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Les tendances déflationnistes s’amplifient en Europe pendant que le chômage persiste à un niveau record

Par Stefan Steinberg
6 février 2014

Selon les tout derniers chiffres publiés par l’Office statistique de l’Union européenne, Eurostat, le chômage persiste à un niveau record dans les 17 pays de la zone euro alors que les tendances déflationnistes s’intensifient. Les tout derniers chiffres réfutent une série d’articles de presse rapportant que l’Europe serait en train de sortir de la crise économique qui a débuté en 2008.

Selon le rapport d’Eurostat publié vendredi dernier, le chômage est resté inchangé, en octobre, dans la zone euro à un niveau élevé de 12 pour cent alors que l’inflation était une nouvelle fois en baisse à 0,7 pour cent en janvier. La baisse de l’inflation des prix reflète les effets dévastateurs des programmes d’austérité appliqués à travers le continent par l’Union européenne et le gouvernement allemand.

La baisse de l’inflation des prix au cours de plusieurs mois est essentiellement due à l’impact de l’accroissement du chômage et de la contraction des revenus sur les dépenses des consommateurs. Le pourcentage de 0,7 pour cent en janvier est nettement inférieur au taux d’inflation de 2 pour cent fixé par la Banque centrale européenne.

Lundi, Wolfgang Münchau, éditorialiste du Financial Times a exprimé des craintes concernant les répercussions de la tendance croissante vers une déflation en Europe. Dans un article débutant par : « Bel exemple de ‘fin de crise’ », Münchau relate le développement de la crise dans bon nombre d’économies émergentes en terme de dégringolade ces derniers jours de la valeur des monnaies turque et argentine. La moindre aggravation de la crise est susceptible de faire basculer l’Europe carrément dans la déflation, c’est-à-dire une chute des prix réels.

Münchau écrit: « Une crise monétaire dans un pays voisin est, pour une économie qui se trouve au bord de l’inflation, la dernière chose qu'on veut voir se produire. Et ce n’est pas seulement un problème pour la Grèce et pour Chypre mais pour l'ensemble de la zone euro… Un seul grand choc pourrait suffire. Ce qui se passe actuellement en Turquie et en Argentine pourrait constituer un tel choc. Et je n’ai pas encore mentionné les conséquences éventuelles d’un changement de la politique économique en Chine. »

La misère humaine qui découle de la politique pratiquée par l’élite européenne trouve son expression la plus forte dans l’accroissement du chômage de masse et de la pauvreté qui en résulte.

Selon les tout récents chiffres publiés par Eurostat, le chômage reste le plus élevé dans les pays qui ont été soumis aux programmes d’austérité de l’UE-FMI, à savoir la Grèce, 27,8 pour cent et l'Espagne 25,8 pour cent (tous deux en octobre). Selon Eurostat : « Par rapport à il y a un an, le taux de chômage a augmenté dans quatorze Etats-membres, il a chuté dans treize autres et est resté stable en Suède. Les plus fortes hausses d’une année à l’autre ont été enregistrées à Chypre (17,5), en Grèce (27,8) aux Pays-Bas (7.0) et en Italie (12,7 pour cent). »

Parallèlement, un rapport publié la semaine passée dans Bloomsberg News indique que les chiffres d’Eurostat sont une forte sous-estimation de l’ampleur réelle du chômage en Europe. Le taux de chômage d’Eurostat ne comprend que ceux qui étaient activement à la recherche d’un emploi au cours des quatre semaines précédentes et qui sont disponibles pour commencer à travailler dans les quinze prochains jours. Le montant total de chômeurs qui en résulte est de 19 millions. Une évaluation distincte réalisée par Bloomberg pour le troisième trimestre de l’année dernière et fondée sur les chiffres d’Eurostat, avec en plus les chiffres de ceux qui ont renoncé à chercher du travail ou ne sont pas disponibles immédiatement pour travailler, révèle un montant total bien plus élevé de 31,2 millions de personnes sans emploi.

Le même rapport cite le cas de l’Italie, troisième économie européenne, où 4,2 millions de demandeurs d’emploi ne figurent pas dans les statistiques de chômage du pays. Si l’on ajoute ce dernier chiffre au montant total officiel, le taux de chômage fera plus que doubler en Italie pour atteindre environ 24 pour cent.

Même le stupéfiant montant total de 31,2 millions de personnes sans emploi en Europe ne représente qu’un aspect de la situation. Sur la base de l’expansion du chômage de masse de longue durée, les employeurs ont été en mesure d’établir sur l’ensemble du continent le genre de secteur des bas salaires qui a été lancé en Allemagne il y a plus d’une décennie par le gouvernement social-démocrate/Verts dirigé par Gerhard Schröder. En Allemagne, environ sept millions de travailleurs occupent actuellement des emplois à bas salaire et un grand nombre de ces travailleur sont incapables de gagner suffisamment d’argent pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille.

Selon un récent rapport de l’UE, de tels secteurs d’activités à bas salaires sont en train de se propager à travers l’Europe occidentale. Le rapport de l’UE constate que plus de 12 pour cent des travailleurs italiens sont incapables de vivre de leur salaire. C’est le pourcentage le plus élevé après la Roumanie et la Grèce. Le même rapport fait remarquer que l’Italie est l’un des pires pays pour ceux qui ont perdu leur emploi. Le pourcentage de travailleurs licenciés capables de retrouver un quelconque emploi dans l’année se situe entre 14 et 15 pour cent, soit le plus bas en Europe.

La question de la crise de l’emploi en Europe a été soulevée lors de la récente réunion à Davos de l’élite mondiale des affaires et de la politique. Dans un entretien donné à Davos, le secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Angel Gurria, a signalé les dangers politiques à l’élite dirigeante. « Le problème c’est l’emploi, l’emploi, l’emploi. Il n’y a rien qui soit politiquement plus explosif, plus dangereux et plus déstabilisant que d’avoir toute une génération de jeunes gens très frustrés. »

Malgré cet avertissement, l’Union européenne et le gouvernement allemand sont déterminés à poursuivre durant les semaines et les mois à venir l’application de leur programme d’austérité qui a déjà contraint des dizaines de millions de personnes au chômage et à la pauvreté. Il y a tout juste dix jours, l’auteur des lois antisociales, mises en place par l’ancien gouvernement SPD-Verts, et conseiller de Schröder, ancien directeur des ressources humaines de Volkwagen, Peter Hartz, s’est rendu à Paris en qualité de consultant auprès du gouvernement français pour que celui-ci se dote de son propre secteur de main-d’œuvre bon marché suivant le modèle allemand.

(Article original paru le 5 février 2014)