Le SEP (Parti de l’égalité socialiste) et l’ISSE (internationale
étudiante pour l’égalité socialiste) ont diffusé la déclaration suivante
en anglais, en tamoul et en cingalais sur les campus des universités de Colombo.
Des dizaines de milliers de membres du personnel universitaire sont toujours
en lutte contre les mesures punitives prises à leur égard par le gouvernement
de l’UFPA (United People Freedom Alliance) et les autorités
universitaires. Ils demandent le retrait de la retenue de salaire imposée à
ceux qui ont fait grève et la réinsertion des travailleurs faisant
l’objet d’une mesure de suspension à l’université de Colombo.
Les membres du personnel non enseignant de l’ensemble des quinze universités
du pays ont observé un arrêt de travail d’une journée le 4 juin afin de
lutter pour ces revendications. Des milliers de personnes ont participé à un
piquet devant les bureaux de l’UGC (University Grant Commission),
l’autorité administrative responsable des universités. Le personnel de
l’université de Colombo a continué ses arrêts de travail et les
dirigeants syndicaux ont promis, pour tenter de contenir une vague de colère,
d’appeler à une grève illimitée à partir du 11 juin. Vendredi dernier
toutefois, les syndicats ont arrêté toute action de grève, y compris à l’université
de Colombo, promettant seulement l’organisation à l’avenir
d’une campagne prolongée de protestations.
Le SEP lance un appel à tous les travailleurs pour qu’ils soutiennent
le personnel universitaire que leurs syndicats sont en train de trahir. Ce qui
est en jeu ici, c’est la défense de droits démocratiques élémentaires, y
compris le droit de grève, ainsi que la défense des emplois, de l’éducation
publique et des conditions de vie. L’attaque menée contre le personnel
des universités fait intégralement partie des efforts du gouvernement pour faire
porter à la classe ouvrière la charge de sa nouvelle guerre communautariste
contre le LTTE (Tigres de libération tamouls).
Le 24 avril, le personnel des universités avait entamé une grève illimitée dans
l’ensemble du pays pour revendiquer la correction des anomalies de
salaires, l’obtention d’une augmentation de salaire annoncée dans
le budget de 2006 et le versement d’allocations impayées dans le cadre du
MCA (Monthly Compensation Allowance). Le collectif interuniversitaire (IUTUJC)
a arrêté la grève le 7 mai, après avoir accepté de la part du gouvernement une
offre de versement d’une toute petite partie des salaires impayés.
Dès que la grève fut finie, l’UGC est passée à l’offensive,
exigeant que les travailleurs, soit perdent une partie de leur salaire, soit
renoncent à des jours de congé en remplacement des jours de grève. A la suite
d’un arrêt de travail du personnel de l’université de Colombo pour
protester contre les sanctions et les retards sans précédent dans le paiement
des salaires mensuels, neuf membres des syndicats ont été suspendus, le 28 mai.
Les autorités universitaires ont muté de force huit membres du personnel du
campus de Horana Shri Pali et on averti que des retenues de salaire seraient imposées
pour toute grève ultérieure.
Les dirigeants syndicaux ont essayé de faire porter la responsabilité de ces
mesures punitives à des administrateurs indignes de l’université mais
c’est avant tout le gouvernement de l’UPFA qui en est responsable. Ayant
obtenu le pouvoir de justesse en novembre 2005, le président Mahinda Rajapakse
a réagi à l’agitation provoquée par la baisse du niveau de vie en
attisant le chauvinisme anti-tamoul pour diviser la classe ouvrière et en
plongeant à nouveau le Sri lanka dans la guerre civile. A présent, au nom de la
« sécurité nationale » son gouvernement fait fi des droits démocratiques
les plus élémentaires et accuse tous ceux qui ne sont pas d’accord avec
sa politique d’être des traîtres.
Lors d’un meeting avec les dirigeants syndicaux à sa résidence
officielle le 25 mai Rajapakse a dit sans détour que le gouvernement ne pouvait
pas se permettre des hausses de salaires à cause de la guerre contre le LTTE. Il
a accusé ceux qui critiquaient le gouvernement de « faire le sale boulot
de Prabhakaran [le dirigeant du LTTE] ». Aucun des bureaucrates syndicaux présent
ne s’est opposé au président parce que, d’une façon ou d’une
autre, ils soutiennent la guerre communautariste de son gouvernement.
On force les travailleurs, cingalais, tamouls et musulmans, à payer le prix de
ce conflit inepte et criminel. Des centaines de gens ont été tués, plus encore
ont « disparu » et des dizaines de milliers ont été chassés de leurs
foyers dans les 18 derniers mois. Le gouvernement a augmenté de façon
spectaculaire les dépenses de guerre : 25 pour cent l’année dernière
et il propose une nouvelle augmentation de 45 pour cent pour l’année en
cours. On prévoit que le budget militaire atteindra 139 milliards de roupies
(13 milliards de dollars) en 2007, ce qui représente 30,3 pour cent de la dépense
publique.
Afin de payer cette guerre, Rajapakse a opéré des coupes sombres dans les
services publics tout en continuant de se conformer aux exigences de
privatisations et de réformes de marché du FMI (Fonds monétaire international)
et de la Banque mondiale. L’éducation publique à tous les niveaux, y
compris les universités, la Santé et les prestations sociales en ont souffert.
La hausse des dépenses militaires a accéléré l’inflation. La hausse des
prix des biens élémentaires a fait baisser les salaires réels.
Le gouvernement a réagi aux grèves et aux protestations en ayant de plus en
plus recours, dans le cadre de l’état d’urgence permanent, à ses
pouvoirs répressifs. En décembre dernier, à la suite de la grève menée par un demi-million
de travailleurs des plantations, Rajapakse a imposé à nouveau le PTA (Prevention
of Terrorism Act) et fait de toute perturbation des services essentiels un
« acte de terrorisme ». Son gouvernement a traité les travailleurs
des ports, ceux des plantations et à présent le personnel des universités, de
traîtres et on les traite en conséquence.
Aucune partie de la classe ouvrière ne peut mener une lutte pour les salaires,
les conditions de travail et les droits démocratiques en dehors d’un
programme d’opposition à la guerre, au gouvernement qui la mène et au système
de profit qui en est responsable. Une perspective socialiste pour mobiliser les
travailleurs indépendamment de toutes les factions de l’élite dirigeante
est la condition essentielle d’une défense des droits mêmes les plus élémentaires
de la classe ouvrière. Les directions syndicales sont organiquement incapables
de mener une telle lutte.
L’alliance syndicale universitaire est un exemple type. L’IUTUJC
est composée du SLFEJF (Freedom Employees Joint Forum) affilié au SLFP (Sri
Lanka Freedom Party) le parti de Rajapakse, l’IUSTU (Inter University
Services Trade Union) est contrôlée par le JVP (Janatha Vimukthi Peramuna) qui
est pour la guerre et de plusieurs syndicats « indépendants » qui
sont surtout connus pour ne jamais prendre de position indépendante.
La perspective de l’IUTUJC a été dès le début limitée au lancement
futile d’appels aux autorités universitaires, à l’UGC et au gouvernement
Rajapakse. En mettant un terme à la grève le 7 mai, le co-secrétaire de l’IUTUJC,
H.P. Ariyapala, a déclaré que le syndicat n’avait pas d’autre
alternative « étant donné les difficultés monétaires et autres du gouvernement ».
Les dirigeants de l’IUTUJC ont fourni la même excuse vendredi dernier,
annulant toute action de grève du fait de la « situation régnant dans le
pays ». La « situation régnant dans le pays » n’étant
autre que la guerre raciste de Rajapakse.
Le discours plein d’emphase et combatif en apparence de l’IUSTU,
tout comme ceux d’autres syndicats affiliés au JVP, s’appuie sur un
mensonge. D'un côté, on a les dirigeants de l’IUSTU se posant, de façon démagogique,
en défenseurs des travailleurs et lançant une campagne pour demander à Rajapakse
d’ajuster et d’augmenter leurs salaires. De l’autre, on a le
JVP, celui qui pousse les plus hauts cris pour réclamer la destruction du LTTE,
exigeant que Rajapakse « dirige correctement », qu’il
intensifie la guerre et que les travailleurs fassent des sacrifices pour que
« la patrie passe en premier ». Dans les coulisses, les dirigeants de
l’IUSF (Inter University Student Federation) ont poussé l’IUTUJC à
mettre un terme aux grèves, donnant une fois de plus pour raison que la
« situation régnant dans le pays » n’était pas favorable. Le
cri de bataille des ouvriers doit être dans toute grève ou tout mouvement
de protestation : pas un homme, pas un sou pour cette guerre fratricide !
Les travailleurs, qu’ils soient tamouls, cingalais ou musulmans partagent
des intérêts, des besoins et des aspirations de classe communs comme on
l’a vu dans la récente grève où le personnel universitaire a lutté de façon
unie dans l’ensemble du Sri Lanka. Le point de départ d’une lutte
unie de la classe ouvrière est le rejet de toutes les formes de nationalisme et
de communautarisme, du chauvinisme cingalais de l’establishment
politique de Colombo comme du séparatisme tamoul du LTTE.
Les besoins de la population travailleuse, qui constitue la grande majorité
de la population, doivent prendre le pas sur les exigences de l’élite
patronale et ayant pour objectif l’augmentation de ses profits. Le SEP
revendique une augmentation des salaires afin qu’ils permettent un niveau
de vie décent et leur indexation sur la hausse du coût de la vie. L’Education,
la Santé, les prestations sociales, les transports et le logement publics
doivent être développés pour pouvoir fournir des services de haute qualité pour
tous et qui soient abordables. Le SEP appelle au retrait de toutes les lois
anti-démocratiques y compris les décrets concernant les services essentiels, le
PTA et les restrictions au droit de grève.
La seule manière d’en finir avec cette guerre qui dure depuis 24 ans
est que les travailleurs engagent une lutte politique contre le gouvernement et
les partis responsables de sa poursuite, le SLFP au pouvoir, le parti
d’opposition UNP et tous ceux qui sont accrochés à leurs basques. La
classe ouvrière ne peut avoir aucune confiance dans le soi-disant Processus de
paix. Tous ses principaux commanditaires, les Etats-Unis, l’Union européenne
et le Japon participent à l’occupation néocoloniale de l’Irak et de
l’Afghanistan. Tout en prétendant soutenir le processus de paix au Sri
Lanka, ces mêmes puissances ont tacitement soutenu les opérations militaires
agressives de Rajapakse.
Les travailleurs doivent mettre en avant leur propre stratégie pour mettre
un terme à la guerre, la première revendication étant une fin immédiate et
inconditionnelle de l’occupation militaire du nord-est de l’île et
le retrait de toutes les forces de sécurité de cette région. Contre le gouvernement
Rajapakse qui représente les intérêts des élites riches du pays, le SEP appelle
à la formation d’un gouvernement ouvrier et paysan ayant pour objectif la
réalisation d’un programme politique socialiste. La lutte pour une République
socialiste du Sri Lanka et d’Eelam doit faire partie d’une lutte
plus vaste de la classe ouvrière pour une Union des républiques socialistes de
l’Asie méridionale et du monde.
La lutte pour cette perspective internationaliste et socialiste exige la
construction d’un nouveau parti de masse de la classe ouvrière. Nous faisons
appel à tous ceux qui sont d’accord avec cette politique d’étudier sérieusement
notre programme politique, de lire régulièrement le World Socialist Web Site,
de rejoindre le SEP et de le construire en tant que section sri lankaise du
Comité international de la Quatrième internationale.