Au cours de sa seconde conférence de presse sur l’économie en l’espace
de deux jours, le président élu, Barack Obama, a promis mardi qu’il réduirait
radicalement les dépenses gouvernementales afin de couvrir les coûts d’un
paquet de mesures de relance économique qu’il avait dévoilé la veille.
« Si nous réalisons les investissements dont nous avons
besoin, nous devons également être disposés à renoncer aux dépenses inutiles, »
a déclaré Obama. « En ces temps difficiles où nous sommes confrontés à la
fois à un déficit croissant et à une économie en déclin, la réforme budgétaire
n’est pas une option ; c’est une nécessité. » a-t-il ajouté.
Obama a dit que son équipe examinerait le budget fédéral,
« page par page, ligne par ligne, en éliminant les programmes inutiles, et
en s’assurant impérativement que ceux dont nous avons besoin aient un bon
rapport coût-efficacité. »
Alors qu’il répétait sa précédente déclaration disant qu’« il
n’y a qu’un président à la fois, » Obama a fait comprendre que ces
apparitions de plus en plus fréquentes devant les journalistes à Chicago, une
troisième conférence de presse devant avoir lieu mercredi, sont motivées par la
crise économique grandissante qui envahit le capitalisme américain et mondial
et le désir de rassurer les marchés financiers.
« Etant donné les circonstances exceptionnelles dans
lesquelles nous nous trouvons, il est important que le peuple américain sache que
nous réunissons une équipe de premier ordre et que nous n’avons pas l’intention
de faire notre entrée dans le prochain gouvernement en trébuchant, »
a-t-il précisé.
Le contexte immédiat de la conférence de presse avait été
l’annonce de nouveaux chiffres montrant que l’économie américaine continue sa spirale
descendante. Le Département américain du Commerce a indiqué mardi que
l’activité économique avait baissé au rythme de 0,5 pour cent durant les trois
mois précédant octobre, alors que le revenu américain moyen disponible
enregistrait au cours de la même période une chute annuelle de 9,2 pour cent, soit
le déclin le plus abrupt jamais enregistré depuis la tenue de tels registres en
1947.
La conférence de presse d’Obama eut lieu au moment où le
secrétaire au Trésor, Henry Paulson, annonçait un autre plan de sauvetage de
800 milliards de dollars destiné à éviter un effondrement du marché du crédit à
la consommation.
Le but de la conférence de presse était de présenter deux
autres membres de l’équipe économique du nouveau gouvernement. Obama a nommé
Peter Orszag, actuel directeur du Bureau du budget du congrès, (CBO), au poste
de directeur du Bureau de la Gestion et du Budget, c'est-à-dire l’administration
de la Maison Blanche qui prépare les budgets fédéraux et supervise les
programmes fédéraux. Il a aussi nommé Rob Nabors, actuellement directeur de la
Commission d’appropriation (House appropriations Committee), au poste d’adjoint
d’Orszag. Comme pour la plupart des nominations précédentes, ils sont tous deux
aussi des vétérans du gouvernement Clinton.
L’annonce a suivi la nomination de lundi de Tim Geithner, président
de la Réserve fédérale de New York, au poste de secrétaire au Trésor et de
Lawrence Summers à celui de directeur du Conseil économique national en même
temps que d’autres membres de son équipe économique.
Obama a fait une nette distinction entre sa proposition pour
« une injection de fonds immédiate et provisoire qui sera nécessaire pour
relancer notre économie » et les projets visant à réduire « les
dépenses structurelles qui ont été effectuées à Washington et qui ont créé
cette énorme montagne de dettes. »
Il a réitéré que le programme provisoire qu’il préconise
« aiderait à sauver et à créer deux millions et demi d’emplois. » Alors
que le prix à payer pour le programme a été évalué à 700 milliards de dollars,
les objectifs sont tout à fait inadéquats compte tenu de la gravité de la
crise. Près de la moitié des emplois qu’Obama prétend sauver ou créer en deux
ans a déjà été supprimée au cours de la seule année dernière, et les demandes
d’allocations de chômage grimpent au rythme de plus d’un demi million par
semaine.
En ce qui concerne la réduction du budget, le président démocrate
élu, tout en prévenant qu’il y aurait des « choix difficiles » à
faire et que certains programmes devraient disparaître, a donné très peu de
précisions.
L’unique exemple qu’il a cité, la suppression des 49 millions
de dollars de subventions aux récoltes, accordées à des fermiers gagnant plus
de 2,5 millions de dollars, est loin d’apporter la lumière sur ses intentions.
Le montant en question représente moins d’une goutte d’eau dans l’océan en
terme de déficit budgétaire américain et qui à présent, selon les évaluations des
économistes, se situera l’année prochaine à mille milliards de dollars, soit plus
du double de celui de l’année fiscale qui s’est achevée en septembre.
Le genre de réduction budgétaire qui est nécessaire pour
restreindre les déficits qui enflent et compenser les milliers de milliards de
dollars qui ont déjà été alloués au sauvetage des principales banques et
institutions financières ne peut être réalisé sans passer par des réductions
massives des programmes sociaux de base tels Social Security [organisme qui
gère les retraites de base], Medicare [assurance de santé des personnes âgées] et
Medicaid [assurance-maladie minimale pour les plus pauvres].
Il est un domaine dans lequel Obama et ses conseillers ont dit
ne pas vouloir tailler, c’est celui des dépenses militaires et pour lequel le
futur gouvernement projette en réalité d’augmenter les effectifs de l’armée de
terre de 100.000 soldats et d’acheter plus d’armement et d’équipement.
En annonçant les nominations, Obama s’est vanté d’avoir déjà
reçu « des accolades bipartites pour l’équipe du budget que je mets en
place. » Ce n’est pas un hasard, compte tenu de la politique droitière
pratiquée par les personnes nommées.
Comme le remarquait le magazine économique Forbes.com :
« Tout comme Summers et Geithner, Orszag est étroitement lié au
secrétaire au Trésor de l’ancien gouvernement Clinton, Robert Rubin qui est bien
connu pour l’importance qu’il accorde à la responsabilité fiscale. »
Rubin est actuellement président du conseil d’administration
de la Citibank qui a été renflouée dernièrement. C’est le soutien qu’il avait
apporté aux dérégulations et à la subordination de la politique fiscale aux
exigences des marchés de capitaux, qui avait contribué à ouvrir la voie à
l’actuelle crise. En 2006, Rubin avait choisi Orszag pour diriger le Hamilton
Project, un groupe de réflexion mis en place par les grands patrons et les
banquiers affiliés au Parti démocrate afin de promouvoir les vertus de
l’austérité fiscale, les marchés libres et la dérégulation financière.
En 2004, Orszag rejoignait Rubin et son homologue économiste
Allan Sinai pour mettre en garde que le budget fédéral américain se trouvait
sur « une voie intenable » et que le manque d’équilibre du budget
soulevait « la probabilité d’un désordre fiscal et financier à venir. »
En tant que directeur du CBO, il a répété en essence le même
avertissement le mois dernier en déclarant : « Si nous ne réussissons
pas à placer la nation sur une trajectoire fiscale plus saine au cours des
prochaine décennies, alors nous arriverons à un stade où les investisseurs
perdront confiance et ne voudront plus acquérir des dettes publiques qu’au prix
de taux d’intérêt exorbitants. Si cela devait arriver, il nous manquerait le
genre de marge de manœuvre dont nous bénéficions actuellement pour répondre aux
problèmes des marchés financiers et de l’économie. »
Orszag a été un défenseur ardent des coupes budgétaires dans
les prestations sociales afin de « sauvegarder » le système de
retraite public universel. Dans un projet de 2005 co-rédigé avec Peter Diamond
du Massachusetts Institute of Technology (MIT), il a mis en garde : qu’« éviter
les réformes réelles, soit en les retardant soit en adoptant une approche
favorisant l’assistanat, ne fait qu’exacerber les choix douloureux qui devront
finalement être faits. »
Il a appelé à une série de réductions dans les
prestations de la Sécurité sociale, combinées à une augmentation des impôts prélevés
sur les salaires, en imposant le fardeau à la population laborieuse plutôt
qu’aux entreprises et aux riches. Conformément à son projet, ces réductions
seraient introduites progressivement, les plus de 55 ans seraient exemptés,
mais une réduction de près de 9 pour cent des prestations serait imposée, et qui
touchera finalement ceux qui sont à présent âgés de 25 ans. L’augmentation des
impôts serait introduite de la même manière.
Au Bureau du budget du congrès, Orszag n’a cessé de battre
tambour en faveur d’une réduction drastique des dépenses de santé, en déclarant
que c’est « un défi fiscal central auquel le pays est confronté. »
Parmi les propositions qu’il avait mises en avant dans une
déclaration qu’il avait préparée l’année dernière pour le CBO figurait la
proposition d’« accroître la part des consommateurs dans le partage des
coûts afin de les rendre plus conscients des coûts. »
Il n’est pas partisan d’un système de santé universel ou de libérer
les soins de santé des motifs de profit des compagnies d’assurance et de
l’industrie de la santé.
Comme dans tous ses récents discours sur la crise économique,
Obama a mis l’accent sur l’idée que « nous sommes tous concernés »
pareillement, riches et pauvres, banquiers d’affaires et ouvriers d’usine.
« Je suis sûr que nous serons à la hauteur du défi, »a-t-il dit,
« si nous sommes prêts à nous unir et à reconnaître que Wall Street ne
peut pas prospérer tant que Main Street [l’économie réelle] souffre. »
Cette rhétorique ne sert qu’à masquer les réalités économiques
et sociales de la crise qui se développe. Wall Street est renfloué aux dépens
de « Main Street ». Les travailleurs ordinaires qui n’ont aucune
responsabilité dans l’effondrement financier sont forcés de payer le prix
d’années de parasitisme financier et de spéculation, qui ont enrichi le 1/100
de la population tandis que la vaste majorité a vu son revenu réel stagner ou
baisser. La réponse inévitable à apporter à ce type de politique d’austérité économique
que le futur gouvernement Obama prépare ne sera pas une « union » de
« Wall Street et de Main Street », mais plutôt une résurgence de la
lutte de classe aux Etats-Unis.