Lundi matin, lors d’une téléconférence
avec des investisseurs de Wall Street, des dirigeants de General Motors (GM) ont
fourni des détails sur les concessions importantes faites par l’UAW (United
Auto Workers union, le syndicat américain de l’automobile) contenues dans
le nouveau contrat de travail d’une durée de quatre ans signé le mois
dernier.
Durant plus de deux semaines, les dirigeants
de GM s’étaient refusés à tout commentaire sur l’accord tandis que
la direction de l’UAW faisait campagne pour la ratification de
l’accord sur la base de désinformation et de mensonges. L’accord a
été ratifié la semaine passée bien qu’un tiers des syndiqués qui avaient
voté se soient prononcés contre.
Rick Wagoner, le PDG de General Motors a fait
savoir aux investisseurs que l’accord « introduit des structures
salariales et de prestations accessoires » qui contribueront à combler le
fossé, en matière de coût, existant avec les usines sans syndicat dirigées par
Toyota et d’autres fabricants d’automobiles asiatiques et européens,
localisées dans le sud des Etats-Unis.
GM a dit que les coûts horaires de
main-d’œuvre passeront de 12,6 milliards de dollars en 2006 à 10,1
milliards de dollars cette année, soit une réduction de 45 pour cent de ce que
l’entreprise avait dépensé en 2003 lorsqu’elle avait négocié la
dernière fois le contrat avec l’UAW. Les coûts de main-d’œuvre
continueront à baisser de « façon significative » entre 2008 et 2011,
ont précisé des dirigeants de GM.
Des dirigeants de GM ont également fait savoir
aux investisseurs que les investissements promis par l’entreprise dans
des usines américaines, dispositions prétendument inattaquables de sécurité d’emploi
acclamées par l’UAW, étaient entièrement tributaires des conditions du
marché.
Fritz Henderson, vice-président et directeur
financier de General Motors, a dit qu’au cours des quatre prochaines années,
l’entreprise pourrait mettre 56 000 de ses travailleurs syndiqués à UAW,
soit 75 pour cent de l’effectif actuel, à la retraite. Une grande partie
de ces travailleurs plus âgés et mieux payés pourraient être remplacés par des travailleurs
soi-disant « secondaires » gagnant des salaires et des prestations
accessoires totalisant 25,65 dollars de l’heure, contre des coûts totaux
d’environ 78,21 dollars aujourd’hui.
La catégorie « secondaire » comprendra
à l’avenir plus de 16 000 travailleurs, dont les conducteurs de
chariot élévateur, les travailleurs en manutention et bien d’autres ne travaillant
pas à la chaîne de montage. De plus, le syndicat a autorisé l’entreprise à
recourir davantage aux travailleurs intérimaires et à externaliser des emplois,
tels le gardiennage.
Selon le Wall Street Journal, alors que
de nombreux travailleurs recrutés avec des salaires inférieurs seront en mesure
d’intégrer des emplois mieux payés sur les chaînes d’assemblage,
ils n’auront pas droit au plan retraite-entreprise ou aux prestations de
l’assurance maladie des ouvriers retraités. Au lieu de cela, ces
travailleurs recevront un plan d’épargne retraite 401 (K) pour lequel ils
cotisent et qui est soumis aux vicissitudes de la bourse.
Bloomberg News a rapporté que le contrat « modifie »
également le Jobs Bank Program qui paie les travailleurs licenciés
lorsqu’il n’y a pas d’emplois disponibles dans
l’entreprise. La protection sera limitée à deux ans et les salariés
perdront leur salaire et leurs prestations s’ils refusent d’être
assignés à un nouveau poste de travail, a déclaré l’agence de presse.
« Si le nouveau poste se trouve dans un périmètre de 80 kilomètres de leur
ancien travail, ils peuvent refuser une offre. S’il est encore plus
éloigné, ils peuvent refuser quatre offres d’emploi. Auparavant il
n’existait pour les travailleurs aucune limitation de temps pour les
paiements ni de pénalités en cas de refus d’un emploi, » a rapporté
Bloomberg.
Avec le nouvel accord, GM pourrait dépasser
ses attentes et surpasser son objectif actuel en réduisant les coûts
structurels à 25 pour cent des recettes totales, a dit Henderson lors de la téléconférence.
« A présent, nous devons examiner les sites un par un », dit-il en se
référant au projet de GM de se rendre dans chaque usine afin de déterminer le
nombre de personnes qu’il faudra licencier ou remplacer.
Les économies réalisées par GM en recourant
aux travailleurs intérimaires et aux travailleurs à temps plein et à bas
salaires, s’ajouteront aux économies évaluées entre 2,6 et 3,4 milliards
de dollars que l’entreprise compte faire d’ici 2011 du fait de
l’accord de l’UAW de faire passer les coûts de l’actuel
système de santé des retraités dans un fonds géré par le syndicat », a
écrit le Journal.
Le fonds, appelé VEBA (Voluntary Employees’
Beneficiary Association), réduira de 47 milliards de dollars les obligations
de soins de santé à la charge de GM envers ses anciens salariés et les membres
de leurs familles. GM restera toutefois responsable, du moins pour le moment, des
17 milliards de dollars supplémentaires dus aux employés salariés et aux travailleurs
rémunérés à l’heure et faisant partie d’autres syndicats.
L’UAW affirme dans les points forts de
son contrat que GM a accepté de verser 70 pour cent des plus de 50 milliards de
dollars qu’elle doit. Ceci, affirme le président de l’UAW, Ron Gettelfinger,
garantirait que le fonds demeure solvable, en garantissant les allocations des
retraités durant 80 ans.
Ceci aussi est un mensonge. En réalité,
l’entreprise s’est défait à moindre coût de ses obligations envers
les travailleurs alors que le gros du financement de VEBA provient des
travailleurs eux-mêmes.
L’entreprise ne participe qu’avec
2,5 milliards de dollars payés immédiatement et avec 5,6 milliards de dollars
supplémentaires promis durant les treize prochaines années. Un paiement initial
de quelque 16 milliards de dollars proviendra d’un fonds médical
existant. Un autre montant de 1,7 milliard de dollars sera détourné d’un
fonds de pension. 3,8 milliards de dollars supplémentaires viendront de
l’argent qui aurait été versé en salaire et en raison de
l’augmentation du coût de la vie aux travailleurs actuels, mais qui a été
détourné dans un VEBA plus petit, que GM et l’UAW ont mis en place en
2005.
De plus, en 2008, l’entreprise accordera
à l’UAW 4,4 milliards de dollars en obligations sur cinq ans convertibles
en actions GM six mois avant leur échéance ou lorsque l’action touchera
le niveau de 48 dollars. Sur la base de la capitalisation, l’UAW pourrait
contrôler 190 millions d’actions, soit quelque 16 pour cent des actions
de GM, a dit Henderson.
Ceci ferait du syndicat l’un des plus
gros actionnaires de GM, conférant ainsi à l’UAW une incitation
financière directe pour aider GM à faire des coupes claires dans les coûts de
main-d’œuvre et à encourager l’exploitation accrue des membres
de l’UAW dans l’usine.
Du fait du sous financement du fonds dès le
départ et de la possibilité que l’accroissement des coûts de santé rogne
les gains réalisés en bourse, il incombera à l’UAW de combler tout
déficit en réduisant les prestations de santé des retraités et en imposant à
l’avenir des cotisations plus importantes aux travailleurs de
l’automobile.
Selon Reuters, GM a dit que le financement de
VEBA par le fonds contrôlé par l’UAW réaliserait un taux de rendement
annuel de 9 pour cent, et que les coûts annuels de santé augmenteraient de 5
pour cent. Mais Pete Hastings de Morgan Keegan a dit à l’agence de presse
que ces suppositions seraient bien difficiles à concrétiser, laissant l’UAW
dans l’incapacité d’honorer les besoins de santé des assurés à l’avenir.
Le coût des soins médicaux a augmenté de quelque 10 pour cent aux Etats-Unis
ces dernières années.
GM a promis de verser jusqu’à 1,5
milliard de dollars pour un financement de sécurité de VEBA, mais a dit aux
investisseurs que le nouveau contrat retire cette question de l’ordre du
jour pour les négociations futures. « L’accord est permanent, »
a dit Henderson. Le nouveau contrat empêche l’UAW de négocier une
augmentation du financement de VEBA par GM ou de contribuer à tout autre
paiement pour les prestations santé des retraités.