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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Elections législatives polonaises : un revers net pour les jumeaux Kaczynski

Par Marius Heuer
17 novembre 2007

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Le 21 octobre dernier, les Polonais ont clairement exprimé un vote sanction contre le gouvernement de droite de Jaroslav Kaczynski lors des élections législatives. Le PiS, le parti de Kaczynski, (Droit et Justice) a remporté 32,2 pour cent des suffrages, soit une augmentation de 5,2 pour cent par rapport aux législatives de 2005. Mais ses deux alliés de coalition, le parti droitier populiste, Samoobrona (Parti paysan), avec 1,5 pour cent des suffrages ainsi que le LPR (Ligue des familles polonaises) avec 1,3 pour cent des suffrages n’ont pas réuni assez de suffrages pour retourner à la Diète (le parlement polonais). Le camp gouvernemental a perdu au total 11,4 pour cent des suffrages par rapport à 2005.

La Plateforme libérale (PO), en particulier, a pu profiter de la forte baisse du soutien aux partis au pouvoir. Le PO a recueilli au total 41,4 pour cent des suffrages, une augmentation de 17,3 pour cent par rapport à 2005. Le LiD, (Gauche et Démocrate) a augmenté son score de 1,9 pour cent pour remporter 13,2 pour cent des suffrages. En 2005, le parti le plus important de l’alliance nouvellement formée, le SLD (Alliance de la gauche démocrate), successeur de POUP ( le Parti communiste polonais) a essuyé une défaite cuisante. Le PSL (Parti populaire polonais), basé dans les zones rurales, le seul parti présent dans tous les gouvernements polonais de l’après-communisme a augmenté de 1,9 pour cent pour remporter 8,9 pour cent des suffrages.

La participation de 55 pour cent a été la plus élevée depuis 1991. En particulier, des jeunes et des travailleurs se sont servis de ces élections pour se débarrasser d’un gouvernement largement détesté. Le PiS, a enregistré ses pires résultats chez les jeunes Polonais et dans les grandes villes. Le week-end du vote, les jeunes Polonais ont envoyé une avalanche de messages SMS demandant simplement « Il faut priver Mamie de son passeport », un message codé visant à empêcher la réélection des Kaczynski.

Le PO a annoncé qu’il était prêt à former une coalition avec le PSL, qui a fait partie de presque toutes les coalitions au pouvoir depuis 1989, mais qui a tout aussi souvent quitté le pouvoir de gré ou de force. En outre, ni le PO ni le PSL ne disposent d’une majorité de 60 pour cent leur permettant de passer outre le veto du président Lech Kaczynski, frère jumeau de Jaroslav Kaczynski. Lech Kaczynski a été élu en 2005, lors d’un vote séparé. Pour cette raison, le PO serait soit obligé de s’allier avec le PiS, une éventualité qui avait été ouvertement évoquée avant les élections, ou serait obligé de s’unir avec les anciens staliniens du LiD pour mettre le président en minorité.

La campagne agressive du PiS

Les résultats clairs de l’élection sont significatifs quand on considère la campagne électorale agressive menée par le PiS qui a très peu à voir avec des pratiques démocratiques établies. Au tout début de la campagne, le gouvernement a utilisé la police, les services secrets et la presse contre ses concurrents.

En juillet dernier, le premier ministre Kaczinski avait organisé un coup monté avec l’organisme qu’il avait créé, le CBA (Centralne Biuro Antykorupcyne – Bureau central anticorruption) pour se débarrasser de son vice-premier ministre, le secrétaire à l’Agriculture, Andrzej Lepper, en même temps que de Samoobrona et que du LPR. Il a ensuite annoncé de nouvelles élections et il a formé un cabinet de minorité avec des loyalistes de la majorité, qui se sont occupés des affaires courantes de l’Etat pendant la campagne électorale.

Le CBA est un organisme disposant de larges pouvoirs de police et de renseignements et relevant directement du ministre de la Justice. Le CBA a le pouvoir de collecter des données, sur tous les citoyens polonais des services officiels, des compagnies de téléphone et d’assurance et les informations recueillies sont gardées pour une durée indéterminée. Le CBA a également eu recours à des opérations de surveillance étendues par exemple des perquisitions brutales de domiciles.

Suite au sentiment de malaise causé par le licenciement de Lepper au sein de son propre parti, Kaczynski a renvoyé brusquement le directeur du CBA, Zbigniew Rau ainsi que le ministre de l’Intérieur, Januzz Kaczmarek. Tous deux étaient accusés d’essayer d’empêcher l’opération de surveillance contre Lepper. Le CBA a immédiatement reçu l’ordre d’effectuer une perquisition chez Kaczmarek et d’arrêter ce dernier. Les images de l’arrestation ont été filmées et montrées à la télévision. Peu de temps après, le ministre de l’Intérieur a été libéré faute de preuves.

Au cours de la campagne, Kaczynski s’est acharné contre le PO. Juste avant le jour du scrutin, les chaînes publiques polonaises de télévision, TVP 1 et 2 ont diffusé à une heure de grande écoute une conférence de presse du CBA dans laquelle on voyait l’ancienne députée du PO accepter un pot de vin. Une nouvelle fois, cette « affaire de corruption » avait été montée de toutes pièces par le CBA. Il apparaît que le PiS avait travaillé en étroite collaboration avec le CBA pour déclencher un scandale de corruption qui aurait pu être révélé au grand jour juste avant l’élection.

L’étroite collaboration entre la télévision nationale et le gouvernement a été scellée par une des premières initiatives officielles du gouvernement PiS : une modification de la loi sur l’audio-visuel qui donnait au gouvernement un contrôle étendu de la presse. Le président du TVP est un ami proche des frères Kaczynski et il a organisé une campagne de presse, présentée comme une « combat contre la corruption ».

Sur la base de l’union malsaine entre la presse et l’Etat, il est fort possible que les nombreux sondages d’opinion réalisés récemment et indiquant toujours un soutien majoritaire des électeurs pour le PiS aient été en vérité manipulés par le gouvernement.

Cependant, l’usage de l’appareil d’Etat contre toute opposition n’a pas suffi à protéger le gouvernement en place contre un vaste sentiment de rejet. La tentative du gouvernement d’utiliser la religion en même temps qu’un nationalisme exacerbé grâce à une coalition avec l’extrême droite pour imposer des formes autoritaires de gouvernement a été vouée à l’échec et a amené un rejet du PiS dans les urnes.

Depuis toujours, la base électorale du PiS est très limitée. En 2005, lors de la victoire électorale du PiS, seulement un électeur sur dix avait voté pour ce parti. Mais, grâce à un taux d’abstention très élevé, ceci avait été suffisant pour que le PiS puisse former une majorité de droite à la Diète. Nombre d’électeurs étaient très mécontents de la politique corrompue et néo-libérale du SLD (l’ancien parti post stalinien) et s’en était éloignés, faute de solution alternative. Depuis 1989, aucun gouvernement en place n’a été réélu en Pologne.

L’électorat  du PiS se rencontre surtout dans les zones rurales reculées de l’est de la Pologne et au sein d’une catégorie de nouveaux riches dont l’ascension sociale avait été contrariée par l’ancien régime stalinien. En dépit de leur démagogie sociale lors de la campagne électorale de 2005, les frères Kacynski n’ont pas été en mesure de tenir la moindre de leurs promesses. Au lieu de cela, le gouvernement a suivi une politique budgétaire identique à celle de ses prédécesseurs, en se contentant d’opérer quelques changements superficiels.

A la crise gouvernementale qui a amené les dernières élections vient s’ajouter une grève de plusieurs semaines des médecins et des infirmières qui a duré plusieurs semaines. Cette grève a été soutenue par la majorité des Polonais. De leur côté, les cheminots et les mineurs ont annoncé leur intention de se mettre en grève. Alors que les grandes entreprises annoncent une augmentation énorme de leurs bénéfices (leur bénéfice a, en moyenne, augmenté de 30 pour cent au cours des deux dernières années), les travailleurs réclament un salaire suffisant pour pouvoir nourrir leur famille. A Kielce, le gouvernement local a même utilisé les services d’une entreprise privée pour expulser de leur dépôt les conducteurs de bus grévistes parce qu’il n’était pas possible de compter sur la police locale.

Dimanche dernier, les électeurs ont rejeté sans équivoque le gouvernement et sa politique dans un contexte où les frères Kaczynski ne pouvaient plus dissimuler des tensions sociales sous un discours nationaliste et religieux.

Le nouveau gouvernement

Avant toute chose, la victoire électorale du PO, est due à un rejet des frères Kaczynski. A l’instar des autres partis d’opposition, le PO n’a pas mené une campagne électorale particulièrement énergique. Après l’éviction de Samoobrona et de la LPR, l’opposition aurait à tout moment pu mettre le gouvernement de Kaczynski en minorité au moyen d’une motion de censure, mais ils s’en sont bien gardés.

Il a fallu attendre la semaine avant les élections pour que le candidat tête de liste du PO, Donald Tusk, ne cherche à accorder ses violons avec la population et qu’il n’affiche clairement son opposition au premier ministre Kaczynski lors d’un débat télévisé. Auparavant, le PO s’était contenté d’insister sur la nécessité d’une transformation néo-libérale de l’économie polonaise, en s’associant éventuellement avec le PiS.

On peut expliquer cette timidité par le programme social du PO. Tout comme le PiS, ce parti représente les intérêts de la petite couche riche du pays, qui sont diamétralement opposés aux intérêts des Polonais en général. A l’instar de Kaczynski, Tusk craint beaucoup plus d’une mobilisation contre la politique économique de cette élite qu’une défaite électorale. 

La principale revendication du PO a été la mise en place d’un taux forfaitaire d’imposition de 15 pour cent (ce qui signifie une redistribution considérable de la richesse sociale en faveur des riches ou des très riches). Même le weekend des élections, Tusk a saisi l’occasion de réduire encore plus le budget social qui était déjà minuscule.

Si en Europe occidentale, Tusk a bien été reçu dans les milieux politiques et dans la presse grâce à ses positions pro-européennes, ceci est bien plus dû à ses objectifs économiques qu’à une quelconque rupture avec un nationalisme polonais grossier. Tusk veut faire de la Pologne un paradis pour les investisseurs étrangers. Son objectif affiché est l’introduction rapide de l’euro en Pologne. Pour ce faire, il est indispensable de réduire la dette nationale annuelle à moins de 3 pour cent du PNB. Cet objectif ne peut être atteint qu’au moyen de coups brutaux contre les acquis sociaux de la classe ouvrière.

En fait, le PO n’est que peu différent du PiS et avant les dernières élections en 2005, une coalition  PO/PiS semblait imminente. Après les dernières élections, Tusk a insisté sur la continuité entre la politique de son parti et celle de ses prédécesseurs, encore une fois, une coalition de son parti avec le PiS est tout à fait probable. Le PO et le PiS  sont tous les deux issus de l’AWS (Alliance électorale Solidarité de la droite) suite au discrédit du PiS après 4 années au pouvoir sous la direction du premier ministre Jerzy Buzek (1997-2001). Le gouvernement Buzek avait réduit les retraites, démantelé la sécurité sociale et imposé de larges privatisations. A cette époque, Tusk et Kaczynski siégeaient côte à côte sur les bancs du gouvernement.

Le PO n’a nullement l’intention d’abroger les lois antidémocratiques instaurées par le PiS. Lors des élections présidentielles de 2005, Lech Kaczynski, tout comme Tusk, se sont présentés comme les héritiers du dictateur polonais et soutien d’Hitler, Jozef Pilsudski. En 1992, Tusk a écrit dans le journal Trybuna que s’il cela s’avérait nécessaire, toute résistance des Polonais à la politique de libre marché devrait être combattu par la matraque ou la carabine.

De même, le PO ne souhaite pas dissoudre le CBA ni d’abroger les lois sur l’audiovisuel des frères Kaczynski. Il voit en les lois instaurées par le PiS un préliminaire nécessaire à la mise en place de sa politique néo-libérale. A cet égard, il existe une sorte de répartition entre le rôle du nouveau gouvernement et le rôle de l’ancien gouvernement. Alors que le gouvernement renforce l’appareil d’Etat avec le soutien des milieux conservateurs, Tusk et le PO sont occupés à utiliser de tels pouvoirs pour servir l’élite. 

Il est très difficile de réaliser à quel point l’élection du PO est liée à des illusions de la part de la classe ouvrière quant à l’amélioration de leur niveau de vie. La majorité des électeurs ont soutenu le PO parce qu’était le meilleur moyen de se débarrasser des Kaczynski. De toute façon, la victoire électorale du PO présage d’une intensification de la lutte des classes en Pologne. De futures confrontations avec les mineurs, avec les cheminots et avec les professionnels de santé se profilent déjà à l’horizon.

(Article original anglais paru le 24 octobre 2007)


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