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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

En France, les syndicats et le patronat signent un accord de réforme du marché du travail attaquant les droits des salariés

Par Francis Dubois et Alex Lantier
4 février 2008

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Le 21 janvier, les organisations syndicales et patronales ont signé un accord entraînant une réforme draconienne de la législation du travail en France. L’impact de cet accord se fera surtout sentir à travers le fait qu’il augmentera la période d’essai des salariés nouvellement embauchés, fera dépendre l’emploi plus immédiatement des conditions du marché et de la situation économique et forcera les salariés licenciés à accepter tout travail qui leur est proposé. Il a été négocié et signé derrière le dos des travailleurs et représente une trahison de plus de la part de la bureaucratie syndicale.  

La signature de l’accord permet au gouvernement du président Nicolas Sarkozy et du premier ministre François Fillon de le faire voter à l’Assemblée nationale et d’en faire une loi. Leur parti conservateur, l’UMP (Union pour un mouvement populaire), y dispose d’une confortable majorité, ce qui garantit le vote de la loi.

Cet accord allonge de façon considérable la période d’essai des salariés nouvellement employés en CDI (Contrat à durée indéterminée, la principale forme de contrat de travail non-temporaire en France). Il augmentera d’un mois à deux mois pour les ouvriers et les employés, à trois mois pour les techniciens et à quatre mois pour les cadres. Une autre clause permet le renouvellement de la période d’essai, doublant effectivement la durée de celle-ci de quatre, six ou huit mois respectivement.

Un changement encore plus important sous ce rapport est la création d’un nouveau type de CDD (Contrat à durée déterminée), le « CDD de mission », un contrat non renouvelable basé sur une mission ayant un « objet précis » et ayant une durée de 18 à 36 mois. Un salarié employé sur la base d’un tel contrat aura seulement droit à une indemnité de départ représentant dix pour cent de son salaire total si son employeur décide de le licencier avant la date fixée par le contrat.

Maryvonne Labeille, PDG du cabinet de recrutement Labeille Conseil a confirmé que le but est ici de créer une couche de salariés dont l’emploi est totalement dépendant des aléas du marché capitaliste : « Ce CDD de mission doit surtout permettre d'absorber la croissance temporaire » dit-elle, faisant remarquer qu’on utilisera ce contrat  « pour tester un poste et un candidat » qui pourrait être embauché plus tard, évitant ainsi complètement les obligations que comporte un CDI.

Un autre changement important est l’introduction de la « rupture à l’amiable » du contrat de travail rendant nettement plus faciles l’embauche et le licenciement des salariés. La « rupture à l’amiable » représente une troisième manière d’annuler un contrat de travail, en plus de la démission et du licenciement. Pour le licenciement l’employeur doit fournir une justification légale, le salarié a droit à une indemnité de départ et il peut s’opposer au licenciement devant un tribunal des prud’hommes. La « rupture à l’amiable » permettra aux employeurs qui cherchent à licencier d’éviter des procès, de négocier une indemnité de licenciement directement avec l’ouvrier au lieu de le faire devant un tribunal. 

D’autres clauses incluent des mesures permettant aux employeurs d’éviter de payer des indemnités aux salariés dont on résilie le contrat pour cause de maladie (les charges incombant à une mutuelle) et de faire dépendre les indemnités de licenciement dues aux salariés de leur « recherche active de travail » et de leur acceptation d’une « offre valable d’emploi ».

La signature de l’accord témoigne de l’étroite collaboration politique qui s’est instaurée entre le gouvernement Sarkozy et la bureaucratie syndicale. Les négociations sur l’accord en question ont commencé le 7 septembre 2007, sur invitation par lettre du premier ministre aux syndicats, invitant ceux-ci à des négociations avec les organisations patronales. Ces négociations ont été tenues secrètes et n’ont pas été mentionnées dans la presse pendant les grèves des cheminots et du secteur public contre la réforme des régimes spéciaux aux mois d’octobre et novembre. On n’a rendu publics les plans pour une réforme majeure de la législation du travail que durant les vacances de Noël. 

L’accord de « modernisation du marché du travail » a été signé par trois organisations patronales, le Medef (Mouvement des entreprises françaises), l’UPA (Union professionnelle artisanale) et la CGPME (Confédération Generaledes petites et moyennes entreprises) et quatre syndicats la CFDT (Confédération française démocratique du travail), FO (Force ouvrière), la CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens et la CGC (Confédération générale des cadres) à la centrale du Medef  la plus importante organisation patronale française.

La CGT (Confédération générale du travail), de tradition stalinienne, ayant participé aux négociations sur toute leur durée, soit quatre mois, a finalement déclaré, une fois acquise la signature des trois syndicats requis pour que l’accord soit validé (en l´occurence celle de FO, de la CFDT et de la CGC), ne pas vouloir signer l´accord. Cette signature permettra de présenter l´accord au parlement pour qu´il soit transformé en loi.

Les organisations patronales ont salué l’accord, la présidente du Medef, Laurence Parisot déclarant qu’il s’agissait d’une « innovation sociale majeure ». La presse bourgeoise l´a abondamment commenté disant qu’il représentait une version française de la « flexicurité », un mélange de protection sociale minimale et de travail fortement précarisé qui est le modèle de législation du travail en vigueur dans les pays scandinaves.

L’introduction de la « flexicurité » est avancée depuis un certain nombre d’années par la Commission européenne, divers gouvernements européens et une partie du patronat européen comme la meilleure manière de réduire le niveau de vie de la classe ouvrière et de maintenir la compétitivité des entreprises dans une économie mondialisée sans provoquer d´explosion sociale. Les syndicats, instrument essentiel permettant que les attaques légales sur le niveau de vie soient ratifiées et imposées aux salariés, jouent un rôle majeur dans ce modèle.

Il est cependant évident que cette réforme n´est qu´une partie d´un plan plus vaste d’attaques des salariés et des conditions de travail de la classe ouvrière. Les syndicats ayant négocié l’accord ont, comme on l’a rapporté, convaincu les fédérations patronales de reporter à plus tard l’annonce de mesures visant à réduire les indemnités de départ et qui seront sans aucun doute introduites plus tard. Ce mois-ci, on a aussi assisté à la publication du décret alignant les régimes spéciaux de retraites sur les autres régimes. D´autres attaques sur les retraites seront négociées entre les fédérations patronales, le gouvernement et les syndicats après les élections municipales de mars prochain.

L´accord signé le 21 janvier a été critiqué dans les milieux patronaux parce qu’il n’allait pas assez loin. Le quotidien conservateur Le Figaro écrit que, pour de nombreux patrons, « l'impact du nouveau contrat sur l'emploi restera "marginal" » et cite Jean-René Boidron, de la firme de lobbying Croissance Plus : « C'est une victoire symbolique par la logique de flexibilité qu'il introduit, mais il ne révolutionnera pas la donne. »

L’accord sur la législation du travail représente une attaque significative sur les salaires et les conditions de travail, mais il contient aussi une importante leçon politique quant aux limites et au manque d’efficacité d´actions militantes qui ont pour objectif de protester et de faire pression sur l’Etat. Les grèves et le mouvement de protestation contre l’introduction du CPE (Contrat Première Embauche) qui devait en 2006 introduire dans la législation du travail des mesures très semblables à celles contenues dans l´accord venant d´être signé (allongement des périodes d’essai, plus grande facilité d’embauche et de licenciement) étaient motivées par une opposition fondamentale de la population travailleuse à la « flexicurité. »

Mais on a mis un terme à ce mouvement en retirant la partie la plus contestée de la loi. Ce retrait fut entraîné par l’opposition concertée des syndicats et du ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, qui voulait infliger une défaite à ses rivaux, le président Jacques Chirac et le premier ministre d’alors, Dominique de Villepin. Ayant fait tomber le CPE, les syndicats et Sarkozy introduisent à présent des attaques bien plus importantes encore sur le niveau de vie et les conditions de travail des masses en France.

(Article original anglais paru le 25 janvier 2008)


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