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Le gouvernement de la Colombie-Britannique sabre dans les taxes des corporations et brise des grèvesPar Keith Jones Il n'a pas fallu longtemps au nouveau gouvernement libéral de Colombie-Britannique avant qu'il ne mette en oeuvre son programme agressif contre la classe ouvrière. Quelques jours après un discours du trône où ils avaient ouvertement déclaré : « Notre province a des nouveaux dirigeants qui croient en la concurrence et embrassent le principe du profit », les libéraux ont déposé un mini-budget ce lundi 30 juillet qui diminuaient les taxes des corporations de deux cent cinquante millions de dollars cette année et de six cents millions l'an prochain. En tout, les libéraux ont diminué ou carrément éliminé sept taxes des corporations. Les manufacturiers et les industries primaires ont été exemptés des taxes sur l'achat de machinerie et d'équipement, la taxe sur le capital des corporations diminuera pendant les deux ans pour finalement disparaître, et prenant effet le premier janvier 2002, le taux d'imposition pour les corporations diminuera de trois points pour atteindre treize et demi pour cent. Il va sans dire, la grande entreprise a acclamé les diminutions d'impôts. Le président de la Chambre de commerce de Colombie-Britannique, John Winter, a dit que les libéraux avaient offert au monde des affaires de la province le « big bang » qu'il souhaitait. « La plupart des gouvernements au Canada ont tendance à mettre la pédale douce quant aux réductions de taxes », a déclaré un enthousiaste Jock Finlayson du Business Council of British Columbia. « Ce gouvernement y va à fond de train » a-t-il ajouté. En juin, moins de vingt-quatre heures après qu'ils aient formé le gouvernement, les libéraux ont annoncé un programme de plusieurs milliards de dollars en réduction de l'impôt sur le revenu des personnes, dont la plus grande partie ira aux plus riches. Lorsque l'on additionne les diminutions d'impôts sur le revenu des personnes et celles des taxes des corporations, on arrive à la somme de 1,2 milliard cette année et 2,1 milliards pour l'exercice financier de 2001-2002. Ces diminutions colossales ont eu l'effet d'une bombe pour les finances publiques. Les libéraux, qui dans l'opposition avaient mené une campagne contre les néodémocrates parce que ces derniers n'avaient pas équilibré le budget provincial, estiment que la Colombie-Britannique connaîtra un déficit de 1,5 milliard cette année et de 2,1 milliards l'an prochain. De plus, le ministre des Finances libéral, Gary Collins, a donné l'avertissement qu'à moins que le gouvernement de Colombie-Britannique ne prenne des mesures radicales pour diminuer les dépenses gouvernementales, le déficit de la province pourrait atteindre 5 milliards de dollars dans trois ans, c'est-à-dire la même année pour laquelle les libéraux promettent un budget équilibré. Les diminutions d'impôts des libéraux apparaissent donc comme étant beaucoup plus qu'un plan pour remplir les poches des couches les plus privilégiées de la société. Elles ont pour but d'amener le gouvernement dans une crise fiscale pour justifier un assaut tous azimuts contre les services sociaux publics. La grande entreprise et la droite l'ont bien reconnu et ont favorablement accueilli l'annonce que le déficit allait considérablement enflé . Dans leur mini-budget, les libéraux ont annoncé trente-huit millions de compressions budgétaires pour les garderies, les programmes environnementaux et les programmes de formation à l'emploi pour les assistés sociaux. Mais cela ne représente qu'un faible aperçu des compressions dans les dépenses sociales que les libéraux devront faire s'ils veulent transformer le déficit appréhendé de cinq milliards de dollars en l'an 2004 en un surplus budgétaire. Le ministre des Finances a ordonné « une étude des services de base » de toutes les agences gouvernementales et a promis que les libéraux arriveront à une proposition de restructuration radicale des dépenses gouvernementales pas plus tard qu'en février 2002, à temps pour le prochain budget provincial. Dans une entrevue qu'il accordait au National Post, Collins a promis que peu importait combien important devenait le déficit, le premier ministre, Gordon Campbell, et lui ne reviendraient sur aucune de leur diminution d'impôts. « Nous n'avons pas le choix là-dessus » a dit Collins. Il ne lui reste donc plus pour équilibrer son budget que les diminutions des dépenses et l'imposition de frais de gestion. « Nous allons étudier chaque ministère et chaque programme avec en tête la dure question : "Est-ce que le gouvernement doit continuer à offrir ce service ?" Et cela ne signifie pas que le programme sera coupé de dix pour cent, mais bien qu'il pourra être entièrement éliminé. » C'est pour ouvrir la voie à ces importantes coupes budgétaires dans les services publics que les libéraux préparent un assaut législatif contre les droits syndicaux des travailleurs du secteur public. Plus tard au courant de ce mois, les libéraux introduiront une loi déclarant que l'éducation est un « service essentiel » dans le but d'enlever le droit de grève aux enseignants et aux autres employés des commissions scolaires. La toute première loi votée par le gouvernement libéral interdisait toute grève pour les infirmières et les autres travailleurs de la santé pour une durée de soixante jours. Votée en juin, la loi, celle du « refroidissement des esprits », stoppa la campagne de refus des heures supplémentaires des infirmières ainsi que la grève d'un jour des14,000 techniciens, pharmaciens et autres professionnels de la santé. À la fin du mois passé, la loi fut brandi de nouveau pour menacer les membres du HSA (association syndicale des professionnels de la santé) de lourdes amendes alors qu'ils retournaient brièvement sur les piquets de grève. Mercredi, les libéraux ont voté une loi qui ordonnait aux travailleurs du transport en commun de la région de Vancouver, en grève depuis quatre mois, de retourner au travail et leur imposait du même coup, un nouveau contrat. Alors même que les TCA, qui représentent la plupart des 3500 travailleurs de la Coast Mountain Bus Company, expriment leur appui au contrat - dicté par le gouvernement libéral - ce dernier est concu pour permettre à la compagnie d'atteindre ses principaux objectifs : la possibilité d'embaucher des conducteurs à temps partiel et de faire effectuer des tâches jusqu'alors réservées aux travailleurs syndiqués par des sous-contractants. L'intervention des libéraux dans la grève du transport public et sa modification du rapport du médiateur, afin de placer le principe de «l'efficacité» au centre du nouveau contrat de travail, n'a pas échappé aux observateurs de la politique en Colombie-Britannique. Les libéraux, a expliqué le chroniqueur au Vancouver Sun, Vaughn Palmer, « croient que les conventions collectives actuelles [du secteur public] ... sont surchargées de clauses qui restreignent les moyens des gestionnaires d'augmenter l'efficacité et de réduire les coûts ». Aussi, pour ne pas « reculer dans leurs propres efforts d'obtenir des concessions des autres syndicats de la fonction publique », les libéraux « ont poussé un peu plus fort pour donner à la compagnie ce qu'elle voulait en terme de flexibilité de gestion du système ». Que la direction des TCA ait si bien accueilli la loi antisyndicale des libéraux est indicatif de l'attitude de la bureaucratie ouvrière envers le nouveau gouvernement. Pendant des années, les syndicats ont travaillé pour supprimer toute opposition populaire au gouvernement provincial du Nouveau parti démocratique (NPD) sous prétexte qu'un défi de la classe ouvrière aux sociaux-démocrates ouvrirait la voie du pouvoir aux libéraux avec leur programme ouvertement de droite comme celui mis en oeuvre par les conservateurs en Ontario et en Alberta. Aujourd'hui, alors que les libéraux ont su exploiter la grogne populaire contre le NPD pour s'assurer une imposante majorité parlementaire - ils détiennent soixante-dix-sept des soixante-dix-neuf sièges de l'assemblée législative - les bureaucrates syndicaux tournent leurs chemises devant les libéraux et demande au gouvernement de bien vouloir accepter leur collaboration. Le président de la Fédération du travail de Colombie-Britannique, Jim Sinclair, a récemment louangé le premier ministre Campbell « pour s'être déplacé vers le centre ». « Je crois, a dit Sinclair, [que Campbell] veut honnêtement construire une meilleure province. » La grande entreprise à travers le Canada a reconnu que les diminutions des taxes et des impôts sonnaient une nouvelle charge contre les services sociaux publics. Dans son principal éditorial mardi dernier, le National Post de Conrad Black a pressé Campbell de menacer les infirmières de congédiement en masse si elles continuaient leur campagne de démissions pour protester contre les offres misérables du gouvernement. « M. Campbell, peut-on lire dans le Post, devrait mettre un terme au bluff des infirmières et menacer de congédier les infirmières rebelles - de la même façon que Ronald Reagan, lorsqu'il était président des États-Unis, a congédié 11 000 membres de PATCO (l'organisation syndicale des contrôleurs aériens aux États-Unis) en août 1981. » Au même moment, les représentants de la classe dirigeante qui font preuve de plus de finesse ont averti le gouvernement Campbell d'être prudent dans son empressement à pousser le climat politique plus à droite pour ne pas miner ses principaux alliés sociaux pour faire régner l'ordre dans la classe ouvrière. Plusieurs éditoriaux ont critiqué les libéraux pour avoir refusé d'amender les règles du parlement pour que le NPD soit reconnu en tant qu'opposition officielle ou au moins qu'il obtienne le statut de parti officiel. Si les opposants aux libéraux, écrivait le Business in Vancouver, « décidaient qu'ils devaient bloquer les routes, construire des barricades et fermer des services publics pour se faire entendre, l'investissement continuerait à éviter la Colombie-Britannique. Ce qui serait bien pire que de donner un peu de légitimité à Joy MacPhail [le chef par intérim du NPD] ». Les libéraux ont aussi été critiqués parce qu'ils envisageaient d'organiser un référendum provincial sur le gouvernement autonome des Autochtones. Le gouvernement libéral fédéral et le précédent régime néodémocrate de la Colombie-Britannique ont mené des négociations pendant des années sur les traités avec les nations indiennes de la province. Le processus de traités avec les Autochtones a supposément pour but de mettre fin à des décennies d'abus des Amérindiens par l'État et les faire sortir des conditions de vie comparables à ce que l'on trouve dans les pays du Tiers-Monde. En réalité, les efforts pour créer « un troisième palier de gouvernement » ont pour objectif de cultiver une petite-bourgeoisie amérindienne et à accroître la légitimité de l'État, ce qui permettra de mieux contenir le mécontentement des Autochtones et ouvrira la voie à une nouvelle ronde de mégaprojets. Ce sont les raisons pour lesquelles le processus de renouvellement des traités a reçu l'appui immodéré des principales compagnies minières et forestières de la province. Toutefois, les libéraux de Colombie-Britannique ont
pensé qu'il leur serait plus utile pour gagner un appui
dans la petite-bourgeoisie de déguiser leur programme
de droite en faveur de la grande entreprise en défiant
le consensus de l'élite sur la question autochtone. Mettant
la réalité sur sa tête, les libéraux
ont déclaré que les Amérindiens historiquement
opprimés étaient en fait favorisés et ont
attisé la crainte chez les pêcheurs et d'autres
communautés de la province que leur accès aux ressources
naturelles et aux emplois pourrait se trouver menacé avec
les nouveaux traités. Les sections les plus puissantes
de la classe dirigeante espèrent que les libéraux
oublieront tranquillement leurs propositions de référendum
maintenant qu'ils ont le pouvoir et au cours des dernières
semaines, ils ont reçu à cet effet plusieurs appels
d'Ottawa, du monde des affaires et des dirigeants autochtones.
Néanmoins, dans leur récent discours du trône,
les libéraux ont réitéré leur intention
de tenir un référendum sur la question des traités
avant mai de l'an prochain.
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