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Grandes manifestations contre le dernier train de mesures d'austérité en Espagne

Par Alejandro Lopez
21 juillet 2012

(Article original paru le 17 juillet 2012)

Lundi matin, une manifestation de plusieurs milliers de personnes a bloqué le centre-ville de Madrid, marquant le cinquième jour de manifestations des travailleurs contre la dernière bordée de mesures d'austérité. Ces manifestations n'ont pas été organisées par les syndicats, elles ont éclaté spontanément.

Des pompiers, des policiers en civil et des fonctionnaires civils ont participé à la marche sur le Parlement espagnol et ont affronté la police anti-émeute.

L'annonce mercredi dernier d'un troisième train de mesures d'austérité, totalisant 65 milliards d'euros, a déclenché des manifestations massives dans un pays souffrant déjà de 23 pour cent de chômage et de plus de 50 pour cent de sans emploi parmi les jeunes. Un député du Parti populaire (PP) au pouvoir, Andrea Fabra, aurait applaudi en criant «qu'ils aillent tous se faire foutre» lorsque le premier ministre Mariano Rajoy a annoncé des coupes dans les allocations chômage.

Le gouvernement du PP a également annoncé une augmentation de la TVA jusqu'à 13 pour cent sur certains biens de consommation et services comme les dentistes, les oculistes, les pompes funèbres, les coiffeurs, les cinémas et les théâtres. D'autres dispositions portent sur la dérégulation des transports aériens et par chemins de fer, ainsi que sur la flexibilité totale des horaires des magasins de détail, une mesure qui va détruire la vie des petits commerçants.

Le ministre des Finances a estimé que la hausse de la TVA représenterait 437 euros par an pour chaque famille.

Le jour où les mesures ont été annoncées, plus de 25.000 personnes ont applaudi la «marche noire» de 200 mineurs des régions du nord de l'Espagne. Cette marche et la manifestation ont été brutalement réprimées par la police spéciale anti-émeutes quand elles ont atteint le ministère de l'Industrie, laissant 76 blessés et 18 personnes arrêtées. (Voir : http://www.youtube.com/watch?v=Gu1qbHDTZMU&feature=related).

La nuit, la police a chargé à nouveau. Des dizaines de gens ont été blessés. Un groupe d'adolescents et de touristes qui faisaient la queue devant un cinéma ont été frappés à coups de bâtons. Durant près d'une heure, le centre de Madrid a été bloqué par la police.

Jeudi, des fonctionnaires ont spontanément arrêté la circulation dans certaines des grandes artères de Madrid. Un autre groupe a marché vers le quartier général du PP rue Génova, pendant qu'un autre groupe de 200 manifestants est allé à la résidence du premier ministre au palais Moncloa.

Les fonctionnaires ont été particulièrement visés par les dernières mesures, qui comprennent l'élimination de leur bonus de Noël, soit 7 pour cent de leur salaire annuel, une réduction des jours de congé pour motif personnel ou familial, et une réduction des indemnités de maladie. Ces mesures s'ajoutent aux 5 à 15 pour cent de réductions de salaire imposées par le précédent gouvernement du Parti socialiste (PSOE).

Dans la soirée, 500 policiers et pompiers ont manifesté devant le Parlement. La manifestation a été organisée au moyen de Twitter et Facebook, sans qu'aucun syndicat ne soit impliqué. Un pompier a déclaré au journal Diagonal, «nous sommes en colère parce que nous avons perdu 30 pour cent de nos revenus.»

Vendredi, les fonctionnaires ont manifesté à nouveau et établi des barrages routiers. Parmi les manifestants, il y avait des infirmières, des docteurs, des enseignants et des professeurs d'université qui sont exposés aux coupes dans les services de santé et d'éducation.

Dans une autre partie de la capitale, Ana Botella, maire de Madrid et épouse de l'ex-premier ministre José Maria Aznar, a été sifflé par des employés du secteur public.

Une autre manifestation comprenant des milliers de personnes (voir : http://www.youtube.com/watch?v=70U1MPx0Xn8&feature=player_embedded) et organisée sur les réseaux sociaux a eu lieu devant le quartier général du PP. La police a chargé. Les manifestants se sont déplacés vers le quartier général du PSOE puis devant le Parlement, où une ligne de policiers et de barrières était installée. Les principaux slogans chantés étaient «Démission !», «écoute, Mariano [Rajoy], tu ne vas pas passer l'été,», «le prochain chômeur sera un député», «ça nous arrive à cause du gouvernement fasciste» et «PSOE-PP, la même merde».

À Barcelone, plus de 400 personnes tenant des bannières improvisées et criant «démission,» ont marché sur le principal bureau du PP. Ils ont tenté d'aller à la maison du président de la région catalane, Artur Mass, mais la police les en a empêchés. Des manifestations similaires ont eu lieu à Malaga, Valence, et dans d'autres villes.

Dimanche, des centaines de fonctionnaires ont manifesté à nouveau près du Parlement. La nuit, des milliers ont marché à nouveau, criant, «mains en l'air ! C'est du vol» et «Moins de crucifix et plus d'emplois stables.»

Le même jour, le PP a été contraint de fermer son 13e Congrès régional en Andalousie plus tôt que prévu. Rajoy était arrivé en avance pour éviter les fonctionnaires qui l'attendaient avec des bannières improvisées.

Ces dernières manifestations montrent encore une fois que la classe ouvrière est prête à lutter contre les mesures d'austérité. Depuis l'éclatement de la crise en 2008, les gouvernements du PSOE et du PP ont imposé des milliards d'euros de coupes, laissant tomber la sécurité sociale et l'éducation. Ils ont mené des «réformes» du travail qui ont détruit les garanties de la sécurité de l'emploi et les autres protections des travailleurs.

D'après les dernières études de l'association humanitaire catholique Caritas, le niveau de pauvreté en Espagne est comparable à celui de l'Europe au sortir de la 2e Guerre mondiale. Plus de 11 millions de personnes pourraient se retrouver sous le seuil de pauvreté.

Il y a déjà 22 pour cent des ménages espagnols sous le seuil de pauvreté, et 30 pour cent supplémentaires sont confrontés à de sérieuses difficultés pour survivre. 580.000 Espagnols, près de 3,3 pour cent de la population, ne perçoivent aucun revenu d'aucune sorte. Il y a 30.000 sans domicile dans le pays.

Pour la première fois, d'après l'UNICEF, il y a plus d'enfants que de gens âgés de plus de 65 ans dans le besoin. Le nombre d'enfants sous le seuil de pauvreté a augmenté de 10 pour cent depuis 2008. Sur les 205.000 enfants touchés, 13,7 vivent dans des familles dont le revenu total est de moins de 11.000 euros. Seules la Bulgarie et la Roumanie dépassent ces niveaux au sein de l'Union européenne.

Les deux principales fédérations syndicales, l'UGT (Union générale des travailleurs) et les CCOO (Commissions ouvrières) ont réagi aux coupes les plus sombres depuis la dictature de Franco en se contentant de déclarer qu'une grève générale «pourrait être inévitable» et en demandant que le gouvernement soumette les coupes à un référendum. La CSI-F (Confédération syndicale indépendante des Fonctionnaires), le principal syndicat des travailleurs du secteur public, a publié une déclaration appelant à une grève générale d'un jour à la fin septembre – deux mois après que ces coupes n'interviennent. L'UGT et les CCOO ont appelé à une manifestation pour le 19 juin, lorsque le budget sera voté, ce qui impliquerait les travailleurs du public uniquement.