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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La chancelière allemande menace l’Iran et exige un siège au Conseil de sécurité de l’ONU

Par Peter Schwarz
9 octobre 2007

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Le gouvernement allemand est-il prêt à apporter son soutien à une agression américaine contre l’Iran en échange d’un siège au Conseil de sécurité de l’ONU ? Le premier discours de la chancelière allemande Angela Merkel devant l’assemblée des Nations Unies le porte à croire.

Dans ce discours prononcé le 25 septembre, Merkel a appuyé une revendication posée depuis longtemps par l’administration Bush pour des sanctions renforcées contre la République islamique et qui a aussi le soutien de la France depuis l’élection d’un nouveau président dans ce pays.

Merkel a exigé du gouvernement iranien qu’il apporte la preuve qu’il ne travaille pas au développement d’armes atomiques. Si Téhéran y manquait, a-t-elle dit,  elle appellerait à l’imposition de sanctions plus sévères. « Ne nous leurrons pas, si l’Iran venait à posséder des armes atomiques, cela aurait des conséquences désastreuses. »

Merkel a inversé l’obligation d’apporter des preuves, déclarant : « Le monde n’a pas à prouver à l’Iran qu’il construit une bombe atomique. C’est l’Iran qui doit convaincre le monde qu’il ne veut pas de la bombe ».

Alors que Washington refuse catégoriquement d’admettre toute preuve quelle qu’elle soit, même fournie par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui contredirait les accusations qu’il porte contre l’Iran, la déclaration de Merkel revient à donner un chèque en blanc à l’administration Bush.

Merkel a aussi pris fait et cause pour que l’Allemagne obtienne un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. « L’Allemagne est prête à assumer plus de responsabilité en acceptant un siège permanent au Conseil de sécurité » a-t-elle déclaré, puis elle a insisté sur le caractère urgent d’une telle mesure : « Il n’y a pas de temps à perdre devant les diverses crises dont il faut s’occuper ».  

Elle a insisté pour dire que la composition actuelle du Conseil de sécurité ne reflétait plus le monde d’aujourd’hui. « Il n’y a pas d’autre alternative que de l’adapter à la réalité politique », a-t-elle dit.

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier (SPD), a soutenu les efforts de Merkel. Il a dit à des journalistes qu’il avait l’intention de parler des ambitions allemandes « dans les couloirs » de l’ONU avec autant de pays membres que possible.

L’ancien ambassadeur allemand aux Nations-unies, Gunter Plüger, a lui aussi pris fait et cause pour que l’Allemagne ait un siège permanent au Conseil de sécurité dans une interview donné à la station de radio Bayerischer Rundfunk. Il a justifié cela par les interventions militaires en nombre croissant menées par des troupes allemandes à travers le monde. Il dit que la meilleure des décisions restait sans effet si elle n’était pas mise en pratique. « Cela signifie que les Etats peu nombreux qui ont les ressources nécessaires pour mettre à exécution une décision du Conseil de sécurité, doivent y entrer. Et l’Allemagne et le Japon en font sans aucun doute partie. » 

Depuis la réunification de l’Allemagne en 1990, le gouvernement fédéral a maintes fois exigé l’obtention d’un siège permanent dans le cercle exclusif des cinq puissances disposant d’un veto : les Etats-Unis, la Grande Bretagne, la France, la Russie et la Chine. Il avait intensifié ses efforts dans ce sens il y a deux ans lorsque le prédécesseur de Merkel, Gerhard Schröder, en accord avec les gouvernements du Japon, du Brésil et de l’Inde, avait entrepris une campagne internationale dans le but d’accroître le nombre des membres permanents du Conseil de sécurité pour y faire figurer l’Allemagne, les trois pays susnommés et deux pays africains.

Le plan avait échoué, les pays africains ne pouvant s’entendre sur qui serait candidat à ces sièges. Le Japon avait hésité et les Etats-Unis et la Chine avaient menacé de faire usage de leur veto. Aucun vote final n’ayant eu lieu au Conseil de sécurité sur la question, les Etats-Unis n’avaient pas eu à s’engager définitivement. Le gouvernement allemand n’avait pas, jusqu’à ces deniers jours, réitéré sa revendication.

De toute évidence, Merkel voit à présent une chance de parvenir au but désiré. Dans son discours à l’assemblée générale de l’ONU, le président américain Bush a indiqué qu’il n’était pas opposé à un plan de réforme mais n’a fait nommément état sous ce rapport que du Japon. Il a approuvé une entrée au Conseil de sécurité « du Japon et d’autres » en tant que membres permanents.

Selon un article paru dans le quotidien allemand Bild, Merkel fera le voyage du ranch texan de Bush en novembre afin de rencontrer celui-ci en privé et tentera de récolter le soutien du président américain pour l’obtention d’un siège permanent. Il n’est guère probable que Bush acquiesce sans exiger quelque chose en retour. Le prix d’un tel marché pourrait bien être alors l’approbation de la part de l’Allemagne de sanctions renforcées et d’une guerre contre l’Iran.

Changement de cap

Les menaces de Merkel vis-à-vis de l’Iran indiquent un changement de cap dans la politique étrangère de l’Allemagne. Jusqu'à présent Berlin avait oeuvré en faveur d’une approche commune du Conseil de sécurité vis-à-vis de l’Iran et avait cherché à éviter une rupture entre les Etats-Unis d’un côté et la Russie et la Chine de l’autre, permettant ainsi à l’Allemagne d’osciller entre les deux camps. Le gouvernement allemand avait aussi cherché à éviter une escalade à cause de ses étroites relations commerciales avec l’Iran. L’Allemagne est le plus important partenaire commercial de l’Iran.

Merkel n’est pas allée, à New York, aussi loin que le président français Sarkozy, qui a, lui, appelé à l’imposition par l’Union Européenne de sanctions contre l’Iran sans résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. Mais ses menaces et son agressivité vont dans le même sens.  

Sarkozy avait déjà parlé, il y a quelques semaines, d’« alternative » entre « la bombe iranienne et le bombardement de l’Iran ». Il a poursuivi ses propos menaçants dans son discours devant l’assemblée des Nations-unies. Il n’y aurait pas de paix dans le monde si la communauté internationale faisait « preuve de faiblesse face à la prolifération des armements nucléaires » a-t-il affirmé. L’Iran avait droit « à l’énergie nucléaire à des fins civiles », dit-il en ajoutant : « mais en laissant l'Iran se doter de l'arme nucléaire, nous ferions courir un risque inacceptable à la stabilité de la région et du monde ». Il a aussi prétendu que tous les experts du monde entier étaient d’accord pour dire que l’Iran travaillait à une arme nucléaire militaire.

Ce changement de cap dans la politique étrangère de Merkel est en partie du à l’offensive de Sarkozy. Jusqu’à il y a quelques années, Paris et Berlin avaient cherché à s’opposer aux Etats-Unis sur un pied d’égalité au moyen d’une politique étrangère européenne commune. Ce projet a cependant largement échoué. L’accroissement des tensions avec Washington eut pour effet, au lieu de rapprocher les deux pays, d’intensifier les conflits historiques entre eux.  

Les tensions à propos de la politique économique et de la politique étrangère se sont accumulées depuis l’entrée en fonction du gouvernement Sarkozy. La presse allemande est depuis pleine d’articles incisifs et sarcastiques sur le « français qui a la bougeotte».

Berlin a réagi avec indignation aux efforts de Sarkozy pour établir une suprématie française sur le trust de l’aérospatiale EADS, à sa campagne pour un monopole dominé par l’Etat dans le domaine de l’énergie et du nucléaire, à ses attaques contre l’indépendance de la Banque centrale européenne, ainsi qu’à ses initiatives unilatérales de politique étrangère au Darfour, en Libye, au Liban et en Irak.

Face aux tensions existant en Europe, Sarkozy a inauguré, à l’encontre de la politique étrangère gaulliste traditionnelle de la France, une politique plus étroitement liée à la politique étrangère américaine.

L’hebdomadaire allemand Die Zeit a conclu que Sarkozy « avait clairement fait connaître son ambition d’être un des grands acteurs sur la scène mondiale » et a cherché à expliquer ainsi son cours agressif vis-à-vis de l’Iran : « Sarkozy réalise qu’il n’est plus possible d’empêcher une escalade du conflit et il préfère surfer sur la vague »

Le gouvernement allemand suit le même cours. Au vu des tensions montantes avec la Russie, qui affirme ses propres intérêts avec une confiance croissante et avec la Chine (il y a peine une semaine la rencontre de Merkel avec le Dalai Lama avait entrainé un fort mécontentement côté chinois), Berlin a également décidé de serrer les rangs avec l’Amérique et de « surfer sur la vague ».

En 2003 déjà, Angela Merkel avait pris un cours différent de celui du chancelier d’alors, Gerhard Schröder. La critique publique de la guerre en Irak par celui-ci avait conduit à un refroidissement des relations avec les Etats-Unis. Après son entrée en fonction en 2005, Merkel a cherché à établir des liens plus étroits avec l’administration Bush.

Cette fois-ci elle va bien plus loin. Ses menaces agressives vis-à-vis de l’Iran servent à renforcer les préparatifs de Washington pour une attaque contre l’Iran. Bon nombre d’articles de journaux ont déjà attiré l’attention sur l’état avancé des préparatifs en vue d’un assaut militaire avant la fin du deuxième mandat de Bush, visant à détruire les centrales nucléaires, les installations militaires et l’infrastructure civile iraniennes.  

L’affirmation, répandue avant tout par Sarkozy, que des sanctions accrues empêcheraient une guerre en forçant Téhéran à des concessions, n’est pas crédible. L’expérience de l’Irak suffit à le montrer. Dans le cas de l’Irak on se servit des sanctions imposées par les Nations unies à des fins de propagande pour la guerre ; les sanctions eurent aussi pour rôle d’affaiblir l’Irak avant l’attaque déclenchée par les Etats-Unis. En tout état de cause, les préparatifs actuels des Etats-Unis pour une guerre contre l’Iran n’ont pas grand-chose à voir avec le programme nucléaire de celui-ci et beaucoup à voir avec ses vastes réserves pétrolifères et sa situation stratégique dans une région contenant les réserves énergétiques les plus importantes du monde.

Il est significatif que Merkel ait accompagné son rapprochement du cours de Bush vis-à-vis de l’Iran de l’exigence d’un siège permanent pour l’Allemagne au Conseil de sécurité. Derrière la formule maintes fois répétée que l’Allemagne est prête à prendre « plus de responsabilité », il y a le fait que  l’élite du pays s’efforce une fois de plus de faire une politique de grande puissance impérialiste et de l’étayer avec des moyens militaires.  

A la suite des défaites qu’elle a subies dans deux guerres mondiales, qui étaient principalement sa responsabilité, la classe dirigeante allemande a dû, pendant des décennies, se contenter de jouer un rôle modeste dans la politique mondiale. Elle espère à présent qu’un siège permanent au Conseil de sécurité lui aidera à obtenir une place dans le club réservé des grandes puissances impérialistes. Le fait que, pour favoriser ce but, le gouvernement allemand soit prêt à soutenir ou à accepter une guerre menaçant la vie de millions d’Iraniens, montre le caractère criminel des ambitions de l’impérialisme allemand.


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