La déclaration ci-dessous sera distribuée sous forme de
tract par les sympathisants du World Socialist Web Site lors de la
manifestation à Paris du 13 octobre et dans les rassemblements et assemblées
générales du 18 octobre contre les attaques sur les acquis sociaux du président
Sarkozy.
Le World Socialist Web Site apporte son soutien aux
travailleurs qui prennent part à la manifestation du 13 octobre et à la grève
du 18 octobre contre les énormes attaques sociales du président Nicolas
Sarkozy. Ce mouvement a un rôle essentiel à jouer, étant la première expression
organisée de l’opposition des travailleurs à la politique réactionnaire
du nouveau gouvernement.
Malgré l’aura passagère de popularité que les médias capitalistes
ont créée autour de Sarkozy, la promotion de l’inégalité sociale que
cette politique incarne a déjà été rejetée à plusieurs reprises par les
Français. Aucune des mesures actuellement annoncées — fin des régimes
spéciaux de retraite qui concernent 1,6 million d’employés du service
public, réforme du code du travail afin de faciliter l’embauche et le
licenciement, imposition dissuasive et pénalisation de la retraite anticipée,
pour n’en citer que quelques-unes — ne sont pas des nouveautés.
De similaires attaques sur les retraites, proposées par Alain
Juppé en 1995 et Jean-Pierre Raffarin et François Fillon en 2003 et le Contrat
première embauche (CPE) de Dominique de Villepin en 2006 avaient déclenché des
manifestations auxquelles avaient pris part des millions de personnes et avaient
été massivement soutenues par la population.
Néanmoins, avec Sarkozy, les travailleurs sont confrontés à un
adversaire politique d’un genre très différent, beaucoup plus à droite
que ses prédécesseurs. Il ne fait pas un secret de sa détermination à mettre en
place sa politique, malgré toute cette opposition, au nom de la
« rupture » d’avec l’ancien ordre social.
Pour ce faire, Sarkozy recrute dans son gouvernement des
représentants du Parti socialiste et collabore avec les dirigeants syndicaux
dans ses attaques contre la classe ouvrière, tout en courtisant en même temps
l’extrême-droite. Peu après avoir été élu, il a invité pour la première
fois au palais présidentiel de l’Elysée le dirigeant néofasciste du Front
national, Jean-Marie Le Pen. Son ministère de l’Immigration et de
l’identité nationale a commencé des rafles à grande échelle de milliers
d’immigrés et contraint à présent les étrangers qui souhaitent, par le
regroupement familial, rejoindre leur famille installée en France, à se
soumettre à des tests ADN, une mesure en violation des droits humains
fondamentaux.
Son intransigeance impitoyable pour le tout sécuritaire en politique
intérieure va de pair avec son chauvinisme et le militarisme de sa politique
étrangère.
Sarkozy s’est rangé derrière les pyromanes de
l’administration Bush dans leur course pour étendre la guerre au
Moyen-Orient. Il a déclaré dans son discours de politique étrangère du 28 août
que si les négociations sur le programme nucléaire iranien échouaient, les alternatives
seraient « la bombe iranienne ou le bombardement de l’Iran »,
qualifiant la première de « risque inacceptable. » Le 16
septembre, le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner a
confirmé que les forces armées françaises mettaient des plans au point en vue
d’attaques contre l’Iran et dit qu’« il est normal que
l’on fasse des plans ».
La bourgeoisie
française et la mondialisation
L’émergence d’un régime aussi droitier que celui
de Sarkozy ne peut s’expliquer simplement en disant qu’il est le
produit de bizarreries personnelles des politiciens au pouvoir. Ce régime est
la réponse collective de la bourgeoisie française face aux changements énormes
qui déstabilisent le capitalisme mondial — l’émergence des
puissantes industries à main-d'œuvre bon marché des pays en voie de
développement et la débâcle de l’impérialisme américain en Irak,
Afghanistan et plus largement au Moyen-Orient.
Dans les secteurs traditionnels, la France est en train de
perdre ses marchés face à ses rivaux européens, notamment l’Allemagne. Le
Conseil d’analyse économique (CAE) du gouvernement fait remarquer l’évolution
défavorable du coût des salaires en France (notamment par rapport à
l’Allemagne) et que « l'amélioration de la compétitivité en
Allemagne s'est accompagnée d'un rétablissement spectaculaire des marges des
entreprises » et d’une « ré-accélération des dépenses
d'investissement productif outre-Rhin ». En un mot, les attaques réussies
de la bourgeoisie allemande contre le niveau de vie des travailleurs allemands,
ces dernières années, la rendent plus compétitive.
En conséquence, la totalité des acquis sociaux conquis par la
classe ouvrière française — des programmes sociaux financés par un
système d’impôts progressifs, des soins médicaux abordables, des
augmentations de salaire, etc. — doivent être supprimés pour rétablir la
compétitivité de l’industrie française sur le marché mondial. Les
entreprises plus petites et moins efficaces doivent disparaître et être
remplacées par de grandes entreprises françaises en liens directs avec le
marché mondial du travail.
Cependant, au fur et à mesure que la bourgeoisie française se
tourne davantage vers le marché mondial, elle se trouve confrontée aux effets
géopolitiques de l’aventure ratée des Etats-Unis en Irak.
L’impérialisme français doute de pouvoir, sur le long terme,
s’assurer des conditions favorables de livraisons de produits en
provenance des pays émergeants, notamment de pétrole du Moyen-Orient.
Un éditorial du Figaro fait remarquer que le rapport de force
de l’industrie pétrolière « promet d’[être] de moins en moins
favorable » aux « démocraties comme la France ». La réaction de
Sarkozy face à de telles inquiétudes a consisté à appeler à un renforcement
militaire de l’Europe et à s’aligner à l’impérialisme
américain au Moyen-Orient.
Pour une nouvelle
direction politique de la classe ouvrière
Les questions de dépenses sociales, d’emplois et de
guerre n’étaient peut-être pas liées dans l’esprit de bien des gens
qui avaient fait grève contre les ministres de Chirac en 2003 et 2006.
Aujourd’hui la lutte contre les attaques de Sarkozy intègre ces questions
pour n’en faire qu’une. A la guerre et à la réorganisation de
l’économie sur la base du principe de profit — fermetures
d’usines, licenciements massifs, réductions des retraites, et le prix des
soins médicaux et d’éducation qui ne cessent d’augmenter — les
travailleurs doivent contrebalancer la solidarité internationale de la classe
ouvrière et une économie internationalement planifiée pour répondre aux besoins
sociaux de l’humanité.
Est-il seulement nécessaire de faire remarquer que nos
dirigeants actuels de la gauche française ne défendent pas une telle perspective.
Le Parti socialiste, principal parti de la gauche bourgeoise de ces 40
dernières années, voit à présent ses anciens principaux cadres, dont Dominique
Strauss-Kahn, Jack Lang et plus encore l’actuel ministre des Affaires
étrangères Bernard Kouchner, accepter de Sarkozy des postes officiels. Ils
offrent à Sarkozy une couverture politique idéale. En effet, quel autre
politicien, sinon un « socialiste » humanitaire de longue date comme
Kouchner, aurait réussi à éviter de causer l’écoeurement populaire à l’annonce
de projets de bain de sang au Moyen-Orient ?
Les dirigeants des principaux syndicats ont des réunions
régulières avec Sarkozy pour discuter des attaques sociales. Après l’une
de ces réunions, début septembre, avec le dirigeant de la CFDT François
Chérèque dans le très chic restaurant « Violon d’Ingres »,
Sarkozy a dit que Chérèque « comprend que la France a besoin d’un
puissant mouvement de réforme. »
En accord avec sa politique réformiste, la direction syndicale
considère la destruction des acquis sociaux de la classe ouvrière française
comme incontournable. Elle n’appelle à la grève que lorsqu’elle
sent qu’elle ne peut faire autrement et déclare ouvertement son accord
fondamental avec les objectifs de Sarkozy. Ainsi Jean-Christophe Le Duigou de la
CGT a indiqué qu’il était prêt à discuter de la réforme des régimes
spéciaux de retraite, mais uniquement « entreprise par entreprise, branche
par branche ». Le but est d’éviter une mobilisation collective des
travailleurs sur une plateforme politique basée sur une totale hostilité aux
plans de rigueur de Sarkozy.
En rapport avec cet objectif, et en accord avec leurs
précédentes trahisons des luttes de 1995, 2003 et 2006, les syndicats ont
attendu un mois avant d’organiser une grève, un mois après le discours-programme
de Sarkozy sur la baisse des retraites du 18 septembre. Le but, comme cela
avait été le cas en 2003 et 2006, est l’usure politique des travailleurs
avec une série de grèves très espacées et inefficaces. Entre deux grèves, la
législation régressive aura déjà été votée.
La faillite politique des partis et syndicats réformistes est
un phénomène international. Le développement de la production mondialisée sous
le capitalisme a détruit la base de la politique réformiste qui s’appuie
sur des accords nationaux entre les patrons et l’Etat. Les dirigeants
syndicaux sont ainsi transformés en instrument du patronat et de l’Etat
et sont devenus une couche sociale privilégiée complètement aliénée de la
classe ouvrière.
Tandis que les cheminots français luttent pour défendre leurs
retraites et leurs emplois menacés de privatisation, les conducteurs de trains
allemands font grève pour défendre leur niveau de vie face à des tentatives de
limitation de leur droit de grève par des injonctions du tribunal et le
sabotage de leur lutte par les principaux syndicats de cheminots.
Aux Etats-Unis, le syndicat de l’automobile UAW a mis
fin à une grève qui paralysait General Motors et négocié un accord qui réduit
de moitié le salaire des nouveaux embauchés, réduit de façon draconienne leur assurance
maladie et les droits de retraite et fait de la bureaucratie syndicale les administrateurs
des fonds de pension des travailleurs et un des plus importants acteurs de Wall
Street.
Il est nécessaire que les travailleurs tirent les leçons de la
faillite de ces organisations réformistes. L’arrivée au pouvoir de
Sarkozy après dix années de luttes sociales intenses n’a été rendue
possible que par les trahisons continues des partis socialiste et communiste et
des syndicats. Une rupture politique et organisationnelle d’avec ces
organisations est le préalable indispensable à une lutte victorieuse contre les
attaques de Sarkozy.
On ne peut absolument pas faire confiance à cette direction
actuelle et à ceux qui essaient de s’allier politiquement avec eux. Au
contraire, les grévistes doivent lutter pour que la grève s’étende le
plus possible, doivent organiser des comités de grève et des assemblées
générales, indépendantes des syndicats, sur leur lieu de travail et mener une
dénonciation politique intransigeante de la collaboration de ces bureaucraties
avec la politique antisociale de Sarkozy.
Afin de mener à bien une telle lutte, les travailleurs doivent
former leur propre parti politique indépendant, sur la base de
l’internationalisme socialiste pour coordonner leurs actions. En cette
période de spirale de guerres et de rigueur sociale, ils doivent s’allier
aux travailleurs d’Europe et du reste du monde et raviver la culture de
l’internationalisme socialiste et de la solidarité des travailleurs qui
sous-tendait les grandes luttes révolutionnaires des 19e et 20e
siècles. C’est pour cette perspective que se bat le Comité international
de la Quatrième Internationale (CIQI).
Le Comité international de la Quatrième Internationale a pour
objectif de bâtir une société qui place les besoins de la population au-dessus
des intérêts de profit des grandes entreprises. Nous reconnaissons que les
intérêts de la grande majorité de la population sont incompatibles avec un
système social basé sur la propriété privée des moyens de production et
l’Etat-nation et que la crise sociale ne peut pas être surmontée dans le
cadre des conditions capitalistes existantes. Aucun problème social ne peut
trouver de solution dans les limites du cadre national.
Cela veut dire qu’il faut construire des
sections du CIQI en France et dans toute l’Europe.