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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La police française arrête des dizaines de Sri-lankais tamouls

Les razzias visent le LTTE

Par Francis Dubois et Antoine Lerougetel
14 avril 2007

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Des dizaines de sympathisants et militants présumés des LTTE (Tigres de libération de l’Eelam tamoul) ont été arrêtés au cours de plusieurs descentes effectuées en région parisienne par la police française dans la première semaine d’avril. Au cours d’un premier raid effectué le premier avril et au cours duquel furent arrêtées 39 personnes, la police saisit des documents, des ordinateurs et une grande quantité d’argent liquide.

Les LTTE sont une organisation qui a entrepris une lutte armée pour un Etat tamoul indépendant dans le Nord et dans l’Est du Sri Lanka depuis plus de deux décennies. La police s’en est prise à des établissements contrôlés par cette organisation. Les établissements visés étaient le Comité de coordination tamoul (CCT) ainsi que des magasins, des véhicules et les logements de militants présumés du LTTE en France. Le CCT est reconnu comme étant l’organisation de front des LTTE en France.

 

Si un certain nombre des personnes arrêtées ne sont restées en garde à vue que pendant quelques heures et ont été relâchées après avoir été interrogées, d’autres furent maintenues en détention. Dix-neuf personnes ont comparu devant un tribunal le 5 avril et, selon la presse, quatorze personnes sont toujours détenues, parmi lesquelles des dirigeants du LTTE, comme le chef de l’antenne du LTTE à Paris, Nadaraja Matheenthiran, alias Parithi, le dirigeant politique pour l’Europe, Duraisamy Aravindhan, alias Metha et le trésorier du LTTE en France, Thuraisamy Jeyamoorthy, alias Sinna Jeyan.

 

Si les descentes du 1er avril furent effectuées au petit jour, les actions des 2, 3 et 4 avril se firent en plein jour et étaient destinées à être visibles et à intimider le public. Au cours de ces actions la police isola des quartiers de Paris comme celui de la Gare du Nord et le quartier de la Chapelle, fouilla des magasins, interrogea leurs propriétaires, les employés et même les clients. Du matériel ayant trait aux LTTE tel que journaux, magazines, CD et vidéos fut saisi. Durant ces opérations, des membres présumés du réseau de collecteurs de fonds des LTTE en France furent interrogés, photographiés et filmés.

 

Les raids ont été effectués par les forces de la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire et furent ordonnés par une commission rogatoire émise par le juge Jean-Louis Bruguière, le principal juge antiterroriste en France. On a donné à Bruguière des pouvoirs sans précédent pour enquêter sur des affaires jugées en rapport avec le « terrorisme » ce qu’il fit en étroite collaboration avec des gouvernements successifs.

 

En 2003, Bruguière a mené des discussions avec de hauts responsables de l’appareil judiciaire au Sri Lanka. Il a tenu une conférence à l’Institut sri-lankais des relations internationales à Colombo devant des officiers de l’armée et des diplomates sri-lankais.

 

Les LTTE sont sous haute surveillance depuis plusieurs années. Le gouvernement a lancé une enquête préliminaire les concernant en février 2006. L’organisation a été interdite en mai 2006 après avoir été interdite officiellement par l’Union européenne et elle est depuis sous examen.

 

On a justifié cette vague d’arrestations en arguant que les LTTE extorquent des fonds de la communauté tamoule en France avec des méthodes mafieuses. La presse fait état d’« extorsion », de « violence physique » et de « séquestration ».

 

Le 5 avril, des juges antiterroristes ont imposé des charges préliminaires contre certaines des personnes arrêtées, parmi lesquelles l’« extorsion, le financement du terrorisme et l’association avec une entreprise terroriste », une charge permettant la détention de suspects pour terrorisme sans aucune preuve qu’ils soient effectivement mêlés à des actes terroristes. Cette charge est passible d’une sentence maximale de 10 ans de prison.

 

La législation antiterroriste française la plus récente votée à l’Assemblée nationale en novembre 2005, permet l’arrestation arbitraire et la détention (pour 120 jours reconductibles indéfiniment) de quiconque est suspecté d’être, ne serait-ce que vaguement, associé au « terrorisme ».

 

Les LTTE n’ont pas jusqu'à présent été accusés d’avoir perpétré ou préparé un acte terroriste en France. La police n’a pas non plus mentionné l’existence d’une menace terroriste quelconque provenant des LTTE.

 

Selon la presse internationale, la sous-direction antiterroriste agit en collaboration avec d’autres agences antiterroristes parmi lesquelles se trouvent celles des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, des Pays-Bas, de l’Allemagne, de l’Italie, du Canada et de l’Australie. On mentionne aussi à ce propos le FBI et Scotland Yard, qui lui fourniraient de l’expertise. C’est néanmoins la première fois que les autorités françaises agissent d’une manière aussi ouverte contre les LTTE. Après la fermeture de ses bureaux par le gouvernement britannique en février 2001, cette organisation avait transféré une partie de ses opérations en France, qui devint par là le centre de ses opérations en Europe.

Les récentes mesures répressives à l’encontre des LTTE semblent faire partie d’une opération internationale destinée à neutraliser leurs activités au niveau international mais plus particulièrement en Europe. Depuis que les LTTE ont effectué une attaque aérienne contre une base située près de l'aéroport international de Colombo, il est à penser que le gouvernement sri-lankais a intensifié ses efforts pour empêcher les achats d’armes des LTTE en bloquant leur financement.

Après l’entrée en fonction du président sri-lankais Mahinda Rajapakse en novembre 2005, le gouvernement sri-lankais a fait capoter l’accord de cessez-le-feu signé en  2002. Cela a entraîné une escalade de l’oppression brutale des Tamouls. Rajapakse a entamé une campagne internationale afin d’obtenir l’isolement des LTTE en tant qu’organisation terroriste. En avril 2006, le gouvernement canadien a interdit les LTTE et, un mois plus tard, l’Union européenne les a proscrits en les ajoutant à sa liste d’organisations terroristes. La répression organisée à Paris sert cette campagne internationale du gouvernement sri-lankais.

 

Ce gouvernement est une coalition de partis dont le programme est le chauvinisme cingalais et qui comprend le Janatha Vimukti Peramuna (JVP) et le parti Jathika Hela Urumaya (JHU). En 2006 l’armée sri-lankaise a lancé une offensive brutale plaçant des régions entières du nord et de l’est du Sri Lanka sous contrôle militaire. Elle s’en est aussi prise aux Tamouls de l’ensemble du pays, arrêtant, tuant et torturant des personnes d’origine tamoule sans distinction, les accusant sans preuve d’être des membres des Tigres tamouls.

 

Les LTTE ont répondu aux arrestations en faisant circuler une pétition, collectant les signatures de personnes ayant fait des dons aux LTTE et déclarant qu’elles avaient fait des dons volontaires. Ils annoncèrent aussi une manifestation le 9 avril au Trocadéro à Paris afin de protester contre les mesures de répression prises contre eux. Cette manifestation, d’abord autorisée par la préfecture de Paris, fut ensuite interdite. La police ferma la station de métro la plus proche du lieu de la manifestation afin d’empêcher les gens de s’y rendre.

 

Entre 400 et 500 personnes se rassemblèrent malgré l’interdiction de cette manifestation sur le parc de la Tour Eiffel, en face du Trocadéro. Elles ignorèrent les injonctions de la police à se disperser. Anthony Russel, conseiller municipal Vert de la Courneuve, une municipalité du nord de Paris vint, selon certaines informations à la demande de la police, s’adresser aux manifestants pour les convaincre de partir calmement et d’organiser une manifestation à une date ultérieure.

 

Les LTTE sont une organisation qui a une perspective séparatiste à base ethnique et communautariste. Le WSWS s’oppose à ce programme et lutte au Sri Lanka pour l’unité des masses cingalaises et tamoules. Bien qu’il soit en désaccord avec la perspective nationaliste et séparatiste des LTTE, il défend le droit démocratique de cette organisation à tenir une manifestation politique contre les attaques de l’Etat.

 

On peut sans aucun doute qualifier les méthodes du LTTE de mafieuses, mais les accusations des autorités françaises ont de nettes motivations politiques. Elles ont été portées pour servir les intérêts du gouvernement sri-lankais et de son armée, qui sont engagés dans une campagne d’assassinat systématique et de masse de leurs opposants politiques et de gens tout à fait innocents. Ce gouvernement poursuit une guerre brutale contre les séparatistes tamouls depuis plus de deux décennies et pratique en tant qu’Etat le terrorisme à une bien plus grande échelle que le LTTE.

 

L’armée et des groupes paramilitaires associés essaient à présent de terroriser des parties entières de la population sri-lankaise. Ils kidnappent et tuent les tamouls de tout bord, indépendamment de leurs opinions politiques et cela sur l’ensemble du territoire sri-lankais.

 

Quiconque s’oppose à la guerre antitamoule de l’armée sri-lankaise est pris pour cible, réprimé et éliminé comme en a fait l’expérience le Parti de l’égalité socialiste (PES), la section sri-lankaise du comité international de la Quatrième internationale. En août dernier, un sympathisant du PES et un opposant connu tant de la guerre que des LTTE fut assassiné dans sa maison. Plus récemment, un des membres du PES dans la région de Jaffna a disparu après avoir passé un barrage militaire.

 

Le LTTE n’a pas, à notre connaissance, publié de déclaration officielle, ni en France ni au Sri Lanka à propos de l’arrestation de ses membres et d’autres Tamouls en France, bien que les faits soient bien connus non seulement au Sri Lanka et en France, mais aussi dans la communauté tamoule du monde entier.

 

Le moment et la méthode des raids menés à Paris indiquent qu’ils servent plusieurs objectifs. Ils font partie d’une répression internationale des LTTE et favorisent les plans du gouvernement de Colombo. Ils constituent un soutien à la guerre brutale menée par la coalition des partis du chauvinisme cingalais, une guerre qui jouit aussi du soutien de l’administration Bush.

 

Un autre motif probable est de renforcer la réputation antiterroriste du juge Bruguière et de Nicolas Sarkozy, l’ancien ministre de l’Intérieur. Sarkozy est candidat de l’UMP (Union pour un mouvement populaire), le parti au gouvernement, à la présidence de la république. Bruguière, qui doit partir en retraite dans quelques mois, a quant à lui annoncé qu’il serait candidat dans le département du Lot-et-Garonne à l’élection législative qui aura lieu quelques semaines après la présidentielle, lui aussi pour l’UMP.


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