvier 2008

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Les mesures prises par le gouvernement français pour recruter des informateurs dans la fonction publique afin d’aider à la chasse aux sans-papiers, mesures qui obligent ces fonctionnaires à devenir des « auxiliaires de la police » provoquent chez eux l’inquiétude et la résistance. Simultanément, la criminalisation de ceux qui fournissent aide et assistance aux sans-papiers progresse rapidement.

Le gouvernement français a intensifié ses attaques sur les immigrés après que le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, Brice Hortefeux, ait pris du retard par rapport aux objectifs de déportations prévus. Jusque fin novembre, 18 600 personnes « seulement » ont été déportées, au lieu des  25 000 prévus pour l’année. Le total définitif pour 2007 est officiellement de 23 186 expulsions et l’objectif a de nouveau été fixé à 25 000 pour 2008.

Un décret antérieur, passé le 11 mai 2007, appliquant une loi sur l’immigration votée en juillet 2006, exige du personnel de l’ANPE (Agence nationale pour l’emploi) et de l’UNEDIC (Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce) d’envoyer systématiquement, chaque jour, à la préfecture la photocopie du permis de séjour des immigrés demandeurs d’emploi et de prestations sociales.

Avant, c’était du ressort de l’employeur et non du personnel de l’ANPE de vérifier le statut juridique des salariés. A présent, le personnel qui s’occupe des prestations sociales ne peut donner d’allocations aux immigrés au chômage sans l’autorisation de la préfecture.

Exiger du personnel qui s’occupe des demandeurs d’emploi, de mettre en place des pratiques discriminatoires, telles la constitution de fichiers parallèles pour travailleurs étrangers et des photocopies de leurs papiers, enfreint la Convention 97 de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Les syndicats de l’inspection du travail ont lancé un appel à la grève illimité pour le personnel qui travaille pour « les services d’inspection du travail de tous les départements de métropole et d’outre-mer, dès lors qu’ils seraient enjoints de participer à des actions de contrôle de travail illégal des étrangers. » Le but de cette action serait de protester contre les tâches qui leur sont imposées par le gouvernement et qui ont pour objectif de déporter les sans-papiers.

Mais les syndicats en France se sont montrés incapables de défendre les intérêts des travailleurs quels qu’ils soient. En novembre dernier, les syndicats ont joué un rôle essentiel dans la trahison de la grève des cheminots qui a été immédiatement suivie d’une révolte d’immigrés en banlieue parisienne. Les syndicats n’ont rien fait pour prendre la défense des jeunes immigrés qui avaient pris part à des émeutes suite à la mort de deux adolescents dans une collision avec une voiture de police.

La révolte des jeunes immigrés avait été suivie d’une vague de répression et d’arrestations. L’unique réponse de l’Etat français face aux conditions sociales déplorables confrontant les travailleurs immigrés est le recours accru à la police et c’est dans ce contexte qu’il faut voir ces nouvelles mesures répressives.

Le manque de toute action déterminée ou concertée de la part des syndicats, dont aucun ne soutient le droit de tous les immigrés à bénéficier de la citoyenneté à part entière, contre la politique d’immigration toujours plus restrictive et discriminatoire des gouvernements successifs (de droite comme de « gauche ») depuis la fin de la guerre, élimine toute crédibilité à l’efficacité de leurs protestations. Aucun syndicat n’avait dénoncé ni organisé de mobilisation contre la politique anti-immigrés du Parti socialiste et du gouvernement de la gauche plurielle de Lionel Jospin (1997-2002), coalition formée par le Parti socialiste, le Parti communiste et les Verts.

Réseaux de surveillance anti-immigrés

Un des éléments les plus sinistres des mesures anti-immigrés est la mise en place, dans la fonction publique et les services sociaux, de groupes de référents qui rendent des comptes à la PAF (Police de l’air et des frontières). Ces groupes de référents impliqueront effectivement la surveillance secrète des immigrés, des fonctionnaires et agents des services publics, des groupes de soutien humanitaires et par extension, de la population toute entière. Il y a aussi un projet de loi permettant à la police d’introduire des logiciels-espions dans les ordinateurs utilisés par les associations d’aide aux sans-papiers.

L’année dernière, le département de Haute-Garonne, dans le sud-ouest, a mis en place, pour son personnel et dans les services sociaux, un groupe de référents en matière de fraude de papiers d’identité. Le personnel des différentes agences, dont celui qui gère les prestations de sécurité sociale et de santé, devra « participer à une formation organisée par la PAF », d’après une note provenant de la préfecture.

Il est prévu aussi d’étendre ceci aux entreprises publiques et aux services publics (éducation, santé, collectivités territoriales.) Une note de la préfecture de Haute-Garonne dit clairement que le but est de mettre en place un réseau sous prétexte de « lutte contre les fraudes commises par les étrangers. »

Les fonctionnaires qui n’ont jamais considéré que leur travail consistait à participer à la surveillance policière et à la répression des immigrés, sont censés contribuer à l’identification des sans-papiers. Parmi les immigrés ciblés, on compte ceux qui font l’objet d’un ordre de reconduction à la frontière, ceux suspectés de fraude au logement et ceux engagés à « cacher » les situations illégales.

La « lutte contre la fraude » en Haute-Garonne est un prétexte à la surveillance secrète, laquelle enfreint les lois de la confidentialité. Elle met en place un système d’échange d’informations entre tous les services administratifs. La police recevra des informations en provenance de tous les employés de la fonction publique et des services publics du département.

Dans une note datée du 10 octobre 2007, la Direction de la réglementation et des libertés publiques, sous prétexte d’efficacité, forme le vœu d’une extension des fichiers au niveau national.

Une pétition que font circuler les syndicats des personnels des services sociaux et municipaux note que la procédure « bafoue… le secret professionnel auquel sont soumis les fonctionnaires, qui protège l’usager du service public contre la divulgation d’informations à caractère secret. »

Ces évolutions font suite à une série de mesures législatives qui augmentent massivement les pouvoirs répressifs de l’Etat: la loi Perben II, la loi contre le terrorisme et la loi sur la prévention de la délinquance, la loi de l’égalité des chances et plusieurs lois sur l’immigration, qui toutes accordent, aux élus locaux des pouvoirs toujours plus importants et des obligations de surveillance sur leurs administrés.

Un article affiché le 22 décembre sur le site Rue 89 fait état d’un projet de loi qui sera présenté devant le parlement en janvier et qui donne des pouvoirs fortement accrus de surveillance électronique à la police : la Loi d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure.

Contacté par des journalistes, le ministère de l’Intérieur ne s’est pas montré très loquace. Mais il y a eu des fuites révélant que « Les policiers seraient autorisés à avoir recours à ces "clés de connexion" non seulement pour de la grande délinquance "dès lors que les faits sont commis en bande", mais aussi pour "l'aide à l'entrée et au séjour d'un étranger en situation irrégulière" » rapporte Rue 89. Ces espions électroniques sont capables de surveiller les courriels et les conversations sur Skype et autres communications par ordinateur.

L’article avertit que cette législation n’est pas seulement dirigée contre « les passeurs », mais menace aussi « des associations comme RESF, par le biais de laquelle des particuliers s'organisent notamment pour assister, et parfois cacher, des parents d'enfants scolarisés qui sont en situation irrégulière ».

Le vice-président du GISTI (Groupe d’information et de soutien aux immigrés) Stéphane Maugendre fait remarquer, « Il y a une tendance à la criminalisation générale de l'aide aux sans-papiers. » Il ajoute : « Cette disposition serait un pas de plus mais, dès à présent, la loi sur l'aide au séjour irrégulier est tellement vaste qu'elle concerne aussi bien l'oncle qui accueille son neveu quelques jours, le petit passeur, les associations qui aident les sans-papiers, que les gros réseaux de trafic.  »

Il insiste aussi pour dire que si jusqu’à présent, aucun parent associé à RESF n’a été poursuivi, la pression est en train de monter.

L’objectif de cette offensive obsessionnelle contre les immigrés est de créer un climat de terreur qui dissuade tous les immigrés, mis à part les immigrés « choisis » dont les qualifications seront utiles au capitalisme français, d’essayer de venir en France. Cela crée aussi une couche de citoyens de deuxième ordre, ayant des droits de séjour précaires, qui peuvent être utilisés comme boucs émissaires pour tous les problèmes sociaux crées par la politique droitière du président Nicolas Sarkozy.

Ce qui ressort le plus clairement, c’est que toute attaque sur les sections les plus vulnérables de la classe ouvrière et des jeunes est une atteinte aux droits de tous et doit être combattue par la classe ouvrière dans son ensemble. 


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