Au début du mois de juin, l’université
DePaul de Chicago a refusé le poste de professeur titulaire à Norman
Finkelstein, un professeur de science politique qui a rédigé de nombreux ouvrages
critiquant la politique d’Israël et les accusations mal placées d’antisémitisme
dirigées contre les adversaires du sionisme. Le refus d’attribuer le
poste à Finkelstein et de ce fait sa mise à pied à DePaul, est une attaque claire
et nette contre la liberté de recherche et le harcèlement d’un professeur
en raison de ses idées politiques.
Le rejet de la candidature de Finkelstein à
DePaul, une université catholique qui est l’une des plus grandes
universités privées du pays, fut confirmé le 8 juin par une lettre du président
de DePaul, Dennis Holtschneider. Holtschneider se base sur un vote 4 contre 3 de
la commission d’attribution de postes et de promotion. Dans une démarche
exceptionnelle, la commission a réprouvé à la fois le comité de la politique scientifique
de la faculté et le conseil des facultés de l’université, qui tous deux
avaient soutenu la candidature de Finkelstein. La candidature de Finkelstein
fut rejetée par le doyen de la faculté des Arts et des Sciences, Charles
Suchar.
« Je possède les qualifications requises
pour le poste à DePaul, mais cela n’a pas suffi à surmonter l’opposition
politique des propos que j’ai tenus sur le conflit israélo-palestinien, »
a dit Finkelstein. Il qualifia cette décision de « violation exceptionnelle »
de la liberté de recherche.
Le professeur Mehrene Larudee, qui travaille
dans un autre domaine, s’est également vu refuser un poste pour s’être
investi dans le soutien à Finkelstein. Larudee avait reçu le soutien unanime du
conseil de la faculté et du doyen Suchar.
Durant les mois qui ont précédé le vote en
juin, l’opposition à la candidature de Finkelstein s’était transformée
en une campagne nationale dont le fer de lance était le professeur Alan
Dershowitz de l’université de Harvard. Dershowitz, qui avait pour la première
fois remporté une certaine notoriété quand il s’était prononcé pour la
torture, avait été la cible de nombreux ouvrages de Finkelstein.
Finkelstein, le fils de survivants de l’holocauste,
est professeur à DePaul depuis 2001. Il est surtout connu pour son livre (2000)
intitulé The Holocaust Industry, (L’industrie de l’holocauste)
dont le sujet principal est l’exploitation de l’holocauste à des
fins qui n’ont rien à voir avec la vérité historique ou les victimes du
génocide nazi, y compris le soutien pour Israël et les appels au paiement de
réparations. Finkelstein a également rédigé des études critiques sur le livre
de Daniel Goldhagen Hitler’s Willing Executioners, (Les bourreaux
volontaires de Hitler), qui affirmait que la cause de l’holocauste
pourrait avoir sa source dans l’antisémitisme inhérent au peuple allemand
dans son ensemble.
Dans son tout dernier livre Beyond
Chutzpah : On the Misuse of Anti-Semitism and the Abuse of History (Au
delà du Chutzpah: sur l’usage contestable de l’antisémitisme et
l’abus de l’histoire), Finkelstein continue à traiter ces mêmes
sujets ainsi qu’à documenter en détail les violations des droits de
l’homme par l’Etat d’Israël. Parmi les personnes ciblées dans
le livre, publié par les Presses de l’université de Californie, figurent
Dershowitz et d’autres personnes qui ont recouru à l’accusation
d’antisémitisme pour étouffer toute critique de la politique israélienne.
La campagne de répression contre les opinions
de Finkelstein n’a pas débuté par les efforts entrepris pour rejeter sa
candidature. La première publication de son livre, The Holocaust Industry
fut accompagnée d’une attaque brutale des médias américains. Une revue du
professeur Omer Bartov, publiée dans le New York Times, le diffama comme
étant « une nouvelle variante d’une falsification antisémite, "Les
protocoles des sages de Sion". » D’autres revues
n’étaient pas moins tendancieuses en cherchant à créer un faux amalgame
entre Finkelstein et les négationnistes antisémites de l’holocauste.
Alors que Finkelstein cherchait à faire publier
Beyond Chutzpah, Dershowitz lança une campagne pour en empêcher la
publication, en menaçant de poursuites judiciaires coûteuses pour diffamation
quiconque déciderait de le publier. Il écrivit même à Arnold Schwarzenegger
dans une vaine tentative de faire intervenir le gouverneur de Californie pour empêcher
que l’UC ne publie le livre.
Lorsque la candidature de Finkelstein fut sur
le point d’être examinée, Dershowitz rédigea un mémorandum l’attaquant
qu’il envoya au corps enseignant et au personnel administratif.
Néanmoins, Finkelstein bénéficia d’un fort soutien de ses collègues
enseignants et d’éminents érudits dans ce domaine, y compris Raul
Hilberg, qui est jugé être le père de l’étude sur l’holocauste.
Etant donné ce soutien, les qualifications de
Finkelstein en matière de savoir ne pouvaient pas correspondre à celles
avancées par l’université pour rejeter sa candidature. Au lieu de cela,
les membres de la commission d’attribution de postes et de promotion de
l’université, tout comme le doyen Suchar et le président Holtschneider,
se concentrèrent sur la nature prétendument « blessante » des
ouvrages de Finkelstein et leur soi-disant manque de respect du principe de
« collégialité ».
Dans la déclaration expliquant le refus de
candidature, le comité a reconnu que Finkelstein est « un érudit
internationalement connu et un intellectuel public, considéré être un
provocateur, relevant les défis et intellectuellement intéressant. » Le
comité écrivit aussi, « Sous tous rapports c’est un excellent
professeur, apprécié des étudiants et compétent en classe. »
Toutefois, le comité poursuivit en déclarant,
sans fournir le moindre exemple, « certains pourraient interpréter son
savoir comme ‘délibérément blessant’ et provocateur, visant plus un
effet incendiaire que la critique minutieuse des faits acceptés. » Employant
prudemment la voix passive afin d’éviter toute accusation, il a déclaré :
« Des critiques ont été formulées en raison de son style incendiaire et ses
attaques personnelles contenues dans ses écrits et dans ses débats
intellectuels… Quelques-uns se sont interrogés sur le fait de savoir si
le docteur Finkelstein apportait une contribution efficace au débat public sur
les questions sensibles de la société. »
Tout en ne fournissant aucune indication quant
aux gens qui entrent dans la catégorie des « quelques-uns » et en
niant que le comité avait subi des pressions en raison de la campagne contre
Finkelstein, il est clair que le comité et le personnel administratif de
l’université au plus haut niveau ont réagi aux pressions exercées par
Dershowitz et ses influents financiers, parmi lesquels se trouvent
indubitablement certains donateurs bien connus de DePaul.
Le souci qu’ont ressenti ceux qui se
sont efforcés de rejeter la candidature de Finkelstein n’avait rien à
voir avec la « collégialité ». S’il avait existé un groupe tout
à fait capable d’évaluer les résultats de Finkelstein à cet effet, cela
aurait été sans aucun doute ses collègues à DePaul, dont le jugement fut ignoré
par l’université dans sa prise de décision. De toute manière, de telles
raisons ne suffisent en général pas pour rejeter la candidature d’un
professeur, surtout quand il s’agit d’un professeur qui bénéficie
du soutien de ses collègues de faculté et des étudiants.
Le président Holtschneider termina sa lettre à
Finkelstein en expliquant la décision par ce commentaire incroyable :
« D’aucuns examineront cette décision dans le contexte de la liberté
de recherche. En fait, la liberté de recherche est vivante et bien portante à
DePaul. »
Si la décision est définitive, comme il le
semblerait, Finkelstein passera un an de plus à DePaul avant d’être révoqué.
La faculté de DePaul envisage de passer un vote de non-confiance à
l’encontre du doyen Suchar et du président Holtschneider. Les étudiants
ont organisé une grève sur le tas dans le bureau du président mais ils furent
chassés du campus par la police et menacés d’expulsion la semaine dernière.
L’attaque perpétrée contre Finkelstein
est loin d’être un cas isolé. D’autres universitaires ont été victimes
de harcèlement en raison de leurs opinions sur le conflit israélo-palestinien,
y compris Joseph Massad de l’université de Columbia et Sami al-Arian de
l’université de Floride du Sud. Al-Arian fut emprisonné et devrait être
déporté pour des chefs d’accusation pour complot, montés de toutes
pièces.
Des étudiants des instituts universitaires
technologiques qui se sont associés à la campagne pour le retrait des
investissements d’Israël ont été accusés d’antisémitisme et des
organisations ont été mises en place, y compris le site web Campus Watch de
Daniel Pipes, dans le but d’espionner et d’intimider des
professeurs critiques à l’égard de la politique d’Israël et des
Etats-Unis. Ces campagnes font partie d’un effort pour réprimer tout
débat en cherchant à intimider tout sentiment oppositionnel dans les
universités américaines.