Mardi, le président américain George Bush a opposé son veto
à une enveloppe budgétaire de 124 milliards $ de financement pour l’occupation
américaine en Irak et en Afghanistan, s’opposant aux dispositions du
projet de loi qui appelaient à un retrait partiel des troupes américaines en
Irak.
Des dirigeants du Parti démocrate ont déjà commencé à faire
circuler des ébauches d’un projet de loi qui financerait totalement la
guerre en Irak, sans les restrictions auxquelles s’oppose la
Maison-Blanche.
Dans une déclaration après qu’il eut opposé son veto,
Bush a exprimé son mépris pour les opinions de la population américaine qui s’oppose
à la guerre en Irak. Il a déclaré que la loi « substituait l’opinion
des politiciens au jugement des commandants militaires ». Cette
déclaration, qui est devenu un important sujet de discussion pour les officiels
de l’administration, équivaut à soutenir que les élections américaines,
lors desquelles le peuple des Etats-Unis a exprimé son opposition à la guerre,
n’auront aucun impact sur les politiques de guerre.
Au mépris de la volonté du peuple
américain, l’escalade de la guerre, des dizaines de milliers de soldats
supplémentaires ayant été déployés en Irak, continuera. Bush a déclaré
qu’il faudra attendre à la fin de l’été pour évaluer les
conséquences de l’augmentation du nombre des soldats. En d’autres
termes, ces troupes additionnelles demeureront en Irak au moins jusqu’à
cette date et probablement plus longtemps.
Pour justifier l’occupation continue
de l’Irak, Bush a de nouveau soulevé le spectre du 11-Septembre,
affirmant que la plus grande partie de la violence récente en Irak était
provoquée par al-Qaïda. C’est un ennemi, « tous sont d’accord,
qu’il nous faut combattre », a-t-il dit, ajoutant que si l’on
mettait fin à la guerre en Irak, alors les forces d’al-Qaïda en Irak réaliseraient
une autre attaque aux Etats-Unis.
Alors que le veto de Bush nie de façon
flagrante la position exprimée démocratiquement par le peuple américain, la loi
des démocrates qu’il a rejetée n’avait rien à voir avec une opposition
à la guerre. Si elle devait être votée, alors des troupes américaines seraient
maintenues en Irak pour une durée indéfinie.
Au cours de ses remarques, Bush a aussi
indiqué qu’il comprenait que les démocrates n’avaient pas
l’intention de mettre fin à l’occupation de l’Irak. Les
démocrates « ont envoyé leur message et maintenant, il est temps de mettre
la politique derrière nous » et de voter une loi sans échéancier. En
d’autres termes, les démocrates ont besoin de mettre au rancart leur
posture d’opposants à la guerre. « Ici à Washington, nous avons nos désaccords
sur la façon d’aller de l’avant en Irak, a déclaré Bush, et nous en
débattrons publiquement… mais nous pouvons certainement nous mettre d’accord
sur le fait qu’il faille que les troupes obtiennent ce
financement. »
En fait, les démocrates et les républicains
sont d’accord sur ce point. Le veto de Bush a suivi une cérémonie
organisée par les dirigeants du Parti démocrate avant d’envoyer la loi à
la Maison-Blanche. Dans ses remarques, le speaker de la Chambre Nancy Pelosi et
le leader de la majorité au Sénat, Harry Reid, ont encore une fois répété leur
engagement fondamental à la guerre en Irak et à la stratégie américaine au
Moyen-Orient.
Pelosi a louangé la loi pour « son
engagement puissant à soutenir nos troupes ». Reid a réitéré sa
déclaration qu’il fallait « un changement de cap en Irak », ne
laissant pas de doute sur le fait que ce qu’il veut, c’est une
stratégie différente de domination américaine sur ce pays, pas le retrait des
troupes américaines. « Un veto signifie le refus de fournir aux troupes
les ressources et la stratégie dont elles ont besoin », a-t-il déclaré.
Reid a affirmé que la loi « soutient
que ce sont les Irakiens qui doivent trouver les solutions politiques » et
« redéploie nos troupes hors d’une guerre civile insoluble ».
Ces affirmations faisaient référence à la position de plusieurs démocrates
selon lesquels les soldats américains devraient jouer un rôle moins actif dans
les centres urbains et retraiter vers des bases militaires où ils peuvent
défendre des intérêts américains clé, y compris le pétrole, tout en intervenant
militairement lorsque nécessaire pour écraser la résistance.
La référence de Reid disant qu’il
faut « tenir les Irakiens responsables » est devenue un thème pour les
démocrates qui ont cherché à faire porter la responsabilité de la situation en
Irak sur le gouvernement irakien plutôt que sur l’occupation américaine.
Ils veulent ainsi que l’administration Bush intensifie la pression sur le
gouvernement de Nouri al-Maliki pour qu’il fasse arrêter les opposants à
l’occupation américaine et qu’il vote des lois favorables aux
sociétés américaines.
Dans leurs brefs commentaires, tant Reid que Pelosi ont
souligné leur dévouement à « la guerre contre le terrorisme » afin de
justifier les actions militaires américaines au Moyen-Orient et en Asie Centrale.
Reid a affirmé que si la loi était adoptée, les deux partis « allaient
pouvoir rediriger toute leur attention sur la lutte contre la terreur ». Pelosi
a même qualifié le projet de loi de « complément à la guerre contre le
terrorisme mondiale ».
Ces déclarations reflètent les préoccupations de certaines sections
de l’élite dirigeante qui craignent que la crise de l’occupation
américaine en Irak ne soit en train de miner la capacité de l’armée
américaine à intervenir ailleurs. Les démocrates ont critiqué la stratégie de
l’administration Bush en Irak pour avoir confiné les troupes américaines
en Irak, rendant plus difficiles les efforts visant à menacer l’Iran, la
Corée du Nord et d’autres pays.
Néanmoins, tant Reid que Pelosi ont tenté de présenter la loi pour
le financement de la guerre comme étant la réalisation du désir exprimé par le
peuple américain lors des élections de novembre. Pelosi a prétendu que la loi,
qui établit des restrictions non contraignantes sur l’administration Bush
et laissera des dizaines de milliers de soldats en Irak, « respecte les désirs
du peuple américain qui souhaite voir cette guerre se terminer ».
Après le veto de Bush, Pelosi a lu une déclaration dans
laquelle elle a même cherché à minimiser la question de l’échéance pour
le retrait des troupes, déclarant que le peuple américain avait voté pour des « points
de référence, des directives, des normes ».
En fait, ce que désir le peuple américain dans sa grande
majorité, c’est la fin de la guerre, une position que ni les démocrates, ni
les républicains appuient.
Tout ce processus s’apparente à une véritable mise en
scène. Avant que le projet de loi ne passe au Congrès, il était déjà clair
qu’un veto serait imposé et que les démocrates allaient fournir à
l’administration Bush le financement nécessaire sans aucune restriction.
La mascarade des derniers jours était une tentative menée par les démocrates de
se présenter comme une force d’opposition, même si une entente permettant
la poursuite de l’occupation en Irak est conclue.
Un article publié dans le numéro de mardi du Washington
Times a rapporté que Reid courtisait les sénateurs républicains en vue
d’obtenir leur appui en faveur d’un nouveau projet de loi que Bush
serait prêt à signer. « Des proches bien en vue des démocrates disent que
même si la présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi,
n’est pas en pourparlers avec les Républicains à propos d’un accord
suite au veto », a rapporté le journal, « elle admet en privé
qu’en fin de compte “l’argent ira aux troupes sans échéancier”. »
Les démocrates de la Chambre des représentants vont faire
un spectacle et se dire déterminés à surmonter le veto, mais ils n’ont
pas assez de voix pour le faire. Après un tel échec dans la Chambre basse, il
ne faut pas s’attendre à ce que le sénat fasse même un effort pour
surmonter le veto.
Mercredi après-midi, Bush doit rencontrer les chefs
parlementaires des deux partis, y compris Reid et Pelosi, afin de trouver un
terrain d’entente sur la résolution de financement de la guerre. Bush a
indiqué lundi qu’il avait bon espoir d’en arriver à une entente.
« Je crois qu’il y a beaucoup de démocrates qui comprennent que nous
devons faire parvenir l’argent aux troupes aussi vite que
possible », a-t-il dit, « je suis donc optimiste qu’on peut
arriver à quelque chose de positif. »
Un compromis verrait probablement le retrait de toute référence
à une date butoir, tout en laissant en place des « conditions »
contraignantes pour le gouvernement irakien. Ces conditions sont les mêmes que
celles proposées plus tôt par Bush. La plus importante d’entre elles pour
l’élite dirigeante américaine est l’adoption d’une loi qui
ouvrirait les ressources pétrolières du pays aux compagnies pétrolières
internationales.