Cindy Sheehan a encaissé un dur coup lorsqu’elle a
perdu son fils Casey, âgé de 24 ans, dans la guerre en Irak en avril 2004. En
août 2005, un peu plus d’un an après cette tragédie, Sheehan fut portée à
l’avant-plan lorsqu’elle érigea un campement anti-guerre près du
ranch de George W. Bush à Crawford au Texas. Le campement resta en place un
mois et attira l’attention d’un grand nombre de personnes, aux
États-Unis et partout dans le monde, sur le coût humain de l’invasion
néocoloniale et de l’occupation de l’Irak.
Le militantisme de Sheehan a eu un impact sur
l’opinion publique américaine et a obligé les médias à reconnaître ce
qu’ils avaient mis tant d’efforts à cacher : une grande
opposition à la guerre en Irak dans la population américaine.
Comme elle l’a expliqué, Sheehan était la
« coqueluche » de la gauche libérale et de sections du Parti démocrate
dans la mesure où elle n’attaquait et n’embarrassait que
l’administration Bush. Cependant, une fois que les démocrates eurent
repris le contrôle des deux chambres du Congrès lors des élections de novembre
2006, la situation changea.
Portés au pouvoir principalement en raison de
l’opposition à la guerre en Irak, les démocrates, dirigés par la présidente de la Chambre des représentantsNancy Pelosi et le chef de la majorité démocrate au SénatHarry Reid, ont fait savoir dès le début qu’ils ne bloqueraient
pas le financement pour la guerre et qu’ils n’enclencheraient pas
de procédures de destitution contre Bush et le vice-président Dick Cheney.
Lorsque les démocrates au Congrès, après avoir joué la
comédie pendant des mois, ont finalement capitulé devant Bush en mai 2007 et
ont facilité le passage de cent milliards de dollars additionnels pour financer
les guerres en Irak et en Afghanistan, Sheehan fut outrée. Dans une lettre
ouverte du 26 mai envoyée aux membres démocrates du Congrès américain et dans
laquelle elle annonce sa démission du parti, elle écrit : « Vous
pensez que lui [Bush] donner plus d’argent est politiquement opportun,
mais c’est une abomination morale et chaque seconde de plus que
l’occupation de l’Irak dure, vous avez tous plus de sang sur les
mains. »
L’annonce de Sheehan de sa rupture avec les démocrates
fut accueillie par un silence ou avec hostilité dans les cercles libéraux de
gauche. Le magazine The Nation a tenté de
l’ignorer pendant que d’autres, comme le Daily Kos ou le Democratic
Underground, ont attaqué ses commentaires.
En juillet, Sheehan aida à organiser « Caravane pour
l’Humanité », un mouvement étendu à travers le pays contre la guerre
et la complicité du Congrès avec Bush. Elle annonça que si la présidente de la Chambre des représentantsPelosi n’avait pas remis la question
de la destitution « sur la table » avant que la Caravane
n’atteigne Washington DC le 23 juillet, elle annoncerait sa candidature
contre Pelosi dans le district de San Francisco en tant que candidate
indépendante.
Le 23 juillet, Sheehan et d’autres personnes
visitèrent le représentant John Conyers à son bureau et firent encore valoir la
question de la destitution. Lorsque le démocrate du Michigan refusa de
considérer la question, Sheehan et ses collègues occupèrent son bureau ; Conyers
appela immédiatement la police. (Voir Iraq war opponent Cindy Sheehan arrested at Democratic
Congressman’s office)
Sheehan annonça officiellement sa candidature contre Pelosi
le 9 août à San Francisco. Deux jours plus tard, Katha Politt dans The Nation attaqua Sheehan (Voir The Nation
urges Cindy Sheehan not to run for Congress against Nancy Pelosi), tournant
en ridicule ses efforts et en les décrivant comme étant « futiles ».
Elle suggéra avec condescendance à Sheehan de rester une
« activiste ». Un deuxième article dans The Nation, écrit par
Gary Younge, s’en est aussi pris à Sheehan en raison de sa candidature
contre Pelosi.
Dans une lettre à l’éditrice du magazine, Katrina vanden
Heuvel, Sheehan a noté que le magazine l’avait déjà appuyé, mais était
maintenant en train d’« appuyer la présidente
de la Chambre des représentants [Pelosi], qui, en parole, est contre l’occupation
avec sa bouche, mais, en actes, donne à George plus d’argent pour la
guerre. »
Plus récemment, le 30 août, Katha Politt est revenue à
la charge dans The Nation en écrivant un
virulent article accusant Sheehan d’avoir écrit une « réponse pleine
d’indignation et de bigoterie à mes articles polis et modérés. » Politt,
poursuivant avec ses habitudes condescendantes, se demande tout haut
« comment elle [Sheehan] pourra être à la hauteur des rigueurs d’une
campagne électorale ».
David Walsh s’est entretenu avec Cindy Sheehan le
31 août.
* *
*
David Walsh: Est-ce que vous avez eu des
expériences politiques avant le début de la guerre en Irak et la mort de votre
fils en 2004 et, si oui, lesquelles ?
Cindy Sheehan : J’avais seulement
voté. C’est la mort de mon fils qui m’a lancé. Même si
j’étais en désaccord avec la guerre, je ne faisais aucun activisme
jusqu’à la mort de Casey.
DW : Quelle était votre position face à la
guerre lorsqu’elle a commencé ?
Nous étions en désaccord avec la guerre, moi
et toute ma famille, même Casey. Mais je n’étais relié à aucun mécanisme
pour protester parce que toute ma vie tournait autour de mon enfant et de mon
travail. Je n’ai pas contesté la guerre jusqu’à ce que Casey meurt.
Bien sûr, je le regrette.
DW: Quel était votre travail à ce moment ?
CS : Lorsque Casey est mort, je venais
juste de trouver un emploi pour le comté de Napa [Californie] et je pouvais
ainsi être éligible pour Medicare. Mon principal emploi après que nous ayons
déménagé à Vacaville [80 kilomètres au nord-est de San Francisco] en 1993 était
pasteur des jeunes. J’étais alors coordonnatrice du département jeunesse
de l’Église St-Mary pendant 8 ans. C’est une église catholique.
DW : Pouvez-vous parler de vos
expériences pendant les trois dernières années avec le Parti démocrate, le
mouvement anti-guerre et la gauche ?
CS : J’étais impliqué dans le
mouvement anti-guerre depuis un an lorsque je suis allé à Crawford au Texas.
Dans la campagne de 2004, j’ai fait campagne contre George W. Bush. Je
n’ai jamais fait campagne pour John Kerry, mais je l’ai fait contre
Bush. Ensuite, après les élections, j’ai fondé Gold Star Families for Peace
et j’ai commencé à être très occupée à me déplacer partout à travers
le pays et à parler aux gens. J’ai commencé à écrire à peu près à la même
période.
Le 16 juin 2005, j’étais impliqué dans
les audiences que John Conyers [représentant démocrate du Michigan] a tenues
dans le sous-sol du Capitole, dans les audiences sur les minutes de Downing Street
[minutes d’une réunion du 23 juillet 2002 du gouvernement travailliste
britannique, qui portait sur la préparation de la guerre et qui suggérait que
« les renseignements et les faits étaient arrangés » pour justifier
l’invasion américaine et le renversement de Saddam Hussein].
Le témoignage de [l’ambassadeur] Joe
Wilson sur l’uranium enrichi [la supposée tentative, exposée comme étant
un mensonge, du régime d’Hussein pour acheter de l’uranium enrichi du
Niger]. Ray McGovern [un ancien analyste de la CIA] a témoigné sur les
renseignements falsifiés concernant cette histoire. J’ai témoigné sur le
coût humain des mensonges et ce qui est arrivé. John Bonifaz témoigna à propos
de questions constitutionnelles. Il est un juriste de la Constitution.
Peu après cela, à peu près six semaines après,
je suis allé à Crawford. Même si plusieurs personnes dans la communauté
activiste savaient qui j’étais, avaient lu mes écrits et avaient correspondu
avec moi — j’étais très occupée, trois semaines pendant le mois, je
devais prendre la parole quelque part — le 6 août, lorsque je suis allé
au ranch de Bush, je suis devenue connue internationalement et nationalement
pour mon travail.
Avant Camp Casey à Crawford, je travaillais
avec le Congrès. Je travaillais avec des membres du Congrès comme John Conyers,
Dennis Kucinich, Lynn Woolsey, Maxine Waters, Barbara Lee, Jim McGovern et Jim McDermott
alors j’avais déjà travaillé avec des membres progressistes du Congrès.
J’avais déjà une bonne relation avec Ron Paul du Texas. J’avais un peu d’expérience sur la Colline.
Mais, après le Camp Casey, c’était quand
il semblait que le Caucus progressiste du Congrès, incluant John Conyers, des
gens comme Charlie Rangel, me voulaient à leurs évènements, pour promouvoir
leurs évènements, pour avoir des photos avec moi. J’appuyais beaucoup
John Conyers lorsqu’il a introduit ses articles sur la destitution
l’an passé, lorsque les démocrates étaient encore minoritaires. Dans son
livre, La Constitution en Crise, il parle même de moi.
Alors quand les démocrates sont devenus
majoritaires… Je savais qu’il faudrait encore travailler très fort
avec le Congrès et en opposition à celui-ci, mais j’espérais que nous
serions un peu plus loin en avant que nous l’étions avec le Congrès
républicain, alors, évidemment, c’était très… Je ne veux pas dire
« naïf », parce que je savais que les choses ne changeraient pas
juste parce que les démocrates avaient pris le pouvoir, mais j’avais de
l’espoir.
J’ai eu trois réunions avec John Conyers
avant le 23 juillet, lorsque nous avons occupé son bureau sur la question de la
destitution. Et quand Nancy Pelosi a supprimé la question de la destitution
avant même qu’elle ne soit élue en novembre 2006, j’étais très
désappointée ; lorsqu’ils ont voté pour donner à Bush plus
d’argent pour la guerre, j’étais très désappointée. C’est là
que j’ai décidé de me présenter contre Pelosi.
C’était après m’être retirée en
mai et après être revenue en juillet après que Georges Bush eut commué la peine
de Scooter Libby que j’ai décidé d’appuyer mon ami le révérend
Lennox Yearwood [un réserviste de l’armée de l’air] parce
qu’il était sur le point d’être accusé par l’armée de
l’air d’être une menace à la sécurité nationale à cause de ses
activités anti-guerres, particulièrement pour le fait d’avoir travaillé
avec moi.
Alors, j’ai eu une idée pendant notre
tour du pays avec la Caravane pour l’Humanité que si Nancy Pelosi
n’avait pas remis la question de la destitution sur la table avant que
j’arrive sur DC le 23, je me présenterais contre elle. Voilà où nous en
sommes maintenant.
DW: Étant donné que votre campagne a débuté il
y a plusieurs années, quel genre de réponse avez-vous eu de la part des
familles de militaires ou des soldats qui sont revenus de l’Irak ou qui
sont encore en Irak ?
CS : J’ai beaucoup soutenu les Vétérans
de l’Irak contre la guerre et ils m’ont soutenue. C’est
encore probablement du cinq contre un lorsque j’entends parler un vétéran
ou un soldat en uniforme qui me soutient. Ils ne veulent pas être là. Ils
comprennent qu’ils sont exploités et utilisés par leur commandant en
chef.
Beaucoup d’entre eux, comme mon fils,
ont joint l’armée avant que George Bush ne soit président ou l’on joint
avant le 11 septembre 2001. C’était avec l’idée de s’engager
envers leur pays, de le servir et ils sentent que leur engagement est
maintenant exploité. J’ai beaucoup de soutien de la part des vétérans,
ceux de la guerre en Irak, ceux de la guerre du Vietnam et de toutes les
guerres depuis la Deuxième Guerre mondiale.
DW : Que pensez-vous de l’argument
que vous entendez maintenant de toutes les sections de l’establishment
politique, c’est-à-dire que les États-Unis ne peuvent se retirer de
l’Irak parce qu’il y aurait un bain de sang ?
CS : Je pense que je suis inhabituelle
parce que je suis allée en Jordanie deux fois pour parler à des Irakiens
spécifiquement sur cette question. J’ai parlé à des intellectuels, des
docteurs, des citoyens bien en vue, et ils veulent tous que les Etats-Unis
partent parce qu’ils croient que la violence s’apaisera lorsque les
Etats-Unis partiront. Je ne pense que ça importe ce que les Américains pensent,
c’est ce que le peuple de l’Irak veut. Le dernier sondage que
j’ai vu dit que 80 pour cent des Irakiens veulent que les Etats-Unis se
retirent. Ils veulent la fin de l’occupation.
DW : Suite aux commentaires que vous
avez faits sur le Parti démocrate vers la fin mai, qu’elle a été votre
expérience ?
CS : J’ai trouvé que ceux qui
m’avaient auparavant soutenue étaient très ouvertement opposés à ce que
l’on quitte le Parti démocrate. Ceux du Daily Kos, ceux du Democratic
Underground. Et lorsque j’ai décidé de me présenter contre Nancy Pelosi,
les Démocrates progressistes d’Amérique, dont je siège sur le conseil
d’administration, ont déclaré qu’ils ne pouvaient me soutenir,
ainsi que Democrats.com. C’était si étrange, parce que je suis la
même personne disant exactement les mêmes choses qu’avant que je me
dissocie de tous les partis. Je suis la même personne avec les mêmes buts,
faisant et disant les mêmes choses.
Le magazine Nation m’a
beaucoup soutenue depuis mars 2005. Je crois qu’ils m’ont exploité
et exploité ma popularité à maintes reprises durant tout ce temps. Maintenant,
je crois que les éditoriaux qu’ils publient minent ma candidature. Cela
me met en colère. Je voudrais leur demander : vous inquiétez-vous du sort
des démocrates ou de celui de la démocratie ? Ces gens qui ne se
préoccupent que des démocrates, je ne crois qu’ils se préoccupent de la
démocratie.
DW : Comment l’annonce de votre
candidature a-t-elle été accueillie ?
CS : Il y a deux aspects à cette
question. Le premier aspect est la réponse au plan national, qui fut très
positive. Il n’y a eu que quelques personnes qui m’ont contacté en
personne pour me dire qu’elles croyaient que c’était une mauvaise
idée.
A San Francisco, la réponse a été très
majoritairement positive. Je n’ai reçu que deux courriels de personnes
soutenant Nancy Pelosi. Elle est très vulnérable dans le 8e district de la
Californie. On ne sait pas vraiment au plan national comme elle est vulnérable
là-bas. Deux personnes sur trois veulent que Georges Bush et Dick Cheney soient
destitués. Trois sur quatre, peut être plus, veulent le retour des troupes. Et
elle a fait plusieurs choses douteuses, comme privatiser Presidio et des ventes
immobilières dans lesquelles sa famille fut impliquée, qui la rendent très
vulnérable dans ce district.
San Francisco a un électorat très fin et
intelligent qui comprend les questions plus importantes, qui comprend que, oui,
nous devons destituer George Bush et Dick Cheney, et que, oui, nous devons
rapatrier les troupes, mais qu’il faut régler le problème sous-jacent
aussi, celui de l’impérialisme américain, du corporatisme, des intérêts
particuliers qui semblent diriger le système politique aux Etats-Unis, pas le
peuple.
DW : Est-ce que vos positions sur la
politique et la société ont changé au cours des dernières années, et quelles
sont-elles maintenant ?
CS : J’ai un diplôme universitaire
en histoire de l’UCLA (Université de Californie à Los Angeles). Même dans
les cours avancés d’histoire, on ne vous donne pas la véritable histoire
des Etats-Unis. Ce que nous avons fait aux gens. J’ai toujours pensé que
les Etats-Unis étaient… je n’ai jamais pensé que les Etats-Unis
étaient le meilleur pays au monde, mais que c’était un bon pays, et je
pensais que ce que faisait notre gouvernement était en général bien et
qu’il tentait de bien faire. Mais depuis que mon fils est mort, j’ai
entrepris cette campagne qui vise non seulement à attirer l’attention aux
Etats-Unis sur la guerre en Irak, mais aussi sur les raisons pour lesquelles
nous sommes en guerre, et sur notre complexe militaro-industriel.
Je croyais qu’il y avait une nette différence entre
les démocrates et les républicains; maintenant je sais que, s’il y a une
différence, elle est très mince ; c’est une très petite différence.
Il y a des démocrates très courageux, mais nous avons essentiellement un
système à un seul parti. Gore Vidal l’appelle le parti des banquiers, moi
je l’appelle le parti guerrier.
Je crois qu’une « corporatocratie » mène le
pays et pas la démocratie. Car je crois que les politiciens font ce que
souhaitent les intérêts particuliers, non ce que souhaite le peuple. Si les
politiciens faisaient ce que le peuple désire, nous serions déjà au beau milieu
des procédures de destitution, ou peut-être même qu’elles seraient déjà
complétées.
J’ai dû apprendre rapidement, sur
l’impérialisme et le militarisme américains, et sur d’autres sujets
semblables. J’ai vraiment confiance dans le peuple des Etats-Unis. Si
nous sommes bien informés et éduqués correctement, nous prenons les bonnes
décisions. Nous avons assisté à un profond changement dans ce pays : de 80
pour cent de la population qui appuie la guerre à près trois quarts de la
population qui s’oppose à la guerre.
La classe moyenne aux Etats-Unis n’a jamais été aussi
endettée et elle disparaît. Tous nos bons emplois, nos emplois syndiqués, nos
emplois manufacturiers, ont pour la plupart été envoyés à l’étranger. Les
gens doivent travailler pour réussir à peine à se maintenir la tête hors de
l’eau.
Avant que Casey ne soit tué, avant que je n’obtienne
un emploi au conseil, j’avais trois emplois afin de pouvoir payer une
assurance médicale. Je crois que si nous sommes bien informés, nous prenons les
bonnes décisions.
DW : Il y a deux Etats-Unis : les Etats-Unis de
George Bush et de Dick Cheney, des banquiers et des généraux, et les Etats-Unis
des gens ordinaires qui n’ont aucun intérêt à faire la guerre.
CS : Il y a l’élite établie, et il y a nous.
Il y a tellement de facteurs, les médias, le besoin de
consommation entretenu par les médias qui nous maintient dans
l’endettement et nous force à travailler, ne pas pouvoir participer aux
manifestations, changer les choses, apporter un changement fondamental. Pas
seulement des changements superficiels. Je crois que beaucoup de personnes aux
Etats-Unis comprennent les changements superficiels qui doivent être apportés,
mais elles ne sont pas assez averties à propos des changements fondamentaux qui
doivent être apportés.
Les médias ont joué un rôle majeur dans le nivellement par
le bas des Etats-Unis, les médias de la grande entreprise qui sont dirigés par
les mêmes personnes qui profitent de la guerre. C’est très insidieux.
Tout ceci s’est développé surtout depuis les deux ou trois dernières
décennies, depuis Reagan en particulier, et nous nous réveillons et nous avons
George Bush.
J’ai souvent dit que George Bush n’est pas le
problème. J’ai dit qu’il était le furoncle sur le derrière de la
démocratie. On perce le furoncle et qu’arrive-t-il ? Un autre
apparaît. On doit guérir ce qui cause le furoncle.Notre état est grave, nous avons un sale cancer... Certains
pensent : tout ce que nous avons à faire est d’élire Hillary Clinton
et nos problèmes seront réglés. Ils ne comprennent vraiment pas.
DW : Vous avez parlé du système bipartite et du besoin
d’avoir du changement. Quel genre de parti ou mouvement voyez-vous comme
alternative ?
CS: Depuis Camp Casey en août 2005, j’ai été en
mesure de voyager à travers le monde et de rencontrer des parlementaires, de
rencontrer des présidents, des vices-présidents, des ministres de différents
pays, et je me suis familiarisé avec leur système. J’aime vraiment le
système parlementaire dans lequel il est possible d’être membre
d’un parti qui représente ses convictions, ses valeurs fondamentales et
ses intérêts. On peut être membre de partis verts, de partis travaillistes, de
partis socialistes, de partis communistes, et ça donne à tout le monde le
sentiment de faire partie du gouvernement et d’avoir son mot à dire et de
se sentir impliqué.
Le système des deux partis prive tout le monde de leurs
droits civils, même les gens qui votent. Ils représentent uniquement les
intérêts particuliers et non le peuple. Je ne m’identifie pas au Parti
démocrate, je ne m’identifie pas au Parti républicain, je ne
m’identifie pas au Parti vert, que me reste-t-il ? Voter pour le
moindre mal ? Non, j’aime les gouvernements de coalition. Je
souhaite que le peuple américain ait le courage de vraiment explorer le fait
d’avoir de nouveaux partis. Je pense que ce serait une bonne chose
s’il y avait beaucoup de partis dans ce pays.
J’aimerais qu’il y ait un parti auquel je
pourrais m’identifier. Comme, par exemple, un Parti du peuple pour la
paix, ou quelque chose du genre, qui aurait vraiment quelque chose à dire dans
le dialogue politique, dans le discours politique, dans les décisions, ce
serait stupéfiant.
DW : Quelle est votre attitude à l’égard de Nation
et leur attitude envers vous à ce point-ci ?
CS : C’est vraiment intéressant.
J’écoutais une station de radio progressiste à San Francisco
l’autre jour. Un homme en onde, qui avait écrit un article à la demande
de Nation sur la façon dont [la sénatrice américaine] Diane Feinstein et
son mari profitent de la guerre. Nation a commandé cet article et
ensuite il ne le publie pas.
Leur excuse était que « De toute façon, Diane Feinstein
gagnera en Californie quoi qu’on dise, et nous ne voulons pas perdre
notre influence sur elle. » Immédiatement après les élections, Katrina vanden
Heuvel a écrit un éditorial louangeant Feinstein et disant à quel point Feinstein
était une merveilleuse représentante féminine au Sénat. Clairement, cette
journaliste disait que vanden Heuvel est riche, qu’elle fait partie de
l’establishment et qu’elle a intérêt à maintenir le statu quo.
Donc, je crois que la situation était très similaire à la situation dans
laquelle je me trouvais avec Nation.
Dans sa lettre qui m’est adressée, Katrina vanden Heuvel,
me dit « c’était un débat » bla, bla, bla. Je crois que ce
qu’ils ont fait avec ces deux articles mine vraiment ma candidature, sans
dire explicitement « nous endossons Pelosi ».
DW : L’administration Bush a maintenant
l’intention de lancer une nouvelle guerre contre l’Iran.
CS : Cela me trouble vraiment. Les démocrates ont
tenté d’attaquer la dernière demande de financement en disant que si nous
vous accordons ce financement vous allez devoir revenir devant le Congrès pour
obtenir une autorisation pour envahir l’Iran, Georges Bush a dit
« non » et les démocrates l’ont simplement retiré.
Au cours des sept années de la présidence de Bush, le
Congrès a été très occupé à se discréditer, et c’est une des choses que
je croyais qui changerait après que les démocrates aient repris le contrôle des
deux chambres du Congrès. Je croyais qu’ils seraient plus courageux et
plus agressifs dans leur opposition à Bush. C’est ce que
j’espérais, et nous avons vu que ce n’a pas été le cas.
(Article original anglais paru le 5 septembre 2007)