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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Les élections régionales allemandes reflètent une forte orientation à gauche de l’électorat

Par Ulrich Rippert
4 février 2008

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Les élections qui se sont déroulées dans les deux Länder allemands de Hesse et de Basse Saxe ont révélé une forte orientation à gauche de l’électorat.

Dans les deux Länder, le parti récemment formé, le Parti de la Gauche (aussi connu sous le nom de « La Gauche »), a réussi à atteindre le seuil minimal de 5 pour cent de voix requis pour être représenté dans un parlement régional. En Hesse, où le Parti social-démocrate allemand (SPD) a également été en mesure d’améliorer son score par rapport à la dernière élection, le Parti de la Gauche a obtenu tout juste 5 pour cent. En Basse Saxe où à la fois le SPD et l’Union chrétienne-démocrate (CDU) ont perdu des voix, le Parti de la Gauche a recueilli 7,1 pour cent, bien que ses candidats et son personnel étaient en grande partie inconnus de l’électorat.

La Gauche est issue de la fusion du parti stalinien de l’ancienne Allemagne de l’Est, le Parti socialiste unifié d’Allemagne (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands, SED) et du groupe d’Allemagne de l’Ouest de l’Alternative électorale Travail et Justice sociale (Wahlalternative Arbeit und Soziale Gerechtigkeit, WASG), un rassemblement comprenant principalement des bureaucrates syndicaux de longue date et d’anciens sociaux-démocrates désenchantés. Les élections en Hesse et en Basse Saxe représentent les premiers gains substantiels réalisés par l’organisation dans des Länder en Allemagne de l’Ouest et ce, en dépit du fait que le parti ait déjà été impliqué dans les gouvernements d’un certain nombre de Länder dans l’Est de l’Allemagne. C’est la première fois, depuis l’émergence du Parti des Verts à la fin des années 1970, qu’une nouvelle organisation s’impose sur le plan national.

Si cette évolution se poursuit, cela signifie qu’à l’avenir cinq partis se disputeront les sièges parlementaires au lieu de trois ou de quatre comme c’est le cas à présent et, comme l’ont fait remarquer des commentateurs, ceci pourrait de plus en plus déstabiliser l’ensemble du système politique.

Le land de Hesse

En Hesse, le gouvernement du ministre président droitier, Roland Koch (CDU), qui a dirigé le Land depuis neuf ans a subi une débâcle électorale. Koch est arrivé au pouvoir en 1999 à la suite d’une campagne raciste délétère centrée sur une hostilité à des propositions visant à instaurer la double nationalité. Il avait pensé pouvoir cette année encore miser sur la carte raciste pour contrer sa chute dans les sondages. Le fait que la campagne de Koch se soit retournée contre lui et n’ait fait que renforcer l’opposition à sa réélection est caractéristique de l’atmosphère qui règne actuellement dans la population.

De larges couches de la population, notamment les jeunes des universités, des instituts technologiques et des centres d’apprentissage professionnels, ont réagi avec colère contre le racisme de Koch. Le CDU qui avait atteint un score record de 48,8 pour cent lors des élections de 2003, a perdu 12 pour cent alors que le SPD a gagné 7,6 pour cent. La participation électorale a baissé de 10 pour cent pour atteindre tout juste 57 pour cent en Basse Saxe, mais est restée relativement élevée en Hesse avec 64 pour cent.

Il est à remarquer que les votes supplémentaires obtenus par le SPD en Hesse sont attribuables à Andrea Ypsilanti qui passe pour être une candidate à la « gauche » du parti. La direction du parti ne lui avait précédemment accordé aucune chance de réussite et l’ancien ministre de l’Économie, Wolfgang Clement, avait même appelé l’électorat à voter contre elle.

Au décompte final des voix, il est apparu que le CDU avait un faible avantage de 0,1 pour cent, soit 3.595 voix sur le SPD. Mais la conséquence en est que Koch est incapable d’engager une coalition avec son partenaire favori, les libéraux du Parti libéral démocrate (FDP). Bien que le FDP ait légèrement progressé en remportant 9,4 pour cent des voix, le FDP ne rassemble avec l’appui du CDU que 46 pour cent des suffrages, et donc moins que le total recueilli par le CDU à lui tout seul il y a quatre ans.

Dans le Land où les Verts avaient fait pour la première fois leur apparition en tant que force politique, ils sont arrivés en quatrième position avec tout juste 7,5 pour cent (une baisse de 2,6 pour cent) signifiant qu’une coalition SPD-Verts échouerait également faute de sièges suffisant pour former un gouvernement en Hesse. C’est le Parti de la Gauche qui, à bien des égards, fera pencher la balance.

Les instances dirigeantes de tous les partis politiques impliqués se sont rencontrées lundi soir et depuis les spéculations vont bon train quant à la formation d’un nouveau gouvernement régional de Hesse. La chancelière allemande et présidente du CDU, Angela Merkel, a décidé de soutenir Koch en dépit des pertes infligées à son organisation lors des élections. « Le CDU est apparu comme le parti le plus fort » a déclaré Merkel à Berlin en précisant que la tâche de former un nouveau gouvernement revenait indubitablement à Roland Koch.

Toujours est-il que le CDU et le FDP ne disposent pas de suffisamment de sièges pour former un gouvernement et jusque-là les sociaux-démocrates ont refusé une « grande coalition » avec le SPD, à l’image de celle gouvernant sur le plan fédéral. La direction du FDP a rejeté toute collaboration avec une coalition SPD-Verts, mais a signalé un éventuel soutien pour une soi-disant « coalition jamaïcaine » à savoir, une coalition entre le CDU, le FDP et les Verts.

En ce qui concerne les Verts ils ne se sont pas directement exprimés sur cette dernière variante, mais ont clairement fait savoir qu’ils favorisaient une alliance avec le SPD. Si le FDP continue à rejeter toute alliance avec le SPD et les Verts, la seule possibilité d’établir une coalition SPD-Verts serait celle sur la base d’un soutien du Parti de la Gauche, ce qui à son tour est (pour le moment du moins) strictement écarté par le SPD.

Il y a également des spéculations autour de la démission de Koch de son poste en Hesse pour occuper un poste de ministre à Berlin. Ceci ouvrirait la voie à une grande coalition en Hesse avec un autre membre dirigeant du CDU occupant le poste de ministre président. L’un des candidats potentiels pour un tel transfert est l’actuel ministre de la Défense, Franz Josef Jung. Une telle démarche faciliterait la participation du SPD et des Verts à une coalition avec le CDU.

Paradoxalement, le vote clair exprimé contre Koch et le CDU en Hesse pourrait bien mener à une grande coalition.

Les Verts ont aussi indiqué qu’ils pourraient s’allier au CDU au cas où Koch démissionnerait. Au cours de leur campagne électorale, les Verts ont souligné que leur objectif primordial était de se débarrasser de Koch. Dans le même temps, des membres influents des Verts ont fait savoir qu’une coopération avec d’autres couches au sein du CDU « était tout à fait judicieuse ».

Cette remarque avait été faite par le dirigeant des Verts, Joschka Fischer, lors d’une réunion électorale la semaine dernière en Hesse. Fischer avait délibérément fait une distinction entre Roland Koch et le reste du CDU. Il a dit avoir été « plein d’espoir » avec le CDU quant à la question de l’immigration jusqu’à ce que « Roland Koch décide de recourir à la manière forte ». Koch, poursuivit-il, avait rendu « un service malencontreux à un CDU moderne. »

Les Verts collaborent déjà étroitement avec le CDU et le FDP dans les instances locales de la capitale de Hesse de Wiesbaden et les Verts forment une soi-disant « coalition du réalisme » avec le CDU et la place financière de Francfort. Des élections sont prévues à Hambourg dans quatre semaines et là non plus les Verts n’ont pas caché leur volonté de collaborer avec le CDU.

La Basse Saxe

En Basse Saxe, le CDU tout comme le SPD a perdu un grand nombre de voix, un résultat qui reflète un rejet net de la grande coalition de Berlin. Alors que le FDP et les Verts ont été en mesure d’accroître légèrement leur vote, le Parti de la Gauche a été le seul parti à réaliser les gains les plus forts.

Malgré une perte de 5,8 pour cent de voix, le ministre président chrétien-démocrate, Christian Wulff, a toutefois remporté suffisamment de voix (42,5 pour cent) pour pouvoir poursuivre sa coalition régionale avec le FDP (8,2 pour cent). Le SPD a enregistré dans le Land autrefois gouverné par l’ancien chancelier social-démocrate, Gerhard Schröder, son score le plus bas de l’histoire, en obtenant à peine 30,3 pour cent.

Wulff, dans sa campagne électorale, s’est nettement distancé des propos xénophobes de son collègue de parti, Koch. En contrepartie, il s’est posé en candidat misant sur la stabilité en refusant de polariser la campagne électorale.

La crainte d’une radicalisation sociale et politique

Les résultats électoraux de Hesse et de Basse Saxe sont l’expression d’un glissement à gauche de la population dans son ensemble, un processus qui est en cours depuis longtemps.

Avant Noël, les médias allemands ont été dominés par des articles sur l’accroissement rapide des inégalités sociales en Allemagne. En décembre, le magazine Der Spiegel a rapporté que les revenus des couches les plus pauvres avaient chuté de 13 pour cent depuis 1992, alors que les gros salaires avaient augmenté durant le même laps de temps de près d’un tiers. « C’est un développement effrayant » avait conclu le magazine.

Des sections de l’élite dirigeante allemande redoutent que la crise économique et sociale grandissante ne conduise à une aggravation des conflits sociaux. Leur crainte a été renforcée par l’effondrement des cours boursiers et l’intensification de la crise financière durant ces dernières semaines.

Dans ce contexte, la polarisation de la campagne électorale de Roland Koch s’est heurtée à une opposition considérable de la part de certains médias allemands. Les comités de rédaction des journaux de référence tels le Frankfurter Rundschau, le Süddeutsche Zeitung et Die Zeit ont tous manifesté leur inquiétude. Ils craignaient que la campagne agressive de Koch n’attise des conflits sociaux incontrôlables.

Trois jours avant les élections, Die Zeit écrivait : « Koch est un ministre président qui a des capacités. Mais il ne doit pas remporter cette élection. » Sa victoire serait un « désastre » pour l’Allemagne parce qu’il a inutilement tendu la situation et empoisonné la « la culture politique » du pays.

Les gains de voix du SPD en Hesse ne proviennent pas des couches de la classe ouvrière qui sont les plus durement touchées par les attaques sur les prestations sociales de ces dernières années. Selon une étude sur les changements d’attitude des électeurs, le SPD n’a gagné qu’un certain pourcentage de voix de la part de travailleurs, de chômeurs et de retraités. Il a été en mesure d’accroître son soutien surtout parmi les employés de bureau et les travailleurs indépendants, de 13 et 12 pour cent respectivement. Ces couches ont voté pour le SPD dans l’espoir que le parti retourne à une politique de type réformiste pour ainsi empêcher une éruption à grande échelle des luttes de classe.

De tels espoirs ont été clairement exprimés par le journaliste Heribert Prantl dans le Süddeutsche Zeitung. Il a célébré la renaissance du SPD en la comparant à la résurrection de Lazare dans la bible.

Les électeurs de Hesse ont redécouvert leur parti qu’ils « avaient déjà pris pour mort, » écrit Prantl. Tout à l’image de la figure biblique, la social-démocratie n’était « plus rouge mais pâle. » Il « craignait sa tradition et ses membres », mais à présent « le SPD fier » est à nouveau présent… « du moins en partie ». Le parti en Basse Saxe « est encore mort » (aucune polarisation politique ne l’ayant réveillé). En Hesse toutefois, « il a fait un bond. »

La théorie de Lazare de Prantl quant à la résurrection du SPD n’est pas seulement un exemple grotesque de duperie de soi-même de la part de quelqu’un qui a été de longues années durant un fervent partisan de la politique SPD-Verts. C’est une tentative d’aider la direction du SPD à reprendre contrôle de la classe ouvrière.

L’idée que le SPD, au vu de la globalisation et de la crise financière internationale, puisse retourner à une politique basée sur un quelconque consensus social est tout à fait absurde. Tous ceux qui cherchent à nourrir de telles illusions pourront s’attendre à un choc très rude. Toutes les expériences de ces dernières années prouvent exactement le contraire. Que ce soit en Allemagne, en Angleterre, en France ou en Italie, la social-démocratie a usé de son influence, qui ne cesse de diminuer, pour supprimer à maintes reprises toute opposition populaire, stabiliser le régime bourgeois et imposer une politique entièrement orientée dans l’intérêt du patronat.

La même critique s’applique au Parti de la Gauche. Ce parti considère que son rôle principal est de soutenir le SPD. Même un jour après les élections, des membres influents de La Gauche faisaient connaître leur volonté de hisser le SPD à nouveau au pouvoir en Hesse. Partout où le Parti de la Gauche partage la responsabilité gouvernementale, à savoir en Mecklenbourg-Poméranie occidentale et à Berlin, le parti abandonne rapidement sa phraséologie gauchiste pour jouer un rôle pionner dans les attaques contre la population laborieuse.

1,034 voix pour le PSG

C’est là que réside la signification de la participation du Partei für Soziale Gleichheit (Parti de l’Egalité sociale, PSG) dans les élections de Hesse.

Le PSG n’était pas disposé à se soumettre au SPD et à La Gauche sur la base du slogan « Koch doit partir ». Le PSG a mis en garde les électeurs contre le rôle joué par un soi-disant « gouvernement de gauche » formé par le SPD et les Verts et soutenu par La Gauche. Comme cela a été le cas en France sous le gouvernement de Lionel Jospin (Parti socialiste) ou de la coalition menée par Romano Prodi en Italie, un tel « gouvernement de gauche » en Hesse ne servirait qu’à préparer la voie à une prise du pouvoir par les partis de droite.

Le PSG n’a pas simplement limité sa campagne électorale aux questions immédiates, il a considéré l’avenir et les conflits sociaux qui résulteront inévitablement de la polarisation sociale. C’était le seul parti à avancer un programme socialiste international et à poursuivre l’objectif d’organiser la classe ouvrière en tant que force sociale indépendante.

Sa liste de candidats au niveau régional (Landesliste) a recueilli plus de mille voix. C’est un chiffre petit, mais important. Au vu de l’immense polarisation qui a caractérisé ces élections et qui a conduit de nombreux électeurs à chercher le meilleur moyen de voter contre Koch, les suffrages obtenus par le PSG représentent un résultat important. Ils représentent une décision consciente de s’opposer au SPD et à La Gauche, qui tous deux ont mené une campagne bien plus vaste et bien plus chère basée sur un accès quasi illimité aux médias.

Les électeurs du PSG ont fait un choix en faveur d’un programme socialiste qui s’oppose à la logique du système capitaliste et qui place les intérêts de la population laborieuse avant les intérêts de profit du patronat et des banques.

(Article original paru le 30 janvier 2007)


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