wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le Tribunal administratif de Paris défend le droit de provocateurs racistes à exploiter les difficultés des sans-abri

Par Antoine Lerougetel
15 janvier 2007

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Le Tribunal administratif de Paris a par deux fois défendu le droit d’une organisation ouvertement raciste, Solidarité des Français (SDF) à proposer de la soupe au cochon aux sans-abri de Paris, excluant délibérément ceux dont la religion ou les coutumes interdisent ce plat.

L’organisation antiraciste MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié des peuples) a rapporté dans une déclaration du 2 janvier que la nuit précédente SDF avait distribué de la soupe au cochon à une trentaine de sans-abri devant la gare Montparnasse dans le 15e arrondissement de Paris, « excluant ainsi délibérément les sans domicile fixe parisiens de confession juive ou musulmane qui ne mangent pas de porc ».

La police de Paris a interdit la distribution de soupe par SDF mais après que l’organisation ait fait appel, le Tribunal administratif de Paris a annulé l’interdiction de la police le 22 décembre et le 28 décembre a soutenu un autre appel contre un nouvel arrêté d’interdiction pris par la préfecture de police.

Le juge du tribunal a déclaré : « Ces deux ordonnances reconnaissent que cette association poursuit un but manifestement discriminatoire à l’encontre des personnes auxquelles leur confession interdit la consommation de viande de porc. » Il affirme néanmoins « que seul un risque de trouble à l’ordre public autorise l’autorité administrative à prononcer l’interdiction d’une telle manifestation » et que « le préfet de police ne rapportait nullement la preuve de l’existence d’un tel risque ».

Le juge a affirmé que, étant donné qu’il n’y avait aucune preuve que SDF avait refusé de servir les juifs et les musulmans, on ne pouvait l’accuser de discrimination contre eux. La préfecture de police de Paris a été condamnée à payer 1000 euros de frais judiciaires au groupe.

Le groupe SDF est lié à l’organisation néofasciste Bloc identitaire. Des opérations de soupe au cochon sont organisées à Paris depuis 2002, ainsi qu’à Strasbourg et Nice. Des provocations similaires ont lieu en Belgique, à Charleroi et Bruxelles.

Là où l’organisation d’extrême-droite de Jean-Marie Le Pen, le Front national, a pris le contrôle de mairies, comme à Toulon, les cantines scolaires ont reçu l’ordre de servir des repas au porc sans proposer d’alternative pour les juifs ou les musulmans.

Le journal britannique The Guardian cite une petite pancarte des distributions de soupe de SDF: « Une seule condition pour manger avec nous : manger du porc. » Et aussi : « Attention : fromage, dessert, café, vêtements, goûters vont avec la soupe au cochon : pas de soupe au cochon, pas de dessert – La seule règle de notre action : les nôtres avant les autres. » 

Le ministre de l’Intérieur et candidat à l’élection présidentielle pour le parti au pouvoir UMP (Union pour un mouvement populaire), Nicolas Sarkozy, a saisi le Conseil d’Etat (l’équivalent français de la Cour suprême aux Etats-Unis) pour annuler l’ordonnance du Tribunal administratif de Paris. Le 5 janvier, le Conseil d’Etat a annulé les décisions du tribunal. Il a réfuté l’argument du tribunal selon lequel l’interdiction par la police de la distribution de soupe par SDF était « une atteinte grave et manifestement illégale » à la liberté de manifestation. Il a soutenu l’argument du représentant du ministère de l’Intérieur que ces distributions de soupe par SDF étaient « discriminatoires » et donc susceptibles de troubler l’ordre public. 

Le maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, a fait un communiqué le 2 janvier exprimant son regret face à l’ordonnance du Tribunal administratif de Paris. « Je rappelle que dès juin 2004 le Conseil de Paris avait voté un vœu demandant l’interdiction de cette distribution qui exclut sciemment les personnes de confession juive et musulmane. »

Le communiqué se poursuit, « Face à cette initiative aux relents xénophobes, je veux exprimer à nouveau la volonté de la municipalité de dénoncer et de combattre toute forme de discrimination, de racisme et d’antisémitisme. »

A l’approche des élections présidentielles de 2007, il est clair que Sarkozy, Delanoë et la classe politique français, qui ont tous encouragé les préjugés anti-immigrés, ont tous peur d’avoir l’air d’excuser les groupes racistes extrémistes.

Le refus cynique du juge de reconnaître la nature hautement provocatrice de l’action du groupe SDF donne la mesure de la banalisation des idées racistes au sein de l’Etat et de l’establishment français qui légitiment les activités de tels groupes.

Ces attitudes se retrouvent dans une série de mesures prises par le gouvernement gaulliste actuel, mesures qui ont recueilli le soutien plus ou moins déclaré des partis de gauche :

* la loi interdisant le port du foulard islamique par les élèves d’établissements scolaires, loi soutenue par le Parti socialiste.

* les lois anti-immigrées draconiennes qui sont largement reprises dans le programme du Parti socialiste.

* la chasse et l’expulsion des sans-papiers et le démantèlement du squat de Cachan qui abritait des immigrés sans domicile fixe et des sans-papiers, avec la complicité du Parti socialiste et du Parti communiste (voir France : Les squatteurs de Cachan ont accepté, sous la pression, d’être dispersés, 10 octobre 2006))

* le soutien initial du PS et du PC à la loi imposant la reconnaissance du « rôle positif » de la colonisation française pour les peuples colonisés, et qui a été partiellement modifiée, par la suite, face aux protestations.

Les activités racistes du groupe SDF sont aussi facilitées par la dégradation des conditions sociales des pauvres et le manque de logements en particulier. Une crise du logement s’est développée en France ces 30 dernières années sous des gouvernements et des municipalités de droite comme de gauche. La région parisienne est tout particulièrement touchée. Des hausses de prix spéculatives énormes du prix du terrain et de la propriété, ainsi que l’insuffisance de logements sociaux rendent l’accès à des logements décents hors de portée de millions de personnes. C’est d’autant plus douloureux en hiver et tout particulièrement pendant la période de Noël.

L’association DAL (Droit au logement) rapporte que les pompiers estiment que chaque année 100 personnes vivant dans la rue meurent en région parisienne. Le 7e rapport de la Fondation Abbé Pierre de 2002 (après cinq ans de gouvernement de la gauche plurielle) « recense trois millions de personnes mal logées en France dont, 86 000 sans domicile, 200 000 personnes hébergées durablement en hôtel, en habitat de fortune ou par des parents et amis, un demi million de personnes vivant en habitat temporaire ou précaire et deux millions de personnes dans des logements dépourvus de confort sanitaire de base ».

Cet hiver, à l’initiative d’une association, Les enfants de Don Quichotte, des tentes ont été montées en protestation dans les centres-villes de France exigeant des améliorations des foyers d’hébergement d’urgence pour les sans-abri et même la réquisition de bâtiments. Les Enfants de Don Quichotte ont été adoptés comme « cause célèbre » par toute la classe politique française, de l’UMP du président Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy aux gauchistes petits-bourgeois de la Ligue communiste révolutionnaire. Ils espèrent tous acquérir un certain capital politique dans la course aux élections présidentielle et législative de cette année. Mais seuls une politique socialiste du logement, retirant le terrain et la propriété des mains des spéculateurs immobiliers et un programme massif de construction de logements sociaux peuvent résoudre cette crise et mettre fin à l’exploitation par l’extrême droite des injustices sociales en utilisant les immigrés et les minorités comme boucs émissaires.

(Article original anglais paru le 14 janvier 2007)


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés