Le premier ministre Gordon Brown a ouvert la session
parlementaire, lundi, avec la promesse de réduire à 2 500 le nombre de
soldats britanniques en Irak, si la situation le permet. La remise de Basra entre
les mains des forces irakiennes, actuellement en cours, verra le nombre de
soldats passer à 4 000 et sera suivi d’une réduction supplémentaire
de 1 500 soldats.
Brown a promis que les Irakiens ayant collaboré avec
l’occupation britannique pourraient faire valoir leur droit à une aide
financière pour se réinstaller autre part dans la région ou en Grande-Bretagne
suivant des « conditions convenues » non spécifiées.
Son annonce est une preuve non pas de succès à Basra, mais
plutôt de l’importance de l’échec de l’armée britannique et
du degré d’inquiétude du Parti travailliste (Labour) à se distancer de
toute la débâcle irakienne.
Brown cherche désespérément à retirer l’Irak de
l’ordre du jour politique. C’est la question qui a causé le plus de
dégâts à la situation politique du Labour et il n’a pas réussi, à ce
jour, à ne faire porter la responsabilité que sur son prédécesseur, Tony Blair.
La visite à Basra, la semaine dernière, du premier ministre en prévision
d’une élection législative anticipée surprise s’est retournée
contre lui, et le voilà accusé d’opportunisme et de jouer sur le chiffre
des réductions du nombre de soldats.
Le gouvernement était tellement tendu que, d’après
certains reportages, la police a subi des pressions pour interdire qu’une
manifestation de la Coalition « Mettre fin à la guerre » ne défile
devant le parlement, se servant pour ce faire une loi datant du dix-neuvième
siècle et qui avait été utilisée pour la première fois contre les Chartistes.
Finalement, la police a reculé moins d’une heure avant le début de la
manifestation, rappelé des centaines de fourgons remplis de policiers
anti-émeute. Mais au moment où Brown faisait son annonce, plusieurs
arrestations de manifestants se produisaient devant Westminster.
Maintenir la présence actuelle à Basra ainsi qu’une base
au palais de Basra devenait intenable, étant donné l’importance de
l’insurrection confrontant une force qui avait déjà été diminuée pour
passer de 45 000 soldats à moins de 5 000. Même garder une plus
petite force à l’aéroport de Basra pose problème. Actuellement, la
Grande-Bretagne jouit d’une occasion du fait de la cessation des
hostilités entre les principaux groupes chiites, l’Armée du Mahdi et le
Conseil suprême de la révolutionislamique en Irak, et du fait de la
volonté de ces deux groupes et des insurgés sunnites d’accélérer le
retrait de la Grande-Bretagne en réfrénant leurs attaques. Mais cette situation
ne pourra pas durer indéfiniment.
Un commentaire critique de l’annonce de Brown par le
correspondant de guerre du quotidien conservateur Telegraph, Thomas Harding
dit, « Un officier m’a dit le mois dernier : "il y a un
potentiel de 20 000 insurgés armés à Basra et avec nous qui sommes
quelques milliers ici mélangés à quelques centaines de civils irakiens, qui
sait ce qu’ils pourraient faire ?" »
Le correspondant en affaires internationales de la BBC, Paul
Reynolds, a dit de l’arrêt des hostilités entre shiites rivaux à Basra et
de l’accalmie des attaques sunnites contre les forces
d’occupation : « Une autre interprétation est que les deux
groupes se préparent à une possible guerre civile, ou du moins à une
confrontation prolongée, avec formation de nouvelles alliances dans cette
perspective (alliances semblables à celle des sunnites avec les Etats-Unis contre
al-Qaïda.)
Ces faits signifient que les déclarations de Brown d’un
transfert ordonné ont été universellement rejetées par les médias, avec l’un
d’entre eux, le Herald, concluant qu’« il est
impossible de dissimuler l’impression que la politique irakienne de la
Grande-Bretagne est dans un état épouvantable. »
Le gouvernement a prétendu que ses réductions avaient été
convenues avec la Maison-Blanche et Washington a réagi à l’annonce de
Brown par de vagues remarques de soutien, déclarant que cela « est dans la
logique de plans précédemment annoncés par les Britanniques » et qu’« aller
dans la direction d’un statut de surveillance est l’issue souhaitée
pour toutes les forces de coalition en Irak ».
Néanmoins, des sources militaires britanniques ont déclaré que
l’inquiétude des Etats-Unis de voir la Grande-Bretagne perçue comme
« fuyant » avait retardé de cinq bons mois la mise en place de la
réduction du nombre de soldats. De plus, Washington ne peut éviter un certain
embarras politique devant le fait que la Grande-Bretagne soit délogée de Basra par
la force. Comme le fait correctement remarquer le Los Angeles Times, du
point de vue de l’Irak, « la "coalition des volontaires"
n’existe plus. Les uns après les autres, ses membres ont cédé le terrain
ensanglanté aux Irakiens en lutte et à l’inflexible président
américain… La Grande-Bretagne est notre allié proche, et donc sa décision
de partir est d’une grande importance. »
Militairement, tout le sud de l’Irak est dans le chaos. MSNBC
News rapporte que les représentants militaires américains
« s’inquiètent que la présence britannique réduite dans le sud de
l’Irak n’ouvre des brèches sécuritaires le long des routes à
destination et en provenance du Koweït. Les routes sont vitales pour les forces
américaines. Et tout ce que les Américains ne peuvent transporter hors du pays
par voie aérienne quand finalement ils partiront doit faire le voyage
potentiellement dangereux en direction du Koweït en passant par la province de
Basra.
« L’armée américaine s’inquiète aussi de la
sécurité des champs pétrolifères du sud et craint que l’absence
d’une importante force britannique ne décourage de futurs investisseurs considérés
comme essentiels pour moderniser l’infrastructure pétrolière délabrée de
l’Irak. La sécurité le long de la frontière iranienne, au cas où les
Britanniques partiraient, est une autre cause d’inquiétude », rapporte
Associated Press.
Les dernières mesures en date de Brown, ne signalent cependant
pas son intention de rompre avec les Etats-Unis, que ce soit politiquement ou
militairement. Washington est prêt à accepter que la Grande-Bretagne réduise
son implication militaire directe au sud de l’Irak parce que la
Grande-Bretagne a promis de maintenir sa « surveillance » des forces
irakiennes. L’intention d’utiliser les troupes irakiennes comme une
force mandatée est depuis longtemps un objectif partagé par Londres et
Washington. La conditioncontinuellement placée par Brown sur toute
réduction du nombre de troupes, à savoir qu’elle est convenue par les
commandements militaires et qu’elle dépend de certaines conditions, lui
donne la possibilité non seulement de mettre fin à d’autres réductions de
troupes mais aussi de renvoyer au Moyen-Orient celles qui ont déjà été
redéployées ailleurs.
Il est à noter que Brown a indiqué son soutien à toute action
militaire que Bush entreprendrait contre l’Iran et confirmé le rôle
important actuel joué par les troupes du Royaume-Uni en Afghanistan.
Dans son discours à la Chambre des communes, Brown n’a
pas manqué de lancer un appel à l’Iran et à la Syrie pour qu’ils
cessent leur soutien aux « terroristes et groupes armés » qui opèrent
en Irak. Lors d’une précédente conférence de presse, il avait dit
qu’il n’écartait aucune possibilité quand on l’avait
interrogé sur la probabilité d’une attaque militaire sur Téhéran.
Le nombre de soldats qui a, jusqu’à ce jour, été retiré
d’Irak est en fait moins élevé que le nombre de soldats envoyés en
Afghanistan où la Grande-Bretagne a annoncé une accélération importante de sa
campagne militaire. Brown a déclaré dans son discours, « Nous devons
soutenir les forces des Etats-Unis et de l’OTAN en Afghanistan. Nous
avons près de 8 000 soldats, près de 20 pour cent des forces armées, en
Afghanistan », chiffre plus important que celui cité précédemment par le
ministère de la Défense.
La Grande-Bretagne projette d’envoyer en
Afghanistan tous les trois bataillons réguliers du Régiment de parachutistes,
soit autour de 2 000 soldats, et des centaines de membres des forces spéciales.
Ce sera la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale que
l’ensemble du régiment de parachutistes est impliqué dans une unique
action militaire. On s’attend aussi à ce que jusque 1 400 soldats
écossais, dont le bataillon Black Watch et les Highlanders soient envoyés. Des
avions de guerre Eurofighter Typhoon, équipés de nouveaux missiles pour des attaques
terrestres, seront déployés pour la première fois aux côtés d’un nouvel
escadron d’hélicoptères Merlin.
(Article original anglais paru le 10 octobre
2007)