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Les médias, l'industrie du spectacle et Michael JacksonPar David Walsh Utilisez cette version pour imprimer Les arguments de l'accusation dans le procès de Mickael Jackson, pour agression sexuelle, qui entre maintenant dans sa troisième semaine à Santa Maria, en Californie semblent maintenant avoir été sérieusement mis à mal par le témoignage même de la victime présumée, le 14 mars. Le garçon de 15 ans a reconnu lors de son interrogatoire par l'avocat de la défense Thomas Messereau Junior qu'il avait déclaré à un responsable de son école que Michael Jackson ne l'avait pas agressé sexuellement. Le jour suivant, lors de l'interrogatoire du Procureur, Thomas Sneddon, l'adolescent déclara qu'il avait nié avoir été agressé sexuellement pour éviter d'être la risée de tous ses camarades de classe. Néanmoins, le fait que le garçon reconnaisse avoir eu une conversation avec un responsable de son école met en doute sa crédibilité et pourrait avoir une incidence sur les efforts déployés par le Procureur pour accuser Jackson de 10 délits pour lesquels le chanteur pourrait se voir condamné à une peine allant jusqu'à 20 ans de prison. L'accusation soutient que Michael Jackson a agressé sexuellement le jeune garçon, à cette époque âgé de 13 ans, dans son ranch de Neverland en février 2003. La défense affirme que la famille du jeune garçon a tout un passé d'accusations douteuses portées dans le but d'obtenir de l'argent et que le procès actuel est une tentative de plus dans ce sens. Lors des premières semaines du procès, les plaignants appelèrent à la barre des témoins l'accusateur, son frère et sa soeur. Les deux garçons dressèrent toute une liste d'accusations contre le chanteur, affirmant qu'il les avait encouragés à boire de l'alcool, leur avait fourni des revues pornographiques et s'était livré à des attouchements déplacés sur le plus âgé des deux. La défense releva des incohérences dans les dépositions des témoins et suggéra qu'on leur avait dit de mentir. Le procès Jackson est devenu le dernier scandale médiatique du moment avec couverture complète jusqu'à saturation et interminable battage faisant partie de l'effort des agences d' « information », contrôlées par les grands groupes, de corrompre et de rendre vulgaire l'appréciation du public. Il ne faut pas s'étonner de l'aspect sordide de ce procès. Peut-on s'attendre à autre chose d'un procès modelé par les éléments typiques et déplorables de la vie américaine actuelle - argent, célébrité et un intérêt malsain pour le sexe ? On distingue différents aspects à ce spectacle. Tout d'abord il y a l'habituelle « passion pour Michael Jackson ». Jeudi dernier, le chanteur s'est presque évanoui. Il n'a pas réussi à arriver à l'heure au tribunal, ce qui irrita le juge qui menaça de mettre fin à sa liberté sous caution. Il semble que Jackson avait été admis aux urgences d'un hôpital pour un problème de dos et il se présenta au tribunal avec plus d'une heure de retard en pantalons de pyjama, pantoufles et veston. Après avoir vu la pop star dans cet état, son ancien « conseiller spirituel », le Rabbin Shmuley Boteach confia à un journaliste de télévision qu'il craignait que le chanteur ne meure avant la fin de son procès. Nous ne prétendons pas savoir si Michael Jackson est coupable ou non de ce dont il est accusé. C'est à l'évidence un homme en proie à de très intenses conflits intérieurs, tout à fait capable de comportements bizarres. Du fait qu'une très grande partie de sa vie est étroitement liée à l'adulation populaire, il semble que, quel que soit le verdict du procès, Michael Jackson en sortira sérieusement atteint. On se demande s'il pourra survivre à ce portrait de lui le présentant comme un violeur d'enfant et un « monstre ». On dit aussi que l'état de ses finances est de plus en plus en péril. Qu'il soit reconnu coupable de maltraitance à enfant ou non, il est évident que Michael Jackson a besoin d'une aide psychologique. On peut néanmoins se demander si même la thérapie la plus intensive pourra jamais réparer les dégâts causés par une vie passée sous les feux de la rampe américaine. Il est difficile de trouver une entreprise sociale plus impitoyable que le « show business » américain. On peut dire que le show business a, sur les mains, le sang d'un nombre incalculable d'individus talentueux. L'enrichissement énorme et soudain, l'adulation du public (souvent teintée de jalousie et de ressentiment), associé aux d'exigences commerciales incessantes se révèlent souvent être une combinaison fatale sur le plan physique, artistique ou les deux à la fois. La métaphore de la « passion » n'est pas complètement déplacée. La superstar du spectacle est le point de mire d'un grand désarroi populaire, en particulier de nos jours aux Etats Unis ou tant de gens sont complètement désorientés du point de vue tant émotionnel qu'intellectuel. Jackson, issu d'une famille d'ouvriers de Gary (Indiana) est parfaitement conscient des besoins de son public et travaille consciencieusement à le satisfaire. On imagine bien qu'il ressent cet énorme désir populaire comme une pression et une exigence et qu'il trouve cette croix lourde à porter. Il doit aussi sentir que s'il arrivait que cette adulation soit trahie par les mauvaises actions de celui dont elle est l'objet, cela pourrait rapidement se retourner contre lui. Les exigences émotionnelles du public sont plus que satisfaites par les exigences financières insatiables de l'industrie du show business. Il n'existe nul autre endroit au monde où la métamorphose (qui s'est passée relativement en douceur) de l'artiste vedette en une machine à réaliser des bénéfices aie été autant perfectionnée et ce avec des résultats aussi dévastateurs. Bien sûr, il est possible que l'artiste, pas plus d'ailleurs que les décideurs de l'industrie du spectacle, ne saisissent tous les éléments de cette problématique- mais les conglomérats du « show business » peuvent être comparés à un vampire qui sucerait inexorablement jusqu'à la dernière goutte la créativité et la vie de l'artiste. Finalement ce que l'industrie du spectacle gagne se fait nécessairement aux dépens de l'artiste. L'inverse est tout aussi exact : dans la mesure où l'acteur ou le chanteur individuel refuse de rendre son âme entièrement disponible à la marchandisation, il vole la maison de disque ou le studio de cinéma. C'est là un combat, souvent au sens propre du terme, jusqu'à la mort. Michael Jackson a une carrière dans le spectacle plus astreignante et plus « entière » que la plupart. Presque toute sa vie il a été une star. C'est à l'industrie musicale qu'il doit en grande partie ce qu'il est devenu. Comme nous l'écrivions au moment de son arrestation fin 2003, « Pourquoi donc la transformation physique de Jackson devrait-elle choquer qui que ce soit ? Il n'a fait que suivre les directives mêmes de sa culture, sa totale soumission à l'artificiel, jusqu'à sa conclusion logique, pour ne pas dire grotesque. « Il semble que son manque de maturité découle des mêmes faits - une vie passée dans le cocon du show business, dans une certaine mesure accompagné d'un entourage gigantesque prêt à accomplir ses moindres désirs. Le « complexe de Peter Pan », les mariages apparemment truqués, la mère porteuse de son troisième enfant - tout semble désigner un homme empêtré dans une série d'exigences contradictoires ». Il est vrai aussi que l'affaire Michael Jackson a tout à fait sa place dans la vie politique officielle américaine, particulière et étriquée. Il ne fait aucun doute que Sneddon, le Procureur de Santa Barbara, ait voulu faire de ce procès une question toute personnelle. Après avoir tenté, sans succès, d'inculper le chanteur pour des faits similaires en 1993, il devint la cible à peine déguisée de Michael Jackson dans une de ses chansons. Néanmoins, l'hostilité envers Jackson d'un Sneddon, républicain conservateur extrêmement répressif, surnommé à une époque « le chien fou », ne se limite pas à cela. Jackson, vaguement perçu comme une icône libérale, est devenu une bête noire utile pour l'extrême droite. C'est une des cibles humaines contre lesquelles les éléments réactionnaires tentent de canaliser la rage désorientée ressentie par la population américaine. Il ne faut pas chercher bien loin pour trouver racisme et homophobie dans leurs attaques. Aucun châtiment n'est assez sévère (que ce soit la prison à vie, la castration ou la peine de mort) pour cette droite strictement moraliste qui est toujours à la recherche du stupre. A l'évidence, ceux qui pratiquent la chasse aux sorcières en matière de sexualité sont fascinés et attirés par ce qu'ils essaient de condamner. C'est là un exemple de la tradition puritaine américaine mise sens dessus dessous. L'affaire Clinton - Lewinsky a ouvert les vannes de la luxure dans les médias et de l'obsession de la perversité et ces vannes ne se sont jamais refermées. La soif dans les milieux conservateurs et proto-fascistes pour les histoires sordides des personnalités qu'ils méprisent, même s'ils ont recours à l'exagération ou à l'invention, n'est jamais étanchée. De leur côté, les grands médias adoptent une politique du double discours dans les cas semblables à l'affaire Jackson. D'un côté, les chaînes de télévision et les journaux rivalisent pour livrer au public les dernières informations salaces. Par ailleurs, les éditorialistes et les chroniqueurs déplorent l'importance accordée à de telles affaires ainsi que la chute des valeurs morales d'un public qui réclame toujours plus de détails. Que le public soit ou non fasciné, et il est vrai que l'on ressent une certaine lassitude par rapport à l'affaire Jackson, on ne lui donne guère le choix. Les scandales mis en avant par les médias se succèdent avec une régularité mécanique. Chaque scandale fait les gros titres nationaux pour ensuite disparaître et laisser la place à un nouveau scandale. Si deux semaines s'écoulent sans nouveau scandale dans la vie des célébrités ou sans crime scabreux, les médias et leurs présentateurs commencent visiblement à s'agiter. Les affaires Kobe Bryant, Martha Stewart, Scott Peterson, Robert Blake et Jackson ont tendance à se fondre et à former une longue et indigne attaque contre l'intelligence et la décence du public. La tendance générale des médias américains est marquée par un vaste développement du « journalisme de caniveau » caractérisé par le sensationnalisme et le commerce du scandale, que l'on trouve même dans des parutions « respectables ». Ceci peut s'expliquer par des causes sociales profondes. Les Etats-Unis sont un pays où les contradictions et les tensions sociales fermentent et dont on ne peut discuter ouvertement. Le large gouffre entre l'élite et le reste de la population doit demeurer un secret en ce qui concerne les médias. Et cependant les médias officiels sont au courant du mécontentement et de l'agitation omniprésente dans la vie de tous les jours aux Etats-Unis et qui s'expriment le plus souvent dans des actions antisociales violentes. Le rôle du « journalisme de caniveau » est de canaliser l'hostilité populaire sans jamais lui permettre de se concentrer sur les relations sociales qui sous-tendent le capitalisme. Il est relativement facile de manipuler un mécontentement populiste confus contre des artistes ou des athlètes surpayés ou même contre les pratiques délictueuses d'une entreprise. Il y a aussi un besoin particulier de détourner l'attention non seulement de la guerre en Irak, avec son cortège de pertes humaines et d'atrocités mais également d'autres actes d'agression en préparation, que ce soit contre la Syrie, ou contre l'Iran ou contre tout autre pays dans le collimateur de l'impérialisme américain. Le sort judiciaire de Michael Jackson reste incertain. Les médias, qui changent de ton d'un jour sur l'autre, hésitent quelque peu quant à la tournure que devraient prendre les choses. Il est possible que le chanteur soit condamné et marqué du sceau de «prédateur sexuel » - ce qui ravirait très certainement de nombreuses personnalités influentes des médias. Il est également possible que Jackson soit « innocenté » et qu'on lui accorde au moins le réconfort d'un retour partiel, dans ce dernier cas on nous rappellera que pas même un jour le chanteur n'a cessé d'être une des icônes de la culture populaire américaine. Dans les deux cas, le cirque des médias pliera bagage et passera à autre chose, sans se soucier le moins du monde des dégâts causés.
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