Le Tribunal administratif de Paris a par deux fois défendu le
droit d’une organisation ouvertement raciste, Solidarité des Français (SDF) à
proposer de la soupe au cochon aux sans-abri de Paris, excluant délibérément
ceux dont la religion ou les coutumes interdisent ce plat.
L’organisation antiraciste MRAP (Mouvement contre le racisme
et pour l’amitié des peuples) a rapporté dans une déclaration du 2 janvier que
la nuit précédente SDF avait distribué de la soupe au cochon à une trentaine de
sans-abri devant la gare Montparnasse dans le 15e arrondissement de
Paris, « excluant ainsi délibérément les sans domicile fixe parisiens de
confession juive ou musulmane qui ne mangent pas de porc ».
La police de Paris a interdit la distribution de soupe par SDF
mais après que l’organisation ait fait appel, le Tribunal administratif de
Paris a annulé l’interdiction de la police le 22 décembre et le 28 décembre a
soutenu un autre appel contre un nouvel arrêté d’interdiction pris par la
préfecture de police.
Le juge du tribunal a déclaré : « Ces deux
ordonnances reconnaissent que cette association poursuit un but manifestement
discriminatoire à l’encontre des personnes auxquelles leur confession interdit
la consommation de viande de porc. » Il affirme néanmoins « que seul
un risque de trouble à l’ordre public autorise l’autorité administrative à
prononcer l’interdiction d’une telle manifestation » et que « le
préfet de police ne rapportait nullement la preuve de l’existence d’un tel
risque ».
Le juge a affirmé que, étant donné qu’il n’y avait aucune
preuve que SDF avait refusé de servir les juifs et les musulmans, on ne pouvait
l’accuser de discrimination contre eux. La préfecture de police de Paris a été
condamnée à payer 1000 euros de frais judiciaires au groupe.
Le groupe SDF est lié à l’organisation néofasciste Bloc
identitaire. Des opérations de soupe au cochon sont organisées à Paris
depuis 2002, ainsi qu’à Strasbourg et Nice. Des provocations similaires ont
lieu en Belgique, à Charleroi et Bruxelles.
Là où l’organisation d’extrême-droite de Jean-Marie Le Pen, le
Front national, a pris le contrôle de mairies, comme à Toulon, les cantines
scolaires ont reçu l’ordre de servir des repas au porc sans proposer
d’alternative pour les juifs ou les musulmans.
Le journal britannique The Guardian cite une petite
pancarte des distributions de soupe de SDF: « Une seule condition pour
manger avec nous : manger du porc. » Et aussi : « Attention :
fromage, dessert, café, vêtements, goûters vont avec la soupe au cochon :
pas de soupe au cochon, pas de dessert – La seule règle de notre action :
les nôtres avant les autres. »
Le ministre de l’Intérieur et candidat à l’élection
présidentielle pour le parti au pouvoir UMP (Union pour un mouvement populaire),
Nicolas Sarkozy, a saisi le Conseil d’Etat (l’équivalent français de la Cour
suprême aux Etats-Unis) pour annuler l’ordonnance du Tribunal administratif de
Paris. Le 5 janvier, le Conseil d’Etat a annulé les décisions du tribunal. Il a
réfuté l’argument du tribunal selon lequel l’interdiction par la police de la
distribution de soupe par SDF était « une atteinte grave et manifestement
illégale » à la liberté de manifestation. Il a soutenu l’argument du
représentant du ministère de l’Intérieur que ces distributions de soupe par SDF
étaient « discriminatoires » et donc susceptibles de troubler l’ordre
public.
Le maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, a fait un
communiqué le 2 janvier exprimant son regret face à l’ordonnance du Tribunal
administratif de Paris. « Je rappelle que dès juin 2004 le Conseil de
Paris avait voté un vœu demandant l’interdiction de cette distribution qui
exclut sciemment les personnes de confession juive et musulmane. »
Le communiqué se poursuit, « Face à cette initiative aux
relents xénophobes, je veux exprimer à nouveau la volonté de la municipalité de
dénoncer et de combattre toute forme de discrimination, de racisme et
d’antisémitisme. »
A l’approche des élections présidentielles de 2007, il est
clair que Sarkozy, Delanoë et la classe politique français, qui ont tous
encouragé les préjugés anti-immigrés, ont tous peur d’avoir l’air d’excuser les
groupes racistes extrémistes.
Le refus cynique du juge de reconnaître la nature hautement
provocatrice de l’action du groupe SDF donne la mesure de la banalisation des idées
racistes au sein de l’Etat et de l’establishment français qui légitiment les
activités de tels groupes.
Ces attitudes se retrouvent dans une série de mesures prises
par le gouvernement gaulliste actuel, mesures qui ont recueilli le soutien plus
ou moins déclaré des partis de gauche :
* la loi interdisant le port du foulard islamique par les élèves
d’établissements scolaires, loi soutenue par le Parti socialiste.
* les lois anti-immigrées draconiennes qui sont largement
reprises dans le programme du Parti socialiste.
* le soutien initial du PS et du PC à la loi imposant la
reconnaissance du « rôle positif » de la colonisation française pour
les peuples colonisés, et qui a été partiellement modifiée, par la suite, face
aux protestations.
Les activités racistes du groupe SDF sont aussi facilitées par
la dégradation des conditions sociales des pauvres et le manque de logements en
particulier. Une crise du logement s’est développée en France ces 30 dernières
années sous des gouvernements et des municipalités de droite comme de gauche.
La région parisienne est tout particulièrement touchée. Des hausses de prix
spéculatives énormes du prix du terrain et de la propriété, ainsi que
l’insuffisance de logements sociaux rendent l’accès à des logements décents
hors de portée de millions de personnes. C’est d’autant plus douloureux en
hiver et tout particulièrement pendant la période de Noël.
L’association DAL (Droit au logement) rapporte que les
pompiers estiment que chaque année 100 personnes vivant dans la rue meurent en
région parisienne. Le 7e rapport de la Fondation Abbé Pierre de 2002 (après
cinq ans de gouvernement de la gauche plurielle) « recense trois millions
de personnes mal logées en France dont, 86 000 sans domicile, 200 000
personnes hébergées durablement en hôtel, en habitat de fortune ou par des
parents et amis, un demi million de personnes vivant en habitat temporaire ou
précaire et deux millions de personnes dans des logements dépourvus de confort
sanitaire de base ».
Cet hiver, à l’initiative d’une association, Les enfants de
Don Quichotte, des tentes ont été montées en protestation dans les centres-villes
de France exigeant des améliorations des foyers d’hébergement d’urgence pour
les sans-abri et même la réquisition de bâtiments. Les Enfants de Don Quichotte
ont été adoptés comme « cause célèbre » par toute la classe politique
française, de l’UMP du président Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy aux
gauchistes petits-bourgeois de la Ligue communiste révolutionnaire. Ils
espèrent tous acquérir un certain capital politique dans la course aux
élections présidentielle et législative de cette année. Mais seuls une
politique socialiste du logement, retirant le terrain et la propriété des mains
des spéculateurs immobiliers et un programme massif de construction de
logements sociaux peuvent résoudre cette crise et mettre fin à l’exploitation
par l’extrême droite des injustices sociales en utilisant les immigrés et les
minorités comme boucs émissaires.
(Article original anglais paru le 14 janvier 2007)