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et analyses : Moyen-Orient
Le Liban et le Kosovo: une comparaison instructive
Par Patrick Martin
10 ao�t 2006
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En plus de centaines de morts, nombre d�entre
eux massacr�s dans leurs maisons, des centaines de milliers de personnes prennent
la fuite, terrifi�es � l�id�e qu�il pourrait subir le m�me sort face � un
r�gime qui a une force militaire consid�rablement sup�rieure et qui affirme que
sa guerre contre une force terroriste lui donne le mandat d�expulser une
population enti�re. L�exode de masse est d�lib�r�ment encourag� par la
propagande du r�gime qui fait conna�tre les atrocit�s dans le but de cr�er la
panique au sein de la population. L�objectif final : le nettoyage ethnique
et le remplacement de la population locale par des colons mobilis�s par le
r�gime.
Tel �tait en mars-avril 1999 le sc�nario au
Kosovo et c�est ce qui est en train de se passer en juillet-ao�t 2006 au Liban
sud. La diff�rence, �videmment, est que dans le premier cas le gouvernement
am�ricain au pr�texte de la politique de nettoyage ethnique a d�clench� la
guerre, alors que dans le second cas, le nettoyage ethnique est un projet
commun isra�lo-am�ricain.
Au Kosovo, le r�gime du pr�sident serbe,
Slobodan Milosevic, �tait consid�r� comme un obstacle � la politique �trang�re
am�ricaine. C�est pour cette raison que le gouvernement Clinton avait initi�
une campagne de bombardement de l�OTAN qui aboutissait finalement au retrait
serbe du Kosovo alors que les m�dias am�ricains diabolisaient Milosevic comme le
nouvel Hitler des Balkans tout en chantant les louanges de l�Arm�e de
lib�ration du Kosovo (U�K) comme �tant des
� combattants de la paix �. (La tactique de l�U�K consistait � organiser des massacres de repr�sailles de civils
serbes et � d�poser des bombes dans des restaurants et des abris-bus �
Pristina, la capitale du Kosovo. Son financement venait en grande partie de
deux sources : des subventions de la CIA et du trafic de drogue.)
Aujourd�hui, le
gouvernement Bush consid�re l�expansionnisme isra�lien comme un �l�ment cl� de
sa strat�gie de refa�onner le Moyen-Orient et de donner � l�imp�rialisme
am�ricain le contr�le de vastes ressources p�troli�res. En cons�quence, les
Etats-Unis ont choisi de s�allier eux-m�mes � Isra�l, la puissance
envahissante, dans une op�ration o� des avions militaires fabriqu�s aux
Etats-Unis et pilot�s par des pilotes isra�liens lancent sur le peuple libanais
des bombes livr�es par les Am�ricains. La presse am�ricaine, en synchronisation
avec cette politique, excuse les atrocit�s comme �tant des actes d�auto-d�fense
tout en diabolisant les combattants du Hezbollah comme �tant des � terroristes. �
Dans la guerre au Kosovo,
la presse am�ricaine avait impitoyablement port� son attention sur la grande souffrance
des r�fugi�s du Kosovo, en exag�rant fortement le nombre de morts. Pour
justifier les bombardements des Etats-Unis et de l�OTAN, il y avait eu des
affirmations selon lesquelles plus de 100.000 civils auraient �t� assassin�s
par la milice serbe. Apr�s la guerre, des �tudes m�ticuleuses ont r�duit
l��valuation du bilan des morts au Kosovo � 6.000 dont seuls 2.000 �taient
morts avant que ne d�butent les bombardements des Etats-Unis et de l�OTAN.
Il est � peu certain que 2000
Libanais ont d�j� �t� tu�s durant trois semaines de bombardement et de tirs
d�artillerie isra�liens. Le chiffre officiel donn� par le gouvernement libanais
est de 1000 morts, mais il n�inclut pas les victimes qui sont enterr�es sous
les d�combres des immeubles d�truits partout dans le sud du Liban, dans des
villages et des villes qui restent inaccessibles � des agences ext�rieures. Et
pourtant, il n�y a eu ni cris d�indignation dans les cercles officiels aux
Etats-Unis en faveur d�un arr�t du massacre d�innocents au Liban, ni d�nonciation
d�Olmert comme boucher, ni proposition � ce que les Etats-Unis cessent leurs
livraisons de bombes et de missiles qui permettent de perp�trer ces crimes.
A l��poque de la guerre au
Kosovo, le pr�sident des Etats-Unis, le d�mocrate Bill Clinton, avait � maintes
reprises d�nonc� la politique du r�gime de Milosevic en Serbie dans des termes
qui, en ne modifiant que l�emplacement g�ographique, pourraient aussi bien
s�appliquer au gouvernement d�Olmert en Isra�l.
Au moment d�ordonner le
premier bombardement US/OTAN, dans une allocution, Clinton, demanda :
� Allons-nous, dans la derni�re ann�e du vingti�me si�cle, d�tourner le
regard au moment o� des peuples en Europe sont oblig�s d�abandonner leur foyer
ou de mourir, ou allons-nous faire payer ceux qui se conduisent ainsi et � ceux
qui cherchent � les aider. � Apparemment, cette critique ne s�applique pas
au Moyen-Orient o� le choix entre � abandonner son foyer ou mourir �
est pr�cis�ment celui devant lequel est plac�e la population au Liban sud.
Dans une allocution
radiodiffus�e faite le 3 avril 1999 depuis son bureau ovale, Clinton avait
dit : � l�objectif froid et clair � de Milosevic �tait de
� garder les terres du Kosovo mais de se d�barrasser de ses peuples �.
Douze jours plus tard, il d�clarait � l�Association am�ricaine des �diteurs de
journaux que Milosevic �tait � d�termin� � �craser toute r�sistance � sa
politique m�me au prix de transformer le Kosovo en une terre d�vast�e o� rien
ne poussera �. Le 11 juin 1999, la veille du d�ploiement des troupes de
l�OTAN au Kosovo, Clinton d�crivait les actions des Serbes comme � une
tentative d��radiquer de leurs terres la pr�sence m�me d�un peuple et de se d�barrasser
d�eux morts ou vivants �.
Tous ces commentaires s�appliquent
avec plus ou moins de force � la politique du gouvernement isra�lien. Les avions
militaires isra�liens ont l�ch� des centaines de milliers de tracts sur le
Liban sud pour demander � ce que l�ensemble de la population parte faute de
quoi elle sera cibl�e comme faisant partie du Hezbollah. Des enfants, des
personnes �g�es, des malades mentaux, des malades et des handicap�s, tous sont
menac�s de mort sous les bombardements a�riens s�ils n�abandonnent pas leurs
maisons pour franchir le fleuve Litani en direction du nord.
Crime apr�s crime, les
Isra�liens ont alors bombard� les convois de r�fugi�s qu�ils ont mis en mouvement
par leurs propres appels � des �vacuations de masse, ce que Milosevic n�avait
jamais tent� de faire. Il existe des rapports selon lesquels des tracts
mena�ant la population civile ont �t� l�ch�s dans les banlieues sud de Beyrouth
o� vit une population majoritairement chiite.
En d�autres termes,
l�objectif avou� des Forces isra�liennes de d�fense est le d�placement physique
de la population enti�re, qu�elle soit chiite, sunnite ou chr�tienne, ainsi que
la population chiite de Beyrouth, soit, pr�s de 50 pour cent de la population
libanaise. Si un autre gouvernement, � part celui d�Isra�l (et des Etats-Unis)
avait fait la m�me revendication, la presse am�ricaine l�aurait � juste titre qualifi�e
de nettoyage ethnique � une monstrueuse �chelle.
Au Kosovo comme au Liban,
le gouvernement am�ricain affirme d�fendre les plus hautes normes des droits de
l�homme et de la loi internationale. Dans les deux cas, il a soutenu des
bombardements massifs perp�tr�s par une puissance au niveau technique avanc�
contre un adversaire faible et relativement sans d�fense, en pr�sentant ces actes
comme une n�cessit� regrettable. Dans les deux cas, le gouvernement am�ricain
�tait complice de crimes de guerre, ex�cut�s directement par des forces
am�ricaines et leurs alli�s de l�OTAN contre la Serbie, et ex�cut�s par Isra�l
au Liban au moyen de bombes, de missiles et d�avions militaires am�ricains.
Des apologistes de
l�administration Bush et d�Isra�l refuseraient sans aucun doute de reconna�tre
la comparaison entre le Liban et le Kosovo. Ils affirmeraient qu�Isra�l n�a
aucune ambition territoriale au Liban sud et que la population arabe retournerait
chez elle une fois le conflit r�gl�. Le r�gime de Milosevic avait fait des
assurances identiques en 1999, mais le gouvernement am�ricain les repoussa
comme �tant une propagande cynique en maintenant que la Serbie devra �tre
jug�e, non pour ses intentions avou�es, mais pour la conduite ant�rieure de la
milice ethnique serbe en Bosnie et en Croatie.
Si les m�mes normes
s�appliquaient � Isra�l, on devrait alors conclure que la campagne de
bombardement et le d�placement de la population au Liban sud pourraient bien
mener � l�occupation, � la colonisation et aboutir finalement � la confiscation
d�finitive des terres.
Un sch�ma a exist� dans
chaque guerre isra�lienne depuis 1948, lorsque des populations arabes
palestiniennes avaient �t� forc�es de s�exiler tout comme c�est le cas pour les
Arabes libanais qui sont d�plac�s aujourd�hui. En 1948, les sionistes n�avaient
pas pu recourir � des m�thodes de haute technologie : le massacre de Deir
Yassin et d�autres villages commis par des terroristes tels les futurs premiers
ministres Menachem Begin et Yitzhak Shamir. De nos jours, ils utilisent des
armes de pr�cision et des tracts l�ch�s des avions, mais la strat�gie demeure
la m�me : en tuer quelques-uns et en faire paniquer beaucoup plus.
Du reste, il y a une
logique politique bien d�termin�e qui pousse le sionisme vers la confiscation
des terres arabes. Bien avant la cr�ation d�Isra�l en 1948, une importante
section du mouvement sioniste consid�rait que la rivi�re Litani, et non la
fronti�re actuelle, formait la fronti�re � naturelle � au nord de
l�Etat juif.
Du point de vue de la
s�curit�, l�expulsion permanente de la population arabe de la r�gion,
majoritairement musulmane chiite et pro-Hezbollah, est le seul moyen pour
garantir que les fus�es du Hezbollah n�atteignent plus Ha�fa et d�autres villes
isra�liennes.
Evidemment, toutes les
nouvelles colonies isra�liennes au Liban sud seraient elles-m�mes expos�es aux
tirs de fus�es en provenance de r�gions habit�es par une population arabe et situ�e
plus dans le nord du Liban. Il existe un dilemme auquel le projet sioniste a �
faire face depuis son d�but en 1948. Quelles que soient les fronti�res �tablies
apr�s avoir chass� ou vaincu la population arabe locale, elles resteront
vuln�rables � toute attaque ; plus les fronti�res seront �tendues, de 1948
� 1967 et � nos jours, plus la masse des r�fugi�s d�plac�s, d�poss�d�s et en col�re
sera grande et qui n�acceptera jamais la permanence de l�Etat d�Isra�l.
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