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La loi 160: une arme nécessaire selon la cour d'appel du Québec

Par François Legras
9 novembre 1998

La cour d'appel du Québec, le plus haut tribunal de la province, vient de confirmer la validité de la loi des services essentiels, la loi 160. Cette loi élimine virtuellement le droit de grève et de protestation pour les travailleurs de la santé et impose de sévères restrictions au droit de grève des autres travailleurs du secteur public assurant des services « essentiels » comme par exemple, les travailleurs municipaux et les chauffeurs d'autobus.

La décision de la cour d'appel renverse une décision de la cour supérieure qui avait déclaré illégale une partie de la loi 160 permettant au gouvernement d'éliminer par décret une année d'ancienneté par journée de grève pour les travailleurs de la santé participant à une grève illégale. Alors que la cour supérieure avait considéré que cette disposition était nettement disproportionnée et portait « atteinte d'une façon démesurée au droit à la sécurité des travailleurs », la cour d'appel justifie sa décision : « ...en tenant compte de tout le contexte, on ne peut soutenir que ces sanctions sont (...) disproportionnées. » Il est évident que cette mention du « contexte général » indique que le tribunal était préoccupé par le caractère subversif d'un mouvement de masse des travailleurs en violation de la loi.

Le conseil des services essentiels fait parti de l'arsenal du gouvernement depuis 1982, date à laquelle il a été créé par le Parti Québécois lors de son deuxième mandat en vue des négociations avec les travailleurs du secteur public. En 1986 le gouvernement libéral adopte la loi 160 qui élargit les pouvoirs du conseil en introduisant toute une série de pouvoirs extraordinaires. La loi vise la quasi totalité des travailleurs du secteur public et le conseil a le pouvoir de décider quel groupe doit être visé par le maintien des services essentiels.

Le syndicat et le patronat doivent s'entendre sur une « liste » de services essentiels et la soumettre au conseil qui détermine si c'est suffisant. S'il n'y a pas d'entente possible entre les parties, c'est le conseil qui impose la liste. La loi prévoit des sanctions extrêmement sévères lorsque le syndicat ne respecte pas ces normes minimales. S'il y a violation, le gouvernement peut, par décret, modifier unilatéralement la convention collective, imposer des amendes de 25 à 100 $ pour les travailleurs, de 5 000 à 25 000 $ pour les chefs syndicaux et de 20 000 à 100 000 $ pour les syndicats pour chaque jour de grève illégale. Le gouvernement peut aussi interrompre la perception à la source des retenues syndicales, baisser le salaire de 20 %, et faire perdre de l'ancienneté aux syndiqués. Cette dernière mesure est la plus radicale, ayant des effets sur toute une série d'autres disposition du contrat de travail, comme le salaire, la pension, la liste de rappel et la sécurité d'emploi.

Les sanctions de la loi 160 ont été appliquées massivement pour la première fois en 1989 après la grève illégale d'une semaine des 200 000 travailleurs de la santé, des enseignants et autres travailleurs du secteur public québécois. L'opposition de masse à la loi 160 et à toute une batterie de mesures antisyndicales remettait alors en question la légitimité du gouvernement libéral de Bourassa. Avant le début de la grève, les syndicats avaient refusé de préparer les travailleurs en soulevant la question de la lutte contre la loi. Une telle lutte aurait soulevée des questions politiques qui auraient eu des conséquences imprévisibles sur le déroulement du conflit, déjà très explosif, que la direction syndicale voulait à tout prix éviter. Une fois le conflit engagé et face à un mouvement déterminé des travailleurs, les dirigeants syndicaux ont, au nom de la « sauvegarde de la paix sociale », démobilisé le mouvement en imposant une « trêve » qui c'est avérée en fait une capitulation complète. Cette « trêve » a permis au gouvernement de contre-attaquer et d'appliquer massivement les dispositions draconiennes de la loi 160 incluant la perte d'ancienneté d'un an par journée de grève.

Les libéraux et le Parti Québécois ont maintenu la loi au nom de l'intérêt public. La juge Rousseau-Houle, de la Cour d'Appel reprend cet argument fallacieux : « Le gouvernement a choisi de donner préséance aux droits des malades. » déclare la Cour. Cet argument est clairement réfuté par un bilan sommaire de la politique gouvernementale dans le secteur public : 3 milliards de dollars ont été coupés dans la santé et 7 hôpitaux fermés. De plus, 15 000 emplois dans la santé et 30 000 dans le secteur public ont été éliminés. Il y a un manque chronique de médecins et de spécialistes, les employés de soutien et les infirmières sont épuisés et plusieurs grèves sauvages ont explosé aux cours de la récente période. Régulièrement, les journaux rapportent des décès dans les hôpitaux qui sont directement attribuables à l'épouvantable détérioration des services et de la longueur de la liste d'attente pour obtenir des soins « essentiels ». Actuellement, même sans grève, les services essentiels ne sont pas assurés. C'est tellement vrai qu'une grève des heures supplémentaires des infirmières a été jugée illégale par le conseil cette année.

Historiquement, la lutte des travailleurs du secteur public été intimement liée au développement des services publics. Les attaques du gouvernement contre ces travailleurs ont pour objectif le démantèlement de l'État providence et la dichotomie entre les utilisateurs et les travailleurs du secteur public ne vise qu'à mobiliser l'opinion publique contre les travailleurs et à semer la division.

Dans les négociations à venir, le gouvernement va brandir la menace de la loi 160. Déjà le conseil des services essentiels est entré en action en déclarant qu'elle prendrait la responsabilité de faire appel aux tribunaux pour faire déclarer illégale la journée de grève annoncée par les professeurs sous prétexte que le syndicat n'aurait pas respecter toutes les étapes préliminaires. Il s'agirait d'un précédent qui constituerait une tentative claire de la part du conseil d'élargir son mandat au delà de ce qu'il est actuellement. Il sera impossible pour les travailleurs de mener la lutte contre les coupures dans les conditions de travail, les emplois et la défense des programmes sociaux sans s'opposer et violer la loi 160. Un tel mouvement des travailleurs devra prendre une forme politique, basée sur une nouvelle perspective représentant les intérêts politiques indépendant des travailleurs qui unira non seulement les employés de l'État, mais tous les travailleurs et les utilisateurs des services publics. La question qui doit être posée est la suivante : les services de santé, d'éducation et autres services publics devraient-ils être subordonnés aux diktats des « marchés » et des profits d'une infime minorité de la population, qui utilise ces propres services privés de santé et d'éducation, ou doivent-ils être organisés et dispensés selon les besoins réels de la société et des masses de gens qui en dépendent ?


Voir aussi:
Les enseignants défient le Conseil des services essentiels et la trêve syndicale en tenant une journée de grève 26 novembre 1998

 

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