Zapatero demande un financement tout en affirmant que l’Espagne n’a pas besoin de renflouement
Par Paul Mitchell
23 avril 2011
Cette semaine le premier ministre PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol), José Luis Zapatero, s’est rendu en Extrême Orient pour demander des fonds. Sa visite fait suite à une tournée identique au Moyen- Orient en mars.
Suite à des réunions avec le premier ministre chinois Wen Jiabao, Zapatero a rejeté la possibilité que le gouvernement espagnol serait dans l’incapacité d’honorer sa dette et requérait un renflouement. « C’est le consensus des analystes qu’au moment où le Portugal requiert un sauvetage financier, le risque associé à la crise de la dette souveraine dans la zone euro était pratiquement terminé, » a-t-il affirmé. « Ce que nous avons dit aux dirigeants et aux investisseurs chinois c’est qu’ils devaient faire confiance à l’Espagne. »
« L’assistance de la Chine a été cruciale dans les moments de grande difficulté pour rétablir la confiance dans l’économie de l’Espagne, » a dit Zapatero.
La Chine est déjà intervenue deux fois au cours de ces 12 derniers mois pour racheter des obligations du gouvernement espagnol et a promis de le refaire. Elle détient actuellement plus de 12 pour cent des obligations du gouvernement espagnol (environ 25 milliards d’euros), en forte augmentation par rapport aux 4 pour cent d’il y a un an. La Chine a aussi dit vouloir participer à un fonds pour la restructuration des caisses d’épargne locales espagnole (cajas) qui ont été au cœur de la crise financière.
La ministre espagnole des Finances, Elena Salgado également a tenté de rassurer les marchés financiers. Après la demande de renflouement, Salgago a passé la semaine dernière la plus grande partie de son temps à un sommet de deux jours des ministres des Finances de l’Union européenne (UE) pour insister que la « contagion » affectant la Grèce, l’Irlande et le Portugal ne se propagerait pas à l’Espagne. Salgado a dit que son pays « ne suivra pas cette voie du fait que… notre économie est beaucoup plus grande, beaucoup plus diversifiée. Nous disposons d’un très bon bilan. »
C’était ce que l’UE voulait entendre. La plus grande partie de la politique d’austérité que l’Espagne a appliquée a été élaborée en étroite coopération avec l’UE et le Fonds monétaire international (IMF). A la fin du sommet, les ministres de l’UE sont passés les uns après les autres devant la presse mondiale pour souligner que l’Espagne n’aurait pas besoin de plan de sauvetage – toutefois la valeurs de leurs assurances est limitée vu qu’ils avaient fait l’année dernière des commentaires identiques concernant le Portugal, avant qu’il ne demande un renflouement cette année.
« L’Espagne ne pose pas problème, » a déclaré la ministre française des Finances, Christine Lagarde qui ajouta qu’elle ne croyait crois pas à un risque de contagion et pensait qu’on était entièrement sorti de cette situation.
Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a réitéré, « Le risque de contagion a diminué… Non pas que nos craintes soient passées, mais nous sommes sur la bonne voie. »
« L’Espagne fait des efforts énormes pour consolider son budget, » a dit le directeur général du Fonds européens de stabilité financière (EFSF), Klaus Regling, en ajoutant, « Le pays est aujourd’hui dans de meilleures conditions et, dans l’opinion des marchés, il s’est nettement différencié des trois petits pays. »
Pas tous les analystes de marché sont d’accord avec cette évaluation en rose, d’autant qu’il y a la crainte que de grandes banques n’aient des pertes liées à l’éclatement de la bulle immobilière espagnole. Les prêts accordés au secteur du bâtiment et à l’immobilier s’élevaient à 400 milliards d’euros à la fin de 2010.
Wolfgang Münchau, écrivant dans le Financial Times du 10 avril, le lendemain de la clôture du sommet, a déclaré, « L’Europe contente de soi doit réaliser que l’Espagne sera la prochaine. » Il a écrit, « Le mélange d’un endettement extérieur élevé, de la fragilité du secteur financier et de la probabilité de nouvelles baisses des valeurs financières augmentent à un moment donné la probabilité de restrictions sur le financement … Et ceci signifie que l’Espagne sera le prochain pays en quête d’une assistance financière de l’UE et du FMI. »
Les analystes financiers ont fourni des évaluations selon lesquelles l’Espagne pourrait échapper à un sauvetage si ses pertes bancaires étaient inférieures à 75 milliards d’euros. Le gouvernement espagnol affirme que les pertes se situent en dessous de 20 milliards d’euros mais, nombreux sont ceux, qui insistent pour dire que le gouvernement sous-estime et même dissimule sérieusement l’ampleur de la crise. Certaines évaluations chiffrent même les pertes à 120 milliards d’euros.
L’endettement du gouvernement espagnol s’élève à 750 milliards d’euros ou 62 pour cent du produit intérieur brut (PIB) et est donc relativement petit par rapport à la taille de son économie, au regard des normes communautaires. Toutefois, sa dette privée – contractée par des emprunteurs privés, des entreprises et des banques – s’élève à non moins de 170 pour cent du PIB et est considérée comme étant insoutenable.
Le gros de la dette du Portugal et de l’Irlande, qui tous deux ont demandé des renflouements, était aussi détenu par des particuliers. Les gouvernements portugais et irlandais ont renfloué le secteur privé en s’appropriant une grande partie de sa dette puis furent obligés d’emprunter à des taux exorbitants pour compenser le manque à gagner. Lorsque ceci a échoué, ils allèrent quémander des renflouements à hauteur de plusieurs milliards d’euros auprès de l’UE et du FMI.
Selon le directeur du fonds Jupiter Strategic Bond, Ariel Bezabel, « Le secteur privé de l’Espagne détient aussi la part du lion de l’endettement du pays et nous trouvons cela particulièrement préoccupant… [Si] la situation devait se détériorer en Espagne, ceci représenterait à notre avis un point de non retour. Le marché est certainement du même avis. »
Un sauvetage de l’Espagne – évalué à plus de 400 milliards d’euros – éclipserait ceux qui sont survenus jusqu’ici et viderait littéralement le Fonds européen de stabilité financière (EFSF).
Les cajas ont dû reprendre des maisons invendues ou saisies en espérant être en mesure de les vendre lorsque la reprise du marché immobilier aurait commencé. Non seulement ceci ne s’est pas réalisé mais la situation s’est aggravée avec la chute des valeurs immobilières. Entre 2001 et 2007, les prix des maisons se sont envolés de 150 pour cent. Mais, tandis que les prix ont baissé entre 50 et 100 pour cent ailleurs, en Espagne, ils ont pour le moment, baissé de moins de 20 pour cent. Une quantité énorme de maisons – un million, trois fois plus qu’aux Etats-Unis – sont disponibles, signalant qu’il y aura une « offre excédentaire » pendant des années.
Les cajas sont restées derrière, ayant à leur charge des dizaines de milliards d’actifs. Elles sont également considérées comme figurant parmi les plus vulnérables en Europe face aux augmentations du taux d’intérêt de la Banque centrale européenne (BCE). Non seulement leurs profits seront restreints, mais un nombre grandissant d’Espagnols n’arriveront plus à rembourser leurs emprunts contractés pour des logements qui ne valent plus qu’une fraction de ce qu’ils les ont payés.
La crise des cajas avait atteint un point culminant l’année passée lorsque le gouvernement avait dû intervenir avec un renflouement de 9 milliards d’euros pour la Caja Castilla La Mancha et en organisant ensuite le sauvetage de la Cajasur qui est contrôlée par l’église catholique. La Banque d’Espagne a commencé par fusionner la plupart des 45 cajas du pays en une poignée de nouvelles institutions en leur ordonnant d’obtenir davantage de capital du secteur privé. Depuis lors, le personnel a été réduit de plus 15 pour cent et un quart de l’ensemble des agences locales a été fermé.
En mars, la Banque d’Espagne avait révélé que huit cajas, ainsi que deux banques espagnoles et deux succursales de Deutsche Bank et de Barclays Bank, ne disposaient toujours pas de suffisamment de capital et furent instruites de compenser le manque à gagner avant le prochain test de résistance (« stress test ») pour les banques européennes. Lors des derniers stress tests réalisés en 2010, cinq des sept banques qui n’avaient pas répondu aux critères étaient espagnoles.
La semaine passée, la fusion de la Caja de Ahorros del Mediterráneo (CMA), sise à Alicante, avec trois autres cajas a échoué après qu’on ait découvert que son capital était encore insuffisant. Le gouvernement a exercé une pression sur les grandes banques, dont Santander et BBVA, pour reprendre la CAM en vain. Il est possible que le fonds de restructuration des banques espagnoles doive intervenir.
Pour la bourgeoisie espagnole, l’UE et les marchés monétaires, l’objectif clé est d’obliger la classe ouvrière à payer pour la crise. Le gouverneur de la Banque d’Espagne et le membre du conseil d’administration de la BCE, Miguel Ángel Fernández Ordóñez, a déclaré qu’il était « essentiel » pour le gouvernement d’intensifier son « rythme ambitieux » des réformes, notamment celles touchant au marché du travail. Le FMI s’est fait mardi l’écho de ses exigences en disant que davantage de mesures d’austérité étaient nécessaires pour ramener le déficit budgétaire de l’estimation de cette année de 6 pour cent à 3 pour cent du PIB d’ici 2013.
Les mesures d’austérité brutales du PSOE dont des réductions des salaires du secteur public et des retraites, des coupes sociales et d’autres services publics, la hausse de la TVA et de nouvelles privatisations ont maintenu à l’écart de l’Espagne la horde de loups des spéculateurs et ont évité que les taux d’intérêt que le gouvernement espagnol doit payer pour ses emprunts ne grimpent aux niveaux intenables qu’a connus le Portugal.
Les syndicats espagnols ont été chargés par la classe dirigeante de collaborer avec l’Etat et le patronat pour imposer les coupes. Actuellement, ils négocient secrètement avec les dirigeants patronaux pour « réformer » le système de négociation salariale afin de mettre fin à l’indexation du salaire sur le taux d’inflation pour le faire baisser. Les deux parties ont promis un accord cette semaine, mais les employeurs ont brusquement exigé des mesures supplémentaires pour réduire les prestations d’assurance sociale et de maladie.
Cándido Méndez, le secrétaire général du syndicat Union générale des Travailleurs (UGT) a expliqué que le retard ne devrait rendre « personne nerveux ou frénétique ». Ignacio Fernández Toxo, le dirigeant du Parti communiste (PCE) et le dirigeant des Commissions ouvrières (CCOO), a dit qu’un accord était encore « le plus probable. »
Le président de l’association des employeurs, Joan Rosell, a dit, « Nous essayons de mettre sur la table quelque chose que nous n’avons jamais eu auparavant » et que les réformes seraient « significatives et profondes. »
(Article original paru le 15 avril 2011)