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Immigration-Canada falsifie des documents pour discréditer des demandeurs d'asilePar François Legras Des notes récemment publiées concernant une audition secrète sur le comportement d'agents d'Immigration-Canada ont révélé que ceux-ci ont fabriqué un faux document visant à discréditer un demandeur du statut de réfugié. Cette révélation, et plusieurs autres de même nature, ne sont que la pointe de l'iceberg d'un comportement parfois criminel qui viole les droits démocratiques les plus élémentaires des personnes qui demandent l'asile au Canada. « Certaines personnes responsables de l'application des mesures de sécurité à l'immigration, s'imaginent que les gens de l'autre côté font n'importe quoi pour entrer au pays; dès lors, c'est correct pour eux de faire tout ce qu'ils peuvent pour les garder (les réfugiés) en dehors et ils n'ont aucune retenue », explique Mr Matas, avocat spécialisé en immigration et ex-président du Conseil canadien pour les réfugiés. Suite à une demande de statut de réfugié, Mr Goven, qui est à l'origine de cette affaire, a reçu un avis de convocation le référant pour une enquête devant le SCRS (Service canadien du renseignement de sécurité) car il est soupçonné d'être un terroriste kurde (il a été lavé depuis ce temps de tout soupçon le reliant à de soi-disant terroristes). Il allait être cuisiné, intimidé et rudoyé durant 8 heures par les enquêteurs du SCRS. Choqué par ces méthodes qu'il voulait justement fuir en demandant le statut de réfugié, Goven a porté plainte contre les agents du SCRS auprès du CSARS (Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité). La date et la durée de l'interrogatoire sont des éléments clé de la plainte de Goven. Or, au cours de l'audition devant le CSARS, les représentants du département de l'immigration ont produit un faux avis de convocation qui réduit considérablement la durée de l'interrogatoire en modifiant l'heure de la convocation. L'adresse de Goven apparaissant sur l'avis a aussi été modifiée. « Ces modifications avaient pour objectif de détruire la crédibilité de la version de Goven », selon le témoignage rendu devant le CSARS par Sharryn Aiken, l'avocate qui représentait Goven en 1994 et qui est actuellement professeur de droit. « L'immigration ne fabrique pas de faux document, n'utilise pas d'appareil pour décoder des messages secrets ou de l'encre éphémère», a cependant affirmé Derik Hodgson, représentant d'Immigration-Canada et de la ministre Elinor Caplan. Dans le cas de Goven, le document incriminant a été produit à partir des ordinateurs du département de l'Immigration. Hodgson met le tout sur le compte du système informatique qui aurait généré l'avis de convocation modifié. Argument rejeté par le président du CSARS, Bob Rae, ancien chef du NPD ontarien et ex- premier ministre de cette province : « L'ordinateur répond aux instructions humaines. Quelqu'un a commandé à l'ordinateur de produire ce document, et c'est de la fabrication de faux.» « S'ils ont falsifié ce document, dieu sait ce qu'ils ont pu falsifier d'autres », a déclaré Goven lors d'une entrevue. Il semblerait que ce soit monnaie courante que des agents d'immigration abusent de leur pouvoir très étendu pour voler ou fabriquer des documents cruciaux pour les demandeurs de statut de réfugié, afin de pouvoir rejeter leurs demandes et les refouler hors du Canada. Il n'y a aujourd'hui pratiquement aucune possibilité de contrôler les actions des agents d'immigration. En effet, selon l'avocat spécialisé en immigration et président de la section immigration du barreau canadien, « Le système est basé sur la confiance » et c'est pourquoi il devrait y avoir une enquête approfondie sur cette affaire. « Ils [les agents d'immigrations] font ce qu'ils veulent » selon Janet Dench, directrice du Conseil canadien pour les réfugiés. Elle demande que le département d'immigration crée un bureau des plaintes indépendant et mandaté pour enquêter sur les plaintes des gens victimes de gestes douteux de la part des agents d'immigration. Selon les informations publiées dans le Globe and Mail, deux agents seniors d'immigration ont été trouvés coupables l'an dernier d'avoir falsifié des documents depuis 1990. L'enquête avait débuté par la plainte de six visiteurs tombés entre les pattes de ces deux agents. Toujours selon le Globe, en 1996, deux autres agents basés à Toronto, ont reconnu avoir falsifié des documents dans le dessein de provoquer la déportation d'un demandeur de statut de réfugié vers le Libéria. En 1995, le responsable du centre d'Immigration- Canada de Winnipeg a été suspendu après avoir admis publiquement qu'il avait, à deux reprises, falsifié la signature d'un déporté sur des documents de voyages officiels. Le traitement de cette affaire par le gouvernement et les médias est révélateur. Seulement deux articles ont été publiés sur ce qui semble une véritable « façon de faire » aux frontières et à l'intérieur du Canada. Au contraire, il y a deux ans, les journaux ont alimenté une campagne hystérique contre plusieurs centaines d'immigrants chinois que des « passeurs » avait amenés sur les côtes de la Colombie-britannique à bord de navires délabrés et dans des conditions indescriptibles. La droite canadienne avait alors accusé le gouvernement libéral de les avoir laissé profiter des soi-disant failles de la loi sur l'immigration, au lieu de les renvoyer immédiatement en Chine. Ces réfugiés chinois avaient été gardés détenus en quarantaine et forcés de comparaître enchaînés (même les enfants) devant les autorités administratives. En bout de ligne, seulement quelques-uns d'entre eux se sont vus octroyer le statut de réfugié, tous les autres étant déportés. Le gouvernement libéral a aussi été mis sur la défensive après que le ministre des Finances Paul Martin ait participé à une soirée organisée à Toronto par une association culturelle de Tamouls sri-lankais. Qualifiant celle-ci de « terrorriste » à cause de ses liens présumés avec le LTTE (mouvement indépendantiste tamoul du Sri-Lanka), l'Alliance Canadienne et le National Post ont accusé le gouvernement Chrétien d'avoir cautionné par sa présence le « terrorrisme international ». Mais ils ont passé sous silence l'oppression historique de la minorité tamoule par l'État sri-lankais, lequel est présentement engagé dans une guerre sanglante pour perpétuer cette politique. Alors que les médias font écho à la campagne hystérique qui dépeint le Canada comme une véritable passoire pour les « faux » réfugiés et les terrorristes, le gouvernement Libéral de Chrétien s'accomode aux pressions de la droite canadienne et américaine. Tout en cherchant à projeter une image de « compassion
» envers les réfugiés et les immigrants,
Ottawa s'apprête à introduire plusieurs durcissements
à la loi sur l'immigration, qui vont servir sans aucun
doute à légitimer le comportement anti-démocratique
manifesté de plus en plus par les agents d'immigration.
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