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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La coalition « Verte » de l’Irlande: Union des écologistes et du Fianna Fáil

Par Steve James
25 août 2007

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Les partis Verts de par le monde sont déjà synonymes de renoncement spectaculaire à leurs principes. La politique qu’ils ont défendue, peut-être pendant des décennies, est abandonnée quelques heures à peine après leur entrée dans un gouvernement. En échange de quelques arrangements mineurs apportés à la politique environnementale, les Verts se donnent la responsabilité de promouvoir avec détermination les intérêts de leurs propres capitalistes.

Toujours est-il que la duplicité politique affichée par le Parti des Verts (GP) irlandais en rejoignant le Fianna Fáil (Parti républicain, FF) et le parti des Démocrates progressistes (PD) au gouvernement, est tout à fait extraordinaire. C’est également l’indice clair des tensions et instabilités qui existent dans la société irlandaise et qui ne peuvent que s’approfondir suite à la troisième réélection du Taoiseach (premier ministre) Bertie Ahern et de son parti le Fianna Fáil.

Ahern a remporté le 24 mai les élections législatives. Bien qu’on s’attendait à ce que Fianna Fáil essuie une débâcle, il n’a perdu que trois sièges au parlement irlandais, et en a conservé 78. Mais, son partenaire de la coalition, les Démocrates progressistes ont été presque complètement éliminés. L’autre projet de coalition proposé entre le Fine Gael (FG) et le Parti travailliste (Irish Labour Party, ILP) n’a totalisé que 71 sièges à eux deux, et n’a donc pas été en mesure de détrôner le Fianna Fáil avec lequel ils n’avaient pas de différences majeures.

Il manque au Fianna Fáil les 83 sièges nécessaires pour s’assurer une majorité absolue au parlement qui en compte 165.

Des négociations ont été dûment entamées avec d’éventuels partenaires de coalition, notamment les Verts, comptant six sièges, un certain nombre de députés indépendants (TD, membre de la chambre basse du parlement de la République d’Irlande) et deux Démocrates progressistes qui ont survécu. Pour Fianna Fáil, une alliance avec les Verts était préférable, pour ce qui est de la formation d’une majorité qui fonctionne en faisant le moins possible de concessions, à une alliance avec le Parti travailliste ou Sinn Féin (bras politique de l’Armée républicaine irlandaise, IRA).

Quant aux Verts, bien qu’ils aient signalé à Ahern leur possible intérêt à traiter avec lui, ce n’était pas du tout la position qu’ils affichaient publiquement. Juste avant les élections, la question sur une coalition avec Fianna Fáil avait été posée au dirigeant du parti des Verts, Trevor Sargent, qui la balaya d’un « Quand les poules auront des dents, cela fera aussi les gros titres. »

Le vote des Verts s’est en grande partie maintenu en raison surtout de leur opposition apparente à la corruption en matière d’urbanisation et à la guerre en Irak. Sargent s’était fait un nom en tant que militant anti corruption dans le Conseil du comté de Dublin et il avait même été une fois agressé physiquement au parlement pour cela. En 1992, il fut élu comme député indépendant (TD) à Dublin et devint le dirigeant des Verts en 2001.

En février 2007, Sargent déclarait au Irish Times, « Je ne me vois pas conduire le parti dans une coalition avec Fianna Fáil en raison de sa culture de mauvaise urbanisation, de corruption et de mauvais résultats. »

Pas plus tard que le 1er mai 2007, Sargent se moquait de l’incapacité d’Ahern de se débarrasser des allégations faites contre lui au sujet de ses finances personnelles. L’un des gestes symboliques des Verts avant les élections avait été de jeter à la poubelle une enveloppe brune supposée contenir de l’argent en échange de permis de construire. Les Verts se sont à maintes reprises plaints de ce que Fianna Fáil soit mêlé de façon notoire à l’industrie du bâtiment. Le parti était contre les contributions des entreprises aux partis politiques.

Même après les élections, le porte-parole des Verts pour le logement, Ciaran Cuffe a dit, « Soyons clairs. Un accord avec Fianna Fáil serait un accord avec le diable. Nous serions mis à la porte cinq ans plus tard et décimés en tant que parti. »

Bien que le manifeste du parti des Verts soit entièrement consacré, tout comme celui de Fianna Fáil, à la défense de l’Irlande en tant que site d’investissement, il renfermait un engagement pour que l’aéroport de Shannon, sur la côte sud-ouest, ne soit plus utilisé pour les vols militaires américains liés à la guerre en Irak. Le manifeste insistait aussi pour que tous les vols « suspectés de transporter illégalement des prisonniers soient fouillés. »

Les Verts sont également opposés à la soi-disant colocation d’hôpitaux, un projet conçu par Fianna Fáil et les Démocrates progressistes pour permettre la construction d’hôpitaux privés sur des terrain appartenant au service public de santé.

Tout ceci, reflétant les opinions d’un nombre important d’électeurs irlandais, n’a plus compté une fois les négociations de coalition entamées. Les pourparlers ont commencé par le refus clair et net d’Ahern d’envisager la moindre restriction à l’utilisation par les Etats-Unis de l’aéroport de Shannon. Il s’en est suivi deux séries de pourparlers s’étalant sur plusieurs jours.

La première série a échoué au bout de six jours en raison du refus des Verts d’accepter la colocation des hôpitaux, une politique largement impopulaire et en grande partie responsable de l’effondrement des Démocrates progressistes, ainsi que leur refus d’accepter des modifications dans le programme de construction des routes et des projets sur le changement climatique. Les Verts craignaient de ne pouvoir faire accepter l’accord dans leur propre parti, dont quelque 800 délégués auraient à ratifier la coalition lors d’une conférence spéciale.

Une deuxième série de pourparlers s’est éternisé tandis que Fianna Fáil et les Verts marchandaient l’attribution de postes ministériels. Mais finalement un marché a été conclu dans lequel les Verts acceptaient :

* la poursuite des vols américains à destination de l’Irak.

* que la dirigeante des Démocrates progressistes, Mary Harney, conserve son poste de ministre de la Santé et de l’Enfance avec, dans ses attributions, la poursuite de la colocation des hôpitaux.

* que soit poursuivie la construction d’une autoroute, une décision particulièrement impopulaire, près de Hill of Tara, un important site archéologique renfermant de nombreuses structures remontant à des milliers d’années.

* que soit ignorée l’interdiction proposée par les Verts concernant les contributions des entreprises.

En échange, les Verts ont reçu davantage d’argent pour l’éducation, une vague proposition concernant une taxe sur le CO2, quelques postes gouvernementaux et, comme on devait l’apprendre plus tard, une proposition de reconsidérer la colocation des hôpitaux en 2011. Fianna Fáil a également versé quelques millions d’euros aux TD indépendants pour s’assurer leur loyauté.

Le congrès des Verts convoqué pour ratifier l’accord et tenu en privé a attiré des manifestants anti guerre. Le mouvement Anti-War Ireland a fait remarquer que « les Verts auront du sang sur les mains » s’ils refusent de s’opposer à la coalition. Durant la conférence, un des délégués a accusé le parti de récolter des « Mercedes et des privilèges » ( « Mercs and perks ») et rien de plus, tandis qu’un autre délégué mettait en garde contre le fait qu’ils se rendraient complices pour les morts en Irak et en Afghanistan. Mais la majorité a écarté de telles critiques et la coalition a été adoptée à une large majorité : 441 contre 67 voix.

Sargent, le dirigeant du parti, après avoir mené son parti dans une série de retournements politiques à 180 degrés et cimenté une alliance avec Fianna Fáil contre lequel il avait passé la majeure partie de sa vie à lutter, s’est empressé de démissionner. Sargent a annoncé à un auditoire larmoyant qu’il s’agissait du « jour de plus grande fierté de ma vie ». Il démissionnait parce qu’il avait promis de le faire si jamais les Verts devaient entrer en coalition avec Fianna Fáil !

Peu de temps après, Sargent déclarait qu’il était « parfaitement » satisfait du rapport présenté par Bertie Ahern concernant ses finances personnelles.

Les postes ministériels remportés par les Verts sont celui du ministère de l’Environnement, du Patrimoine et des Collectivités locales et celui du ministère des Communications, de l’Energie et des Ressources naturelles. Désormais, les Verts seront directement responsables de l’autoroute M3 traversant Tara et du terminal controversé de pétrole et de gaz de Rossport, dans le comté de Mayo. Le parti se spécialisera donc dans les attaques contre des groupes gauchistes et des militants écologistes qui, auraient peut-être à un moment donné compté parmi leurs partisans.

Un autre combat que le ministre Vert de l’Energie, Eamonn Ryan, devra bientôt mener, est celui de faire passer la proposition du gouvernement consistant à démanteler le service public de l’énergie ESB (Electricity Supply Board), mesure à laquelle s’opposent les syndicats et qui déclenchera une attaque contre les travailleurs du secteur énergétique. Fianna Fáil et maintenant les Verts ont l’intention de remplacer l’ESB par un certain nombre d’entreprises dans le but de « libéraliser » le marché de l’énergie, autrement dit de l’ouvrir au capital privé.

Ryan voulait surtout que des fournisseurs d’énergie renouvelable y participent. Il ne fait pas de doute que de nombreux sympathisants des Verts possèdent des actions « éthiques » dans des sociétés d’énergie renouvelable et que bien plus encore ont leur propre entreprise « verte ».

C’est un parti qui représente une couche sociale pressée, qui n’a aucun sentiment de responsabilités envers ses propres électeurs et qui est farouchement hostile à la classe ouvrière. Comment expliquer autrement les volte-face de Sargent ? Les Verts ont le sentiment que les partisans du capitalisme vert dont ils sont les porte-parole risquent de rater le coche avec le boom chancelant de l’investissement en Irlande.

Des promesses électorales basées sur un taux de croissance entre 5 et 6 pour cent ne valent rien. Des taux révisés avancent un chiffre de moins de 4 pour cent mais celui-ci pourrait également être trop optimiste.

Dans une chronique parue dans le Sunday Business Post, l’économiste David McWilliams a remarqué que les années de boom de l’économie irlandaise étaient basées sur un dollar américain fort, des salaires irlandais bas et un accès facile aux marchés européens. Avec un dollar en baisse et un euro fort, l’Irlande est un site bien moins attractif pour les investisseurs. Les travailleurs irlandais sont payés en euros chers.

McWilliams poursuit en signalant que la réaction traditionnelle aux baisses des investissements et au grand nombre de travailleurs potentiellement pris au piège de leurs dettes immobilières, serait de réduire les taux d’intérêts. Mais ceci est impossible parce que l’Irlande est enfermée dans l’euro. Il est allé jusqu’à dire que la meilleure chose pour l’économie serait de « capituler en laissant la monnaie se déprécier parallèlement au dollar afin de refaire une santé à notre secteur d’exportation », c’est-à-dire abandonner l’euro.

Mais, il conclut en disant qu’« il semble y avoir peu d’alternative à une récession, dont le principal fardeau sera porté par les jeunes banlieusards. »

Durant les semaines qui ont suivi les élections, les ministres Verts n’ont cessé d’exprimer les excuses du parti pour les relations que Fianna Fáil entretient avec le patronat. Le chapiteau de Fianna Fáil, qui sert à collecter les contributions effectuées durant la campagne de financement, est dressé tous les ans aux courses de chevaux de Galway (la plus grande manifestation du genre en Irlande). Des promoteurs et des notables locaux se rendant à cet événement grandiose rapportent quelque 160 000 euros à Fianna Fáil. Les Verts ont poliment exprimé l’espoir de trouver « un moyen de définir plus précisément ce qu’est un financement approprié. »

(Article original paru le 14 août 2007)


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